L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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Le m'ecanicien entra rapidement dans l’appartement dont la porte un instant entreb^aill'ee se referma sur lui.
`A la mani`ere de quelqu’un qui est fort au courant de la disposition des lieux, le m'ecanicien, sans s’inqui'eter de la personne qui 'etait venue `a sa rencontre, suivit le couloir obscur, traversa une galerie, entra dans un cabinet de toilette, et l`a, se d'epouilla vivement de sa casquette et de sa veste de cuir.
— Ouf, ca y est ! prof'era-t-il en poussant un soupir de lassitude cependant qu’il se laissait choir sur un fauteuil.
La personne qui 'etait venue lui ouvrir l’avait suivi dans ce cabinet. C’'etait une grande femme `a la silhouette majestueuse, `a la tournure de princesse. Elle avait un visage aux traits fins, de grands yeux noirs l’illuminaient cependant que sur ses tempes s’'epanouissaient de lourds bandeaux de cheveux roux, m^el'es de quelques fils d’argent. Un instant elle consid'era, d’un air plein d’angoisse, le myst'erieux m'ecanicien qui s’'etait assis sur un moelleux fauteuil, et d’une voix tremblante, elle demanda :
— Qu’avez-vous encore fait, Fant^omas ? J’ai peur !
— Lady Beltham, de votre part, cela ne m’'etonne pas.
Les deux interlocuteurs demeur`erent silencieux un instant.
Ainsi donc, c’'etait lady Beltham qui, sous le nom de comtesse de Blangy, habitait ce rez-de-chauss'ee, 214, avenue Niel.
Le myst'erieux et audacieux m'ecanicien de l’autobus qui avait conduit son v'ehicule dans la devanture du Comptoir National 'etait Fant^omas… Le g'enie du crime, le ma^itre de l’effroi !
Les deux amants, les deux h'eros tragiques de tant d’aventures et de tant de drames, se trouvaient bien, en effet, r'eunis en t^ete-`a-t^ete, ignor'es de tous au fond de cette pi`ece 'el'egante, discr`ete et confortable. Cependant, Fant^omas r'epondait `a l’interrogation angoiss'ee de sa ma^itresse :
— Eh bien, oui, fit-il, c’est moi, et je viens de r'eussir un coup extraordinaire.
En quelques mots alors, l’effroyable et t'em'eraire bandit racontait `a son auditrice la facon dont il s’'etait empar'e de l’un des autobus qui stationnaient `a Saint-Germain-des-Pr'es, un de ses complices faisant l’office du conducteur. En cours de route, il recueillait quelques-uns des leurs qui jouaient le r^ole de voyageurs, puis Fant^omas, pilotant la voiture, la pr'ecipitait `a toute allure dans la devanture du Comptoir National.
La boutique 'etait enfonc'ee et les complices de Fant^omas, bien styl'es au pr'ealable, faisaient main basse sur toutes les sommes d’argent que l’accident avait 'eparpill'ees dans les bureaux.
Comme lady Beltham demeurait atterr'ee en 'ecoutant ce r'ecit, Fant^omas conclut :
— Voyez-vous, lady Beltham, lorsque les gens sont d'ecid'es `a agir, qu’ils ont de l’adresse et de l’audace, ils font ce qu’ils veulent dans Paris. Le coup a 'et'e excellent, j’ai l`a, sur moi, plusieurs centaines de milliers de francs.
Le bandit se leva, alla et vint dans la pi`ece, l’air triomphant. Lady Beltham, elle, s’'etait laiss'ee choir sur un canap'e, elle avait p^ali, son visage exprimait une terreur profonde.
— Je ne sais pas, murmura-t-elle, o`u s’arr^etera votre t'em'erit'e, mais je redoute, Fant^omas, le jour fatal de l’'ech'eance o`u vous serez pris et livr'e `a la justice.
Le c'el`ebre bandit, que l’on avait `a juste titre qualifi'e d’insaisissable, rit de tout son coeur.
— Plaisantez-vous, lady Beltham ? s’'ecria-t-il. Supposez-vous que je puisse ^etre jamais pris ? Ceci d’ailleurs n’est rien, une simple amusette en passant ! N’ai-je pas fait mieux d'ej`a ? Et pour ne vous citer que ma plus r'ecente op'eration n’ai-je pas r'eussi `a me marier officiellement devant tout le monde il y a de cela quinze jours, en plein midi, `a l’'eglise de la Madeleine ? Ce jour-l`a, j’avais dans l’assistance des gens comme Juve et Fandor.
Lady Beltham leva les mains au ciel.
— Ah, Fant^omas, murmura-t-elle, comment pouvez-vous 'evoquer sans fr'emir cette heure effroyable et cet acte insens'e, qui d’ailleurs a co^ut'e la vie, par votre faute, `a la malheureuse Mercedes de Gandia ?
— Les bons paient pour les mauvais, dit Fant^omas.
Puis il ajouta apr`es un instant de silence :
— Vous verrez d’ailleurs du nouveau d’ici peu, lady Beltham. Je me sens anim'e d’une ardeur incroyable et mes projets sont tels que lorsqu’ils seront r'ealis'es, ce qui ne tardera gu`ere, ils bouleverseront l’univers.
***
Le secr'etaire particulier de M. Havard s’approchait timidement du chef de la S^uret'e ; il tenait une carte `a la main :
— C’est quelqu’un, commenca-t-il…
— Fichez-moi la paix ! cria M. Havard, cependant que le haut fonctionnaire bondissant de son fauteuil allait `a un t'el'ephone dont il d'ecrochait rageusement le r'ecepteur :
— All^o, all^o ! hurla-t-il dans l’appareil. Envoyez-moi d’urgence les inspecteurs de la section centrale. D’urgence. Vous entendez ?
Il revint `a son bureau, fouilla fi'evreusement une liasse de documents :
— La cote 22 grommela-t-il, qu’a pu devenir la cote 22 ?
Son secr'etaire qui s’'etait recul'e se rapprocha de nouveau et balbutia d’une voix timide :
— Monsieur le Chef de la S^uret'e, c’est quelqu’un…
— Sacr'e nom d’un chien, la cote 22 !
On frappait `a la porte.
— Entrez, fit le chef de la S^uret'e, furieux.
Trois hommes p'en'etr`erent dans le cabinet de M. Havard :
— Ah c’est vous, dit celui-ci. Eh bien, mes gaillards j’ai joliment besoin de vous ! L'eon, Michel, Martin, il va s’agir de se d'ebrouiller ! Naturellement, vous connaissez la nouvelle ?
— Le Comptoir National ? L’autobus ? demanda Michel.
— Parbleu, je viens d’^etre pr'evenu par le commissaire de police.
`A ce moment, quelqu’un frappait encore `a la porte du cabinet directorial et p'en'etrait sans attendre de r'eponse. C’'etait un quatri`eme inspecteur de la S^uret'e : l’inspecteur L'ev^eque.
M. Havard courut `a lui, lui arracha brusquement les documents qu’il tenait `a la main, puis les ayant examin'es d’un rapide coup d’oeil, le chef de la S^uret'e prof'era, poussant un gros soupir :
— Ah, je m’en doutais, c’est encore vous qui aviez la cote 22.
— Monsieur le directeur, fit L'ev^eque, vous me l’avez donn'ee il y a une minute pour rechercher les fiches des anarchistes que vous soupconnez avoir commis l’attentat du Comptoir National [7].
— Il s’agit bien d’anarchistes ! cria M. Havard. Voyons, mes enfants, c’est stupide ! Le vol du Comptoir National est sign'e, clair comme le jour. Parmi les papiers qui ont disparu, se trouvent ceux qui appartenaient, par suite de la mort de l’infante d’Espagne, au soi-disant baron Stolberg, mari de Mercedes de Gandia. Or, vous savez bien, les uns et les autres, que le baron Stolberg, c’est la derni`ere personnalit'e prise par Fant^omas. Fant^omas, encore, toujours lui !