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ЖАНРЫ

Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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Chapardeur de nature et escroc d’occasion, Bouzille avait cependant pour Fandor et pour Juve, et cela depuis longtemps une extraordinaire admiration.

Bouzille, par une caract'eristique bizarre de sa nature, 'etait vaniteusement fier de pouvoir pr'etendre `a l’amiti'e des deux hommes et de pouvoir revendiquer des relations suivies, soit avec Juve, soit avec Fandor.

Bouzille, d’ailleurs, avait un culte pour H'el`ene, soi-disant fille de Fant^omas, la femme de Fandor, et Bouzille, en cons'equence, ne pouvait s’emp^echer de penser que parfois le sinistre bandit qui s’appelait le G'enie du crime se conduisait bien m'echamment.

Fort de toutes ces pens'ees et imbu de tous ces sentiments, Bouzille, en allant accomplir la mission dont l’avait charg'e Fandor, riait de tout son coeur.

— Vrai, c’est farce comme tout, expliquait-il. Y a pas moyen de s’ennuyer un instant, y a pas moyen de tomber neurasth'enique… Y n’arrive que d’l’inattendu et d’l’impr'evu, toujours ; quand on travaille avec Fant^omas, avec Juve ou avec Fandor, on peut se pr'eparer au truc le plus rigolo…

Car dans l’esprit de Bouzille, les aventures qui se succ'edaient 'etaient infiniment amusantes et dr^oles.

Bouzille trouvait tr`es bizarre d’^etre parti en voiture avec Fant^omas et d’avoir fini par culbuter dans un passage `a niveau alors que Fandor conduisait… Bouzille trouvait farce au possible d’avoir pu emp^echer Fandor de s’empoisonner… Bouzille enfin estimait qu’ils allaient accomplir, Fandor et lui, une merveilleuse prouesse, si r'eellement ils parvenaient `a faire arr^eter le rapide.

Bouzille, toutefois, toujours trottant, se rendait compte qu’il allait falloir agir avec une certaine attention.

— M’sieur Fandor, monologuait-il, m’a dit comme ca de fermer le disque… Bon… mais il ne m’a pas dit comment c’'etait que le disque 'etait ferm'e… Bah, ca ne fait rien, je me d'ebrouillerai…

Or, quelques instants plus tard, Bouzille faisait la grimace.

Suivant la voie en effet, il venait de d'epasser la courbe, il arrivait `a la partie du remblai o`u la ligne redevenait droite, droite `a l’infini…

Or, si Bouzille apercevait `a ce moment-l`a fort distinctement le disque, il apercevait aussi, `a moins de cinquante m`etres de lui, une petite maisonnette d’aiguilleur dans laquelle se trouvait tr`es certainement le personnage charg'e de commander le signal.

Bouzille fit la grimace, et cessa de courir…

— Oh ! oh ! songeait le chemineau, voil`a que ca se complique… Ca, c’est des oeufs de poule qui sont des oeufs de canard, autrement dit le blanc devient noir, et me v’l`a plus emb^et'e qu’une pomme de terre dans la friture !

Bouzille se rendait fort bien compte, en effet, qu’il 'etait d'esormais impossible d’agir ainsi que le lui avait recommand'e Fandor.

Fermer le disque en d'emolissant le m'ecanisme, telle 'etait la consigne qu’il avait recue. Cette consigne devenait inex'ecutable puisque, `a quelques pas du signal, se trouvait pr'ecis'ement un employ'e, lequel ne manquerait pas d’intervenir, d’engager une lutte, et probablement de vaincre Bouzille, qui, en raison de son ^age, ne pouvait gu`ere pr'etendre `a la force ou `a l’agilit'e.

Bouzille se dit tout cela en quelques instants. Il se le dit en rechignant, par acquit de conscience, car en r'ealit'e son ^ame 'etait impassible, et Bouzille ignorait le mauvais sang qui ronge, l’inqui'etude qui angoisse.

— Bon, bon, rusons !… d'ecida Bouzille.

Le chemineau, de son pas tranquille, encore qu’il songe^at que Fandor devait terriblement s’impatienter, avanca jusqu’`a la maisonnette de l’aiguilleur. Bouzille ouvrit la porte, mit poliment le chapeau `a la main :

— Salut, pardon, excuse…

Bouzille vit l’homme sursauter. Assur'ement, l’aiguilleur ne s’attendait pas `a voir quelqu’un p'en'etrer dans sa cahute, assur'ement il s’inqui'etait, ne connaissant pas Bouzille, ne devinant m^eme pas en lui l’un des habitants de la r'egion.

— Salut, r'epondit l’employ'e. Qu’est-ce que vous voulez ?

`A ce moment, Bouzille prit une figure souriante. Il pensait se composer un visage charmeur et persuasif, et pour cela retroussait sa l`evre inf'erieure, ce qui dessinait tout juste un effroyable rictus qui lui donnait un air de f'erocit'e parfaite, car Bouzille n’avait plus de dents et n’avait jamais eu de r^atelier.

L’aiguilleur le consid'era avec une m'efiance de moins en moins dissimul'ee. Il r'ep'etait bient^ot :

— Qu’est-ce que vous voulez ?

`A ce moment, Bouzille accentua encore son sourire :

— Voil`a, d'eclarait-il d’une petite voix fluette, extraordinaire, qui paraissait une voix d’enfant… voil`a, mon vieux… Faut fermer !

Or, `a ce conseil l’aiguilleur paraissait plus 'etonn'e encore qu’auparavant :

— Faut fermer quoi ? demandait-il.

Bouzille se fit spirituel :

— Tiens, dit-il, c’est vrai… vous ne comprenez pas… Eh bien ! rassurez-vous, j’suis poli, c’est pas d’vot’gueule que j’parle quand j’dis : Faut fermer !

Bouzille riait b'eatement, attendant que l’aiguilleur voul^ut bien rire aussi, mais l’employ'e du chemin de fer 'etait un homme taciturne qui gardait obstin'ement son s'erieux.

— Faut fermer quoi ? demandait-il.

La facon dont il toisait Bouzille commencait `a ne pas rassurer le chemineau.

Il r'ep'eta donc tranquillement, s’expliquant de son mieux, et voulant co^ute que co^ute remplir la mission dont Fandor l’avait charg'e :

— Eh bien ! y faut fermer, voil`a. Y faut fermer tout `a fait…

Puis il prenait un air malin, il ajoutait :

— C’est rapport `a une grosse affaire…

L’aiguilleur cependant commencait tout `a fait `a s’impatienter…

— Il faut fermer quoi ? bon Dieu ! interrogea-t-il d’un ton plus que brusque.

Il n’y avait pas en r'ealit'e, possibilit'e de tergiverser plus longuement. En faisant la grimace, Bouzille expliqua :

— Faut fermer le disque !

L’aiguilleur, `a ces mots, sursautait :

— Fermer le disque… Comment, faut fermer le disque… Et pourquoi ca qu’y faut fermer le disque ?

Bouzille ricana :

— Mon vieux, d'eclarait-il, brusquement devenu familier et se trouvant des tr'esors de sympathie pour cet aiguilleur qu’il ne connaissait pas quelques secondes avant, mon vieux, j’vais te l’dire : c’est rapport `a Fandor qu’a crev'e le r'eservoir de Fant^omas, parce que Juve a fichu le camp `a Anvers le jour o`u il a pris l’automobile, m^eme qu’il a failli s’empoisonner et que ca m’rapporte deux cent cinq francs, rapport `a mes godasses !…

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