L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
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— Qu’il n’en soit plus question, ah, tu en as de bonnes, toi, par exemple ! Tu viens, comme cela, brutalement, m’apprendre que tu m`enes une existence scandaleuse, que tu fais des enfants `a des filles pures ou soi-disant telles, que tu veux ruiner les tiens et te ruiner toi-m^eme et tu me demandes de n’en plus parler au bout de cinq minutes ? eh bien, tu vas voir si nous allons en parler et devant tes fr`eres et devant tout le personnel, s’il le faut. Ah mis'erable !
Allant et venant comme une folle, dans la maison, Mme Granjeard appela ses fils et ceux-ci accoururent, dans la salle `a manger que Didier n’avait pas quitt'ee.
Mme Granjeard mit ses fils a^in'es au courant :
— Cet imb'ecile d’enfant, vient de m’avouer qu’il vient de se faire empaumer par une dr^olesse. Non content de cela, il veut endosser une paternit'e. Tout cela ne serait rien encore, mes chers enfants, mais voil`a que votre excellent fr`ere pr'etend d'esormais se retirer de l’association que j’ai d'ecid'e de former entre vous et qu’il me r'eclame de l’argent. Ah non, par exemple, c’est infiniment dr^ole, ma parole, je crois que Didier est fou `a lier !
Paul, d’un ton s'ev`ere, interrogea son cadet :
— Qu’est-ce que cette femme ? cette ma^itresse ?
— Je l’ai dit `a notre m`ere, c’est une ouvri`ere, vous la connaissez, c’est une ouvri`ere d’ici.
— Monstre ! hurla Mme Granjeard, tu d'ebauches mon personnel maintenant ?
— Vous la connaissez et vous savez combien elle est travailleuse, honn^ete, courageuse `a tous les points de vue, c’est Blanche Perrier.
— Blanche Perrier, hurla Mme Granjeard, oui, je la connais, une trieuse `a la clouterie, mais c’est une fille de rien, une esp`ece de manoeuvre, tu n’as pas honte, Didier ?
— Je n’ai pas honte d’aimer une femme qui m’aime et qui est la m`ere de mon enfant.
En proie `a une inexprimable agitation, Mme Granjeard venait de bondir dans son bureau, voisin de la salle `a manger, elle avait appuy'e sur un timbre.
Quelques instants apr`es, on frappait `a la porte :
— Entrez.
C’'etait Landry, le contrema^itre.
Mme Granjeard, en face de l’ouvrier, avait repris tout son calme, elle affectait un visage impassible :
— Dites-moi, Landry, interrogea-t-elle, vous avez, n’est-ce pas dans l’atelier des trieuses de la clouterie, une certaine Blanche Perrier ?
— Oui patronne.
— Eh bien, Landry, vous allez, s'eance tenante lui r'egler son compte et la flanquer `a la porte imm'ediatement. Je veux que, dans dix minutes, elle ne fasse plus partie de la maison.
— Ma m`ere ! s’'ecria Didier.
— Tais-toi ! ordonna la veuve Granjeard, qui, se tournant vers Landry, abasourdi par cet ordre inattendu, ordonna :
— Allez, je n’ai plus rien `a vous dire.
Cependant que Paul approuvait sa m`ere, Robert prenait `a part Didier et, d’un ton doucereux, il engageait Didier `a ne pas faire d’esclandre :
— Il ne faut pas heurter notre m`ere, disait-il, les choses s’arrangeront. Apr`es tout, si cette ouvri`ere est une brave femme, on pourra lui donner un petit secours, payer les mois de nourrice de son enfant.
Didier ne voulut rien entendre, il revint `a la charge au contraire :
— Ma m`ere, dites-moi une derni`ere fois : voulez-vous me permettre d’agir en homme d’honneur, me laisser faire mon devoir ? Je dois r'egulariser ma situation, 'epouser ma ma^itresse, donner un nom `a notre enfant, puis je dispara^itrai d’entre vous, je ne serai rien dans vos affaires, pour lesquelles je n’ai, d’ailleurs, aucune disposition. Ma m`ere, ne m’emp^echez pas de remplir mon devoir.
— Imb'ecile, cria Mme Granjeard au comble de l’exasp'eration, tu ne te rends donc pas compte des stupidit'es que tu dis, ne pas t’associer `a tes fr`eres, vouloir retirer de l’argent de l’usine, mais c’est nuire `a la maison, c’est faire du tort `a tout le monde, jamais, jamais, entends-tu bien, je ne te donnerai un sou, j’aimerai mieux mourir sur place `a l’instant m^eme que de modifier ma d'ecision.
— H'elas, ma m`ere, lui r'epondit son fils, d’une voix qui tremblait d’'emotion et dont le timbre net exprimait la ferme r'esolution, serai-je donc oblig'e de demander justice aux tribunaux et de plaider contre vous ? Ne m’y contraignez pas, je vous en supplie.
— Si tu m’attaques, Didier, tu trouveras `a qui r'epondre, je te prie de me croire ! Tu veux me demander des comptes ? ah, tu veux exiger de l’argent, sous pr'etexte que tu es majeur, c’est peut-^etre ton droit de proc'eder de la sorte, mais le mien est de me d'efendre et de sauvegarder les int'er^ets de tes fr`eres. N’aie pas peur, je connais la Loi et si tu veux d'etruire notre entente et ruiner nos projets je saurai bien m’arranger, pour que tu ne puisses rien nous prendre. Il y a une chose `a laquelle tu ne songes pas, Didier, c’est que je puis demander ton interdiction aux tribunaux, tu peux ^etre certain que je n’y manquerai pas. En voil`a assez, d'ebrouille-toi comme tu voudras, je ne veux plus que l’on me parle de ces sottes histoires. Au travail. Nous avons perdu deux heures, les affaires vont en souffrir.
Dociles et fort heureux de n’avoir plus `a intervenir dans cette discussion p'enible. Paul et Robert s’'eclips`erent, retourn`erent `a leurs bureaux respectifs cependant que Didier ne gagnait pas les ateliers. Il prit son chapeau et, apr`es avoir salu'e sa m`ere, quitta la maison, gagna la rue, sans avoir prononc'e un mot.
Mme Granjeard, perplexe, le regarda partir. Nerveusement, elle haussa les 'epaules, serra les dents, puis, soudain, incapable de rester sans agir, elle rappela ses deux fils :
— Paul ! Robert !
Les jeunes gens accoururent aupr`es de leur m`ere :
— Que va-t-il faire ? Croyez-vous que Didier ait r'eellement l’intention de retirer sa part de votre association ?
Paul hocha la t^ete affirmativement, Robert esquissa un geste vague :
— Eh bien, grommela Mme Granjeard, ca nous met dans de beaux draps ! Ah, l’imb'ecile, l’imb'ecile. Dire que sans lui tout s’arrangeait si bien. Jamais dans une famille, on avait vu un accord pareil `a celui qui nous unit et qui fait notre force.
Mais, soudain, Mme Granjeard s’arr^eta, son visage prit une expression de triomphe :
— N’ayez crainte, mes fils, d'eclara-t-elle, ce n’est pas parce qu’une brebis galeuse se glisse dans un troupeau que celui-ci doit ^etre sacrifi'e. Si l’un de nous manque `a son devoir, qu’il disparaisse et laisse la place aux autres, Didier veut s’en aller, qu’il s’en aille, nous, serrons les rangs.
3 – AMANT ET MA^ITRESSE
Huit heures du matin, le facteur frappe `a la porte de la loge :