Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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— Messieurs, d'eclarait-il tr`es poliment, vous allez faire une sottise si vous tuez ce bonhomme. Il n’y a aucun doute que les agents, tout `a l’heure, si d’aventure ils visitent le caveau, ne s’en apercoivent, et dans ce cas…
L’homme qui avait parl'e et que l’on 'ecoutait, J'er^ome Fandor le reconnut avec surprise.
— Mais c’est Backefelder, murmurait le journaliste, c’est le richissime milliardaire que Juve a sauv'e des apaches, jadis. Ah c`a, qu’est-ce qu’il fiche ici ?
Backefelder, cependant, continuait `a plaider la cause de Fandor :
— Ya bien mieux `a faire qu’`a le tuer, il faut le fiche dehors.
`A ce moment, la porte s’ouvrit grande. Les apaches avaient 'et'e si pr'eoccup'es par l’attentat m'edit'e contre Fandor, qu’ils avaient n'eglig'e de surveiller Coup-de-B^aton. Or, Coup-de-B^aton, `a la r'eflexion, s’'etait dit qu’il avait peut-^etre eu tort de signaler `a ses redoutables clients celui qu’il prenait, comme tout le monde, pour un agent de la S^uret'e. Que, par aventure, il f^ut tu'e, et certainement, lui, Coup-de-B^aton, aurait des ennuis. Sans bruit, le tenancier avait alors ouvert la porte, rejoint dans la rue les agents, qui guettaient la sortie de Beaum^ome, les avait appel'es.
C’'etaient eux, maintenant, qui p'en'etraient dans le bouge. Naturellement, `a leur apparition ce fut la bousculade. Tandis que les gardiens de la paix, accompagn'es de nombreux agents en bourgeois, envahissaient le caveau, les apaches entra^inant Fandor, se ruaient dans l’escalier, renversaient au passage les policiers, s’'echappaient dans la rue.
Et Fandor, entra^in'e par eux, courant au milieu d’eux, ne se souciant nullement d’^etre arr^et'e, lui aussi, comprenait que ce qu’il avait de mieux `a faire 'etait encore de les guider.
— Par ici, hurla-t-il, par l`a, deux `a droite, deux `a gauche.
Dans le danger et tandis que tous galopaient, poursuivis par les agents, Fandor, avec une belle tranquillit'e, s’improvisait le chef de ceux qui avaient failli le tuer.
Il diss'eminait son monde, on lui ob'eissait, instinctivement, parce qu’on sentait qu’il 'etait parfaitement calme et n’avait pas peur.
***
Dix minutes plus tard, dans Grenelle, le calme r'egnait.
Fandor s’'etait jet'e, au dernier moment, dans une encoignure sombre au fond d’un terrain vague. Les agents 'etaient pass'es, puis 'etaient revenus sur leurs pas. Y avait-il des apaches de pris ? c’'etait possible, mais `a coup s^ur, beaucoup avaient d^u s’'echapper.
— Tr`es bien, murmura Fandor, sortant avec prudence de sa cachette. J’ai encore une fois tir'e mon 'epingle du jeu. Seulement, je me demande comment je vais m’en sortir d'efinitivement. Le r'esultat de ma soir'ee, c’est que me voil`a `a moiti'e nu en plein Paris. Bougre de nom de nom, pourvu que je trouve un fiacre !
6 – LE CERCUEIL N° 7
— Quoi c’est-y qu’il y a d’'ecrit sur le papier ? bon sang de bon Dieu, ca ne devrait pas ^etre permis de faire des barbouillages aussi fins, pas moyen de s’y reconna^itre.
Le personnage qui ronchonnait ainsi tournait et retournait dans ses mains h'esitantes un papier tout crasseux, us'e aux angles et qui semblait avoir fait dans les poches de son d'etenteur, un interminable s'ejour.
Ce n’'etait pas le cas, pourtant ; l’homme avait recu ce papier, une lettre administrative, `a en-t^ete imprim'e la veille au soir simplement, mais il faut croire que le document avait, depuis quelques heures, pass'e par des 'etapes et des itin'eraires qui ne brillaient pas pr'ecis'ement par le soin et la propret'e.
— Quoi que c’est-y qu’il y a d’'ecrit ? r'ep'eta le bonhomme, qui ajoutait en se penchant vers son voisin :
— J’peux pas lire, parce que je n’ai pas mes lunettes.
— Ne te fais donc pas de bile, p`ere Teulard, m^eme avec tes quatre yeux, tu serais bougrement incapable d’y voir quelque chose.
— Pourquoi, Barnab'e ?
— Parce que tu es trop so^ul, p`ere Teulard.
— 'Ecoute, Barnab'e, tu es un bon copain et je t’aime bien, mais aussi vrai que je m’appelle le p`ere Teulard, ca me fait de la peine lorsque tu m© d'ebines devant le monde. So^ul ? moi ? si c’est Dieu possible. Tiens, c’est d'ego^utant, on n’est jamais trahi que par ses amis. Vrai, Barnab'e, tu me fais du chagrin.
— 'Ecoute, p`ere Teulard, on va faire l’exp'erience, 'etends ton bras. L`a. Droit devant toi. Moi j’'etends le mien aussi, on va essayer de se toucher le doigt, comme ca, sans chercher, en s’avancant, l’un vers l’autre, si ca r'eussit, c’est qu’on n’est pas saoul et si on rate cela voudra dire que tu as pris la muff'ee et c’est toi qui raqueras.
— Ca colle, fit l’autre.
Et, d`es lors, dans le cabaret o`u se trouvait les deux hommes, rue Lepic, la foule qui les entourait, compos'ee de r^odeurs et de quelques ouvriers, s’amusait `a regarder l’exp'erience. On chuchotait, on riait.
Le p`ere Teulard 'etait un vieil homme d’une soixantaine d’ann'ees environ, au dos courb'e, aux mains calleuses, avec un visage osseux, au milieu duquel pointait un grand nez qui perp'etuellement bourgeonnait. Barnab'e, par contre, 'etait plus jeune, plus gros, plus large d’'epaules, il marchait perp'etuellement en se dandinant, ce qui donnait `a son corps une allure de canard. Tous deux 'etaient fossoyeurs, employ'es au service du cimeti`ere Montmartre, tous deux aussi 'etaient d’enrag'es buveurs, qui passaient le plus clair de leurs loisirs chez les marchands de vin o`u ils d'epensaient leur argent.
— Allons, touche mon doigt, p`ere Teulard, dit soudain Barnab'e.
— Attrape-le si tu peux, r'epliqua le p`ere Teulard.
Puis, ce fut un 'eclat de rire universel, dans la salle empuantie d’absinthe, du petit mastroquet, car les deux hommes s’'etaient rapproch'es l’un de l’autre, se heurtaient, cependant que leurs bras, 'ecart'es de la ligne droite, tournoyaient dans le vide. Leurs doigts 'etaient bien loin de s’^etre rencontr'es et la d'emonstration de leur ivresse r'eciproque 'etait surabondamment faite. Mais soudain, comme ils allaient commander une nouvelle tourn'ee pour c'el'ebrer cette d'ecouverte, ils s’arr^et`erent perplexes et cependant que le p`ere Teulard comptait sur ses doigts les coups d’une horloge voisine, Barnab'e regarda la pendule au mur.
— Dix heures ! s’'ecria-t-il, eh bien, nom de Dieu, nous n’avons que le temps.
— J'esus, Marie, prof'era le p`ere Teulard et dire que le commissaire aux macchabes s’am`ene `a onze heures. Cavalons.
Tous deux sortirent de la boutique, omettant compl`etement de r'egler leurs consommations, mais le mastroquet ne les rappela pas, il connaissait ces clients et
Le p`ere Teulard et Barnab'e, au contact de l’air frais du dehors, reprirent un peu leurs esprits, ils march`erent `a peu pr`es droit et parvinrent, sans se faire remarquer, `a l’extr'emit'e de la rue de Maistre, en haut du pont Caulaincourt.