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ЖАНРЫ

Bel-Ami / Милый друг
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M. de Marelle remit un morceau de bois au feu, et demanda:

– Voici longtemps que vous vous occupez de journalisme?

Duroy repondit:

– Depuis quelques mois seulement.

– Ah! vous avez marche vite.

– Oui, assez vite.

Et il se mit a parler au hasard, sans trop songer a ce qu'il disait, debitant toutes les banalites en usage entre gens qui ne se connaissent point. Il se rassurait maintenant et commencait a trouver la situation fort amusante. Il regardait la figure serieuse et respectable de M. de Marelle, avec une envie de rire sur les levres, en pensant: «Toi, je te fais cocu, mon vieux, je te fais cocu.» Et une satisfaction intime, vicieuse, le penetrait, une joie de voleur qui a reussi et qu'on ne soupconne pas, une joie fourbe, delicieuse. Il avait envie, tout a coup, d'etre l'ami de cet homme, de gagner sa confiance, de lui faire raconter les choses secretes de sa vie.

Mme de Marelle entra brusquement, et les ayant couverts d'un coup d'oeil souriant et impenetrable, elle alla vers Duroy qui n'osa point, devant le mari, lui baiser la main, ainsi qu'il le faisait toujours.

Elle etait tranquille et gaie comme une personne habituee a tout, qui trouvait cette rencontre naturelle et simple, en sa rouerie native et franche. Laurine apparut, et vint, plus sagement que de coutume, tendre son front a Georges, la presence de son pere l'intimidant. Sa mere lui dit:

– Eh bien, tu ne l'appelles plus Bel-Ami, aujourd'hui.

Et l'enfant rougit, comme si on venait de commettre une grosse indiscretion, de reveler une chose qu'on ne devait pas dire, de devoiler un secret intime et un peu coupable de son coeur.

Quand les Forestier arriverent, on fut effraye de l'etat de Charles. Il avait maigri et pali affreusement en une semaine et il toussait sans cesse. Il annonca d'ailleurs qu'ils partaient pour Cannes le jeudi suivant, sur l'ordre formel du medecin.

Ils se retirerent de bonne heure, et Duroy dit en hochant la tete:

– Je crois qu'il file un bien mauvais coton. Il ne fera pas de vieux os.

Mme de Marelle affirma avec serenite:

– Oh! il est perdu! En voila un qui avait eu de la chance de trouver une femme comme la sienne.

Duroy demanda:

– Elle l'aide beaucoup?

– C'est-a-dire qu'elle fait tout. Elle est au courant de tout, elle connait tout le monde sans avoir l'air de voir personne; elle obtient ce qu'elle veut, comme elle veut, et quand elle veut. Oh! elle est fine, adroite et intrigante comme aucune, celle-la. En voila un tresor, pour un homme qui veut parvenir.

Georges reprit:

– Elle se remariera bien vite, sans doute?

Mme de Marelle repondit:

– Oui. Je ne serais meme pas etonnee qu'elle eut en vue quelqu'un… un depute… a moins que… qu'il ne veuille pas…, car… car…, il y aurait peut-etre de gros obstacles… moraux… Enfin, voila. Je ne sais rien.

M. de Marelle grommela avec une lente impatience:

– Tu laisses toujours soupconner un tas de choses que je n'aime pas. Ne nous melons jamais des affaires des autres. Notre conscience nous suffit a gouverner. Ce devrait etre une regle pour tout le monde.

Duroy se retira, le coeur trouble et l'esprit plein de vagues combinaisons.

Il alla le lendemain faire une visite aux Forestier et il les trouva terminant leurs bagages. Charles, etendu sur un canape, exagerait la fatigue de sa respiration et repetait:

– Il y a un mois que je devrais etre parti.

Puis il fit a Duroy une serie de recommandations pour le journal, bien que tout fut regle et convenu avec M. Walter.

Quand Georges s'en alla, il serra energiquement les mains de son camarade:

– Eh bien, mon vieux, a bientot!

Mais, comme Mme Forestier le reconduisait jusqu'a la porte, il lui dit vivement:

– Vous n'avez pas oublie notre pacte? Nous sommes des amis et des allies, n'est-ce pas? Donc, si vous avez besoin de moi, en quoi que ce soit, n'hesitez point. Une depeche ou une lettre et j'obeirai.

Elle murmura:

– Merci, je n'oublierai pas.

Et son oeil aussi lui dit:

«Merci», d'une facon plus profonde et plus douce.

Comme Duroy descendait l'escalier, il rencontra, montant a pas lents, M. de Vaudrec, qu'une fois deja il avait vu chez elle. Le comte semblait triste – de ce depart, peut-etre?

Voulant se montrer homme du monde, le journaliste le salua avec empressement.

L'autre lui rendit avec courtoisie, mais d'une maniere un peu fiere.

Le menage Forestier partit le jeudi soir.

VII

La disparition de Charles donna a Duroy une importance plus grande dans la redaction de la Vie Francaise. Il signa quelques articles de fond, tout en signant aussi ses echos, car le patron voulait que chacun gardat la responsabilite de sa copie. Il eut quelques polemiques dont il se tira avec esprit; et ses relations constantes avec les hommes d'Etat le preparaient peu a peu a devenir a son tour un redacteur politique adroit et perspicace.

Il ne voyait qu'une tache dans tout son horizon. Elle venait d'un petit journal frondeur qui l'attaquait constamment, ou plutot qui attaquait en lui le chef des echos de la Vie Francaise, le chef des echos a surprises de M. Walter, disait le redacteur anonyme de cette feuille, appelee: La Plume. C'etaient, chaque jour, des perfidies, des traits mordants, des insinuations de toute nature.

Jacques Rival dit un jour a Duroy:

– Vous etes patient.

L'autre balbutia:

– Que voulez-vous, il n'y a pas d'attaque directe.

Or, un apres-midi, comme il entrait dans la salle de redaction, Boisrenard lui tendit le numero de la Plume:

– Tenez, il y a encore une note desagreable pour vous.

– Ah! a propos de quoi?

– A propos de rien, de l'arrestation d'une dame Aubert par un agent des moeurs.

Georges prit le journal qu'on lui tendait, et lut, sous ce titre: Duroy s'amuse:

«L'illustre reporter de la Vie Francaise nous apprend aujourd'hui que la dame Aubert, dont nous avons annonce l'arrestation par un agent de l'odieuse brigade des moeurs, n'existe que dans notre imagination. Or la personne en question demeure 18, rue de l'Ecureuil, a Montmartre. Nous comprenons trop, d'ailleurs, quel interet ou quels interets peuvent avoir les agents de la banque Walter a soutenir ceux du prefet de police qui tolere leur commerce. Quant au reporter dont il s'agit, il ferait mieux de nous donner quelqu'une de ces bonnes nouvelles a sensation dont il a le secret: nouvelles de morts dementies le lendemain, nouvelles de batailles qui n'ont pas eu lieu, annonce de paroles graves prononcees par des souverains qui n'ont rien dit, toutes les informations enfin qui constituent les «Profits Walter», ou meme quelqu'une des petites indiscretions sur des soirees de femmes a succes, ou sur l'excellence de certains produits qui sont d'une grande ressource a quelques-uns de nos confreres.»

Le jeune homme demeurait interdit, plus qu'irrite, comprenant seulement qu'il y avait la-dedans quelque chose de fort desagreable pour lui.

Boisrenard reprit:

– Qui vous a donne cet echo?

Duroy cherchait, ne se rappelant plus. Puis, tout a coup, le souvenir lui revint:

– Ah! oui, c'est Saint-Potin.

Puis il relut l'alinea de la Plume, et il rougit brusquement, revolte par l'accusation de venalite.

Il s'ecria:

– Comment, on pretend que je suis paye pour…

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