Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
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— Expliquez-nous, monsieur l’abb'e, comment il se fait qu’on vous ait vu ici `a onze heures dix alors que vous pr'etendez en ^etre parti `a sept heures et demie du matin ?
— Je ne comprends rien `a la d'eposition de M me Moutin. On a cru me voir sortir de l’ H^otel Europ'een`a onze heures. J’affirme que j’en suis parti `a sept heures et demie et que par cons'equent…
— Parbleu, fit le bijoutier, voil`a bien la preuve que nous cherchions. M me Moutin ne peut pas se tromper, quand elle dit qu’elle a vu le
***
Deux heures plus tard, l’excellent M. Morel quittait la prison de Saint-Calais, soucieux. M. Morel n’avait pu se refuser `a d'ecerner un mandat de d'ep^ot contre le vicaire de Ponc'e.
— 'Evidemment, songeait M. Morel, 'evidemment, il semble bien que ce pr^etre soit le coupable. Et cependant, comme c’est 'etrange. L’abb'e Jeandron. Quel dommage qu’il se retranche derri`ere le secret de la confession. Si seulement j’avais cette d'ep^eche, qu’il pr'etend avoir recue.
Or, de songer `a la d'ep^eche myst'erieuse que le pr^etre s’'etait refus'e `a communiquer, une id'ee lumineuse venait `a l’esprit du magistrat. Le magistrat se pr'ecipita vers le bureau de poste d’o`u, avait affirm'e le pr^etre, avait 'et'e exp'edi'e le t'el'egramme.
— Madame la receveuse, demanda M. Morel, voulez-vous me communiquer, en vertu de ma qualit'e de juge d’instruction, l’original de la d'ep^eche exp'edi'ee `a l’abb'e Jeandron ? Vous conservez les originaux ? n’est-ce pas ?
La receveuse fouilla dans ses cartons, ne trouva rien.
— Oh, oh, pensa M. Morel, voil`a qui tend `a prouver que l’abb'e Jeandron a menti. J’ai bien fait de l’arr^eter.
Mais la receveuse brandissait une formule. M. Morel lut le t'el'egramme suivant :
Un malheureux p'echeur qui ne veut pas ^etre reconnu, qui doit craindre d’^etre apercu de quiconque, vous supplie, monsieur l’abb'e, de l’entendre en confession `a la petite chapelle qui s’'el`eve sur la route du Mans. Je vous attendrai `a midi un quart.
3 – UNE CORDE SUR LA ROUTE
— Madame la marquise, reprendra-t-elle du poulet ?
— Non merci, Rosa. Je n’ai pas d’app'etit ce soir.
Soudain, pr^etant l’oreille, la jeune femme crut entendre un bruit au rez-de-chauss'ee du ch^ateau. Elle courut `a la sonnette 'electrique, en pressa le bouton. Quelques instants plus tard, Rosa apparaissait.
— Madame m’a sonn'ee ?
— Monsieur le marquis est-il l`a ?
La cam'eriste sans aucun doute allait r'epondre :
— Monsieur le marquis n’est pas encore rentr'e, madame.
Et pour ne point l’entendre, elle ordonna :
— V'erifiez donc la lampe, Rosa.
Docilement la femme de chambre v'erifia la m`eche qui ne fumait pas et le r'eservoir de cristal rempli de p'etrole jusqu’au bord :
— La lampe va bien, madame, dit Rosa.
Tiens, mais Rosa 'etait 'el'egante, plus qu’il ne le convenait peut-^etre dans sa situation. Elle 'etait bien faite, jeune, jolie, arrang'ee avec coquetterie, et l’infortun'ee marquise en arrivait `a se demander si elle n’avait pas `a consid'erer une rivale en la personne de sa domestique.
— Madame n’a plus besoin de moi ?
— Non, Rosa, vous pouvez vous retirer.
Antoinette de Tergall venait de se raisonner. Une pens'ee avait surgi tout `a coup dans son esprit.
— Non, cette femme de chambre n’'etait pas la ma^itresse de son mari, pour cette bonne raison qu’il en avait une autre. Antoinette de Tergall avait entendu parler `a maintes reprises d’une certaine artiste, chanteuse de concert ou de th'e^atre, – elle ne savait au juste, – qui, par ses excentricit'es et ses toilettes tapageuses, s’'etait fait remarquer au Mans pendant l’hiver de l’ann'ee pr'ec'edente et dont les journaux locaux annoncaient le retour.
— Oh, pensait Antoinette de Tergall, ce n’est pas par amour que cette fille s’est donn'ee `a Maxime. D’ailleurs, ces sortes de femmes ne se donnent pas, elles se vendent.
Il 'etait maintenant une heure du matin.
Soudain, un bruit de pas pr'ecipit'es. 'Etait-ce lui qui revenait ? ou 'etait-ce un porteur d’excuse, bonne ou mauvaise ?
La marquise courut `a la porte de sa chambre, se pr'ecipita au haut de l’escalier :
— Maxime ? est-ce donc vous enfin ?
— C’est moi, je suis `a vous dans un instant.
— Maxime, qu’avez-vous ? que vous est-il arriv'e ? Un accident ? Vous ^etes bless'e ?
Et la jeune femme, tendrement, s’approchait du marquis. Mais celui-ci l’'ecarta d’un geste brusque, d’une voix sourde il gronda :
— Foutu, je suis foutu.
La t^ete entre les mains, les yeux fix'es sur le sol, Maxime de Tergall ne s’expliquait pas, et, d’autre part, la marquise n’osait l’interroger. Puis, brusquement, il se leva, courut au cabinet de toilette voisin, se plongea la t^ete dans une cuvette remplie d’eau froide, r'epara en quelques instants le d'esordre de sa toilette, de sa coiffure, sans para^itre le moins du monde se pr'eoccuper de l’anxi'et'e de sa femme. Le marquis s’'etant enfin rappropri'e quitta le cabinet de toilette, revint dans la chambre `a coucher et prit les mains de sa femme :
— Antoinette, dit-il, un malheur 'epouvantable vient d’arriver. Je me demande encore comment il se fait que je sois encore vivant.
— Mon Dieu. Qu’avez-vous ?
— Un cataclysme s’est abattu sur nous. Les bijoux…
— Ne vous ^etes-vous pas entendu avec cet homme qui devait les acheter ?
— Si, r'epliqua le marquis, j’en ai m^eme obtenu deux cent cinquante mille francs.
— Il vous les a pay'es ?
— Il me les a pay'es.
— Vous aurez donc, poursuivit la marquise, la possibilit'e d’acheter cette for^et que vous d'esirez tant.
— Je n’aurai ni la for^et ni les deux cent cinquante mille francs.
— Je ne comprends plus, Maxime, que voulez vous dire ?
— On vient de nous les voler.
Et Maxime de Tergall montrait `a sa femme son v^etement tout frip'e, la poche int'erieure de son veston veuve du portefeuille qu’elle contenait habituellement, arrach'ee.
— Je vous en prie, Maxime, calmez-vous. Dites-moi ce qui est arriv'e.