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ЖАНРЫ

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LE VISITEUR. Oui, bien s^ur. (Il fouille dans ses poches.) J’ai peur de l’avoir laiss'ee `a la maison.

LE DOCTEUR. En toute honn^etet'e, vous ne me facilitez pas la t^ache.

LE VISITEUR. J’ignore moi-m^eme comment c’est advenu. Je me souviens que mon nom est tr`es courant.

LE DOCTEUR. T^achons de nous souvenir. Nicolas, peut-^etre ?

LE VISITEUR. (Incertain.) Peut-^etre.

LE DOCTEUR. Ou Serge ?

LE VISITEUR. Je ne sais pas.

LE DOCTEUR. Et votre nom de famille ? Oubli'e aussi ?

LE VISITEUR. Et le nom de famille aussi. Mais ne vous inqui'etez pas. Je dois avoir sur moi une note avec mon nom et mon adresse. Ma femme me glisse toujours cette note dans la poche, quand je sors. (Il cherche dans ses poches et trouve un petit papier. Triomphant.) Tenez, vous voyez ? Vous allez savoir comment je m’appelle.

LE DOCTEUR. (Il d'eplie et lit la note.) Voyons voir… Un num'ero de t'el'ephone… Et un nom, l`a.

« Ir`ene ». (Perplexe.) Mais ce n’est pas votre pr'enom !

LE VISITEUR. Vous ^etes s^ur ?

LE DOCTEUR. Et vous non ? Vous ^etes un homme, enfin !

LE VISITEUR. Comment le savez-vous ? Je vous l’ai dit ?

LE DOCTEUR. Vous ne le savez pas vous-m^eme ?

LE VISITEUR. Que je suis un homme ? Si vous l’affirmez, je vous crois. (Il r'efl'echit.) Si Ir`ene n’est pas mon pr'enom, alors de qui est-ce le pr'enom ?

LE DOCTEUR. (Commencant `a s’'enerver.) C’est justement ce que je voulais vous demander.

LE VISITEUR. Probablement, est-ce le pr'enom de ma femme.

LE DOCTEUR. Que signifie « probablement » ? Vous ne vous rappelez pas le pr'enom de votre femme ?

LE VISITEUR. Vous vous moquez. Bien s^ur, que je me le rappelle.

LE DOCTEUR. Alors, c’est elle ou non ?

LE VISITEUR. Elle, naturellement. Ma tendre, ma douce, mon aimante et ador'ee 'epouse. Vous n’allez pas le croire, mais nous nous connaissons depuis le cours pr'eparatoire. Nous 'etions dans la m^eme 'ecole. Docteur, vous souvenez-vous de votre lune de miel ?

LE DOCTEUR. (Incr'edule.) Et vous ?

LE VISITEUR. Et comment ! Oh ! l`a l`a ! quel moment ca a 'et'e ! Chaque creux de son corps 'etait encore envelopp'e de myst`ere, chaque attouchement 'etait encore source d’'emoi et chaque nuit tenait du miracle. D’un miracle qui n’en finissait pas. Vous souvenez-vous de tout cela, docteur ?

LE DOCTEUR. (Soupirant, avec sentiment.) Qui ne s’en souvient pas ?

LE VISITEUR. Le croirez-vous, docteur, mais notre lune de miel se continue, aujourd’hui encore.

LE DOCTEUR. Donc, il vous reste quand m^eme des bribes de souvenirs ?

LE VISITEUR. Bien s^ur. Sinon, je serais un parfait cr'etin. Malheureusement, j’ai parfois des trous de m'emoire. Des morceaux s’'evanouissent. Puis refont surface. Puis s’'evanouissent `a nouveau et `a nouveau refont surface. `A nouveau s’'evanouissent. `A nouveau refont surface. `A nouveau…

LE DOCTEUR. (L’interrompant.) J’ai compris. S’'evanouissent.

LE VISITEUR. Oui. S’'evanouissent. Mais globalement, j’ai une excellente m'emoire.

LE DOCTEUR. Vraiment ?

LE VISITEUR. Naturellement. J’aime beaucoup la litt'erature, la philosophie, l’art. Avez-vous lu Hegel ?

LE DOCTEUR. Oui, quelques textes par-ci par-l`a.

LE VISITEUR. Vous souvenez-vous combien belle est sa mani`ere de parler d’architecture et de sculpture ?

LE DOCTEUR. M-m-m… Et vous ?

LE VISITEUR. Bien s^ur. (Avec sentiment.)

« La concr'etion d’id'ees abstraites, dans la sph`ere de la plastique, g'en`ere la phase de l’esprit retournant dans soi, durant laquelle, se s'eparant de lui-m^eme, il est potentialis'e dans la sph`ere de la cognition figurative de l’immanence dans la beaut'e. »

LE DOCTEUR. Ce sont les mots de Hegel ?

LE VISITEUR. Oui, pourquoi ?

LE DOCTEUR. Non, rien. Si c’est le cas, peut-^etre, vous rappelez-vous, malgr'e tout, comment vous vous appelez ?

LE VISITEUR. Moi ?

LE DOCTEUR. (Perdant patience.) Vous ! Pas moi, bien s^ur ! Ne pouvez-vous pas faire en sorte que, d’une mani`ere ou d’une autre, votre nom refasse surface ?

LE VISITEUR. Bien s^ur. Je m’appelle… j’ai oubli'e.

LE DOCTEUR. Et si nous appelions votre femme, nous apprendrions votre nom avec son aide ?

LE VISITEUR. Bonne id'ee.

LE DOCTEUR. Qui l’appelle, vous ou moi ?

LE VISITEUR. Il vaut mieux que ce soit vous. Sinon, elle va dire mon nom et je l’oublierai de nouveau.

LE DOCTEUR. (Regardant la note, il compose le num'ero et parle.) Bonjour. Puis-je parler `a Ir`ene ? Enchant'e. Je vous appelle de la clinique. Je voudrais savoir comment s’appelle votre mari. Oui, je comprends, que cette question vous paraisse quelque peu 'etrange… Non, je ne plaisante pas et ce n’est pas un gag… Je suis effectivement docteur et mon num'ero de t'el'ephone se trouve dans n’importe quel annuaire… (Plus s`echement et 'energiquement.) Votre mari a des probl`emes, et vous savez bien quels genres de probl`emes… (Avec col`ere.) Excusez-moi, mais l’insolence, c’est quand on traite, sans raison, d’insolente une personne qu’on ne conna^it pas. Votre mari…

La conversation est interrompue. De d'epit Le Docteur couvre le combin'e du t'el'ephone de sa main.

LE VISITEUR. Alors, qu’a-t-elle dit ?

LE DOCTEUR. Elle a dit qu’elle n’a pas du tout de mari !

LE VISITEUR. Ma femme n’a pas de mari ? C’est bizarre.

LE DOCTEUR. Bizarre, en effet.

LE VISITEUR. Mais alors, qui est-ce ?

LE DOCTEUR. Ca, j’aimerais que vous me le disiez.

LE VISITEUR. Mais pourquoi ne pas le lui avoir demand'e ?

LE DOCTEUR. Parce qu’elle a raccroch'e. Excusez-moi, mais votre femme est une personne assez nerveuse.

LE VISITEUR. Probablement, sa nervosit'e vient-elle, justement, de ce qu’elle n’a pas de mari.

LE DOCTEUR. Mais elle est votre femme !

LE VISITEUR. (Perplexe.) C’est juste. Dites, comme ca, pourquoi avez-vous besoin de mon nom ? Ca facilitera la gu'erison, ou quoi ?

LE DOCTEUR. Pour ouvrir une fiche m'edicale. Pour vous suivre. Pour vous faire passer un examen. Pour vous envoyer la facture, que diable !

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