Pi?ces choisies
Шрифт:
JEANNE. Une putain doubl'ee d’une affairiste.
LE DOCTEUR. Vous y allez un peu fort. Elle m’a sembl'e tout `a fait attirante.
JEANNE. Malheureusement, les putains sont toujours attirantes. `A la diff'erence de nous, les honn^etes femmes.
LE DOCTEUR. Bon, vous la connaissez ou non ?
JEANNE. Bien s^ur que non, et je ne veux pas la conna^itre. Je ne fraye pas avec de telles personnes. Du reste, aucune femme, en r'ealit'e, n’est venue ici et vous le savez parfaitement.
LE DOCTEUR. Il est venu une femme.
JEANNE. Elle n’est pas venue.
LE DOCTEUR. Elle est venue. (S’essuyant le front.) Mais, peut-^etre, en effet, n’est-elle pas venue.
JEANNE. Excusez-moi, je veux v'erifier si Michel est toujours l`a. Il faut toujours avoir un oeil sur lui.
JEANNE sort et revient.
LE DOCTEUR. Toujours l`a ?
JEANNE. Oui.
LE DOCTEUR. Dommage.
JEANNE. Cessons ces discussions sur les femmes et passons aux choses s'erieuses. Je ne suis pas venue ici pour entendre des r'ecits fantastiques, mais pour le certificat m'edical de mon mari.
LE DOCTEUR. Pour 'etablir un certificat m'edical, je dois d’abord 'etudier sa maladie. C’est pourquoi je vous demande depuis quand…
JEANNE. (L’interrompant.) Premi`erement, je vous ai tout dit, vingt fois d'ej`a.
LE DOCTEUR. (Tr`es 'etonn'e.) Quand ?
JEANNE. (Sans l’entendre.) Deuxi`emement, au lieu de poser des questions inutiles, vous feriez mieux de regarder sa carte m'edicale. Elle est dans votre ordinateur. Il y a tout.
LE DOCTEUR. Je n’ai aucune carte m'edicale le concernant !
JEANNE. Que dois-je comprendre ? Seriez-vous `a ce point n'egligent que vous ne la remplissez pas ? Vous savez parfaitement que cette n'egligence est assimilable `a une faute professionnelle !
LE DOCTEUR. Vous vous oubliez !
JEANNE. (Sur un ton dur.) Nullement. Je ne souffre pas encore d’amn'esie. Et je tiens `a vous rappeler que la carte m'edicale est un document non seulement m'edical, mais aussi juridique. En cas de plainte l'egale contre vous de la part du malade, elle permettra d’'etablir la conformit'e ou la non-conformit'e du traitement prescrit par vous. Je crains que vous ne l’ayez pas remplie ou que vous l’ayez sciemment effac'ee pour masquer aux finances publiques les sommes que vous avez percues de nous pour les visites.
LE DOCTEUR. Je n’ai recu aucune somme !
JEANNE. Ne vous inqui'etez pas, nous n’avons pas l’intention de vous demander de les rendre. La seule chose que je veux, c’est un certificat attestant de l’'etat de gravit'e dans lequel se trouve mon mari et sa carte m'edicale.
LE DOCTEUR. (Il est compl`etement d'econcert'e.) Le certificat, `a la limite, je peux vous le donner, mais…
JEANNE. (Intraitable.) Ainsi que la carte m'edicale.
LE DOCTEUR. O`u vais-je la trouver ?
JEANNE. Dans votre ordinateur. Dans le tiroir de votre bureau. Est-ce que je sais moi ? Trouvez-la, refaites-la, cela ne me regarde pas. Que la carte m'edicale soit pr^ete dans une heure ! Dans exactement soixante minutes je reviens la chercher ! Et n’essayez pas `a nouveau de vous trouver une quelconque excuse comme la derni`ere fois.
JEANNE se dirige vers la sortie. `A l’entr'ee, elle se heurte `a un nouveau visiteur. C’est un homme d’apparence tr`es respectable, v^etu d’un costume strict bien taill'e. Ils se lancent un regard furtif. JEANNE sort. L’HOMME ne remarque pas tout de suite LE DOCTEUR, apparu de derri`ere un paravent. En l’apercevant, il sursaute.
LE DOCTEUR. En quoi puis-je vous ^etre utile ?
L’HOMME. (Tressaillant.) Je… je… je…
LE DOCTEUR. Qui ^etes-vous ?
L’HOMME. Je… je… je…
LE DOCTEUR. Oui, vous, vous, vous ! Pas moi, que diable !
L’HOMME. Je… Je ne pense pas que mon nom ait quelque importance pour vous.
LE DOCTEUR. Alors, pourquoi ne le donneriez-vous pas ?
L’HOMME. En effet, pourquoi ?
LE DOCTEUR. C’est bien ce que je dis, pourquoi ?
L’HOMME. Tenez, vous voyez, nous disons tous les deux
LE DOCTEUR. Alors, pourquoi, malgr'e tout, ne le donnez-vous pas ?
L’HOMME. Parce que je n’en vois pas la n'ecessit'e.
LE DOCTEUR. Cessez de tourner autour du pot et parlez franc : de quoi souffrez-vous ?
L’HOMME. Puis-je parler avec vous d’homme `a homme ?
LE DOCTEUR. Le voudrions-nous que nous ne pourrions parler de femme `a femme.
L’HOMME. Vous avez raison.
LE DOCTEUR. Eh bien, accouchez, ne craignez rien, qu’est-ce qui vous am`ene ?
L’HOMME. Je ne sais par quoi commencer…
LE DOCTEUR. Soyez plus hardi, vous n’avez pas `a avoir honte du tout. La quasi-totalit'e des hommes rencontrent ces probl`emes-l`a.
L’HOMME. Comment connaissez-vous mes probl`emes ?
LE DOCTEUR. Je les devine.
L’HOMME. Vous ne pouvez pas les conna^itre. Le fait est que… Comment le dire…
LE DOCTEUR. Allons, allons, ne rougissez pas. Vous ^etes venu voir un m'edecin. Et ici, les secrets sont gard'es.
L’HOMME. (Apr`es h'esitation.) Bon, ca va. Pour ^etre honn^ete, j’avais d’abord d'ecid'e de me faire passer pour malade. Mais maintenant, je me dis, pourquoi ne pas dire les choses comme elles sont ?
LE DOCTEUR. Ainsi, vous n’^etes pas malade ?
L’HOMME. Non.
LE DOCTEUR. Que faites-vous donc ici ?
L’HOMME. Je cherche une femme.
LE DOCTEUR. Puis-je vous confier un secret ? Je ne suis pas une femme.
L’HOMME. Ce n’est pas le moment de plaisanter. L’affaire est tr`es s'erieuse.
LE DOCTEUR. Qui est-elle pour vous ? Votre 'epouse, peut-^etre ?
L’HOMME. (Apr`es une certaine h'esitation.) Oui.
LE DOCTEUR. Mais qu’est-ce que je viens faire l`a ?
L’HOMME. Je sais, qu’elle sort juste d’ici.
L’HOMME. Je ne diffuse pas d’informations concernant mes visiteurs.
L’HOMME. Cette fois-ci, vous devez faire une exception.
LE DOCTEUR. J’aimerais bien savoir pourquoi !
L’HOMME. Parce que je l’aime `a en perdre la m'emoire.
LE DOCTEUR. Vous aimez votre femme ?!
L’HOMME. Oui. Et alors ?
LE DOCTEUR. Non, rien. C’est tr`es touchant.
L’HOMME. Bon, o`u est-elle ?
LE DOCTEUR. Votre femme n’est pas venue ici.