Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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Et narquois, ironique un peu, Bouzille ajoutait :
— Des fois, m’sieur Fandor, vous ne voulez pas vous rendre l`a-bas ? Vous n’avez pas l’intention d’aller agiter vot’mouchoir pour saluer Fant^omas au passage ?
Bouzille cessa de plaisanter en entendant la r'eponse de Fandor :
— J’ai l’intention, disait le journaliste, d’arr^eter le train, d’y monter et de br^uler la cervelle `a Fant^omas si d’aventure il veut r'esister !
Une minute plus tard, Fandor et Bouzille cheminaient `a travers champs.
Bouzille, qui ne perdait jamais de vue ses int'er^ets financiers, car il avait l’^ame finaude d’un commercant juif, Bouzille avait sp'ecifi'e qu’il entendait toucher de l’argent s’il devait aider J'er^ome Fandor.
Le journaliste, tout naturellement, n’avait pas discut'e ses conditions. Il 'etait donc entendu que Bouzille allait pr^eter son 'epaule `a Fandor, qu’il lui servirait de b'equille, comme il disait, et que ses bons offices lui rapporteraient quarante sous du kilom`etre !
La difficult'e, toutefois, n’'etait point de calmer les exigences, modestes, d’ailleurs, de l’excellent Bouzille.
Ce qui terrifiait Fandor, c’'etait qu’il ignorait l’heure exacte `a laquelle passerait, sur le remblai, le rapide dans lequel certainement aurait pris place Fant^omas apr`es avoir abandonn'e sa voiture.
— Arriverons-nous `a temps, se disait Fandor. Pourrons-nous arriver `a temps ?
Et il pressait le pas, bousculant Bouzille, s’'enervant au fur et `a mesure que les minutes passaient, lentes, implacables, tendant l’oreille, croyant `a tout instant entendre le sifflement du rapide, le brouhaha du convoi franchissant `a toute vitesse les rails de fer.
Une autre angoisse d’ailleurs torturait Fandor.
Il avait dit :
— J’arr^eterai le train.
H'elas, arr^etait-on un train ? Pouvait-on esp'erer faire stopper un convoi ?
Ah ! sans doute, Fandor ferait des signaux, essayerait d’attirer l’attention du m'ecanicien, mais celui-ci, pench'e sur sa machine, occup'e `a surveiller les signaux, occup'e `a manoeuvrer, le verrait-il seulement ?
Et Fandor, angoiss'e au plus haut point, se demandait encore :
— Admettons m^eme que le m'ecanicien m’apercoive. Admettons qu’il comprenne mes gestes. Ob'eira-t-il ? h'elas ! je ne peux pas me d'eguiser en agent de la compagnie, je ne peux pas m^eme employer un geste conventionnel, j’ignore les signaux des chemins de fer, mordieu, j’ai toutes les chances du monde de ne pas pouvoir faire stopper le train !
Mais une telle pens'ee n’'etait pourtant pas de nature `a d'ecourager J'er^ome Fandor. Tout au contraire, le sentiment exact des difficult'es l’aiguillonnait, le talonnait.
— J’en viendrai `a bout, mordieu !… j’en viendrai `a bout !
Or, comme Fandor se pressait davantage, comme il 'etait `a moins de cinquante m`etres du remblai, le jeune homme, bl^eme de rage, s’arr^etait soudain :
— Trop tard, Bouzille. Trop tard !
Au lointain, en effet, on entendait le vacarme caus'e par le passage pesant d’un convoi sur un pont de fer.
— Trop tard !… r'ep'etait Fandor.
Il imaginait l’express d'evalant `a toute allure, lui passant sous les yeux, sans qu’il puisse rien tenter pour arr^eter sa course.
Fandor, d'esesp'er'e, avait presque les larmes aux yeux. La voix claironnante de Bouzille soudain s’'eleva :
— Ma foi, disait tranquillement l’ancien chemineau, s^urement vous perdez la t^ete ! Il n’est pas trop tard du tout. Regardez donc, m’sieur Fandor : c’est pas l’rapide, c’est un train de marchandises qui s’avance. Ah ! celui-l`a, s^ur, vous pourriez l’arr^eter ! C’est pas comme l’autre… L’autre, y para^it qu’il suit `a huit minutes par derri`ere, et qu’`a c’t’endroit-ci, sauf’vot’respect, il fout le camp comme un z`ebre qu’aurait la queue allum'ee !
Fandor, reconnaissant un train de marchandises, avait soupir'e de soulagement.
— Allons vite, disait-il, en avant !
Et une lueur d’espoir semblait mettre une flamme de volont'e dans ses yeux.
Chapitre X
Sous les roues d’un rapide !
Quelques instants plus tard, Fandor et Bouzille atteignaient enfin le remblai o`u passait la voie du chemin de fer, et sur lequel, dans le vacarme d’une course assourdissante, devait arriver bient^ot l’express de Bruxelles que, tr`es probablement, Fant^omas, pour fuir, avait d^u prendre. La voie, `a cet endroit, 'etait sur'elev'ee, elle d'ecrivait une courbe assez rapide ; Fandor le remarqua en faisant la grimace.
— Fichtre, songeait le jeune homme, cela ne va pas ^etre commode du tout de faire des signaux, le m'ecanicien ne les apercevrait pas, ou du moins les apercevrait trop tard !
Mais ce n’'etait pas le moment de r'efl'echir ; c’'etait moins encore la minute de se d'esesp'erer, il fallait agir et agir vite, si on ne voulait pas renoncer compl`etement `a l’espoir d’un succ`es.
Et, aid'e de Bouzille, et quoique son pied lui f^it atrocement mal, J'er^ome Fandor r'eussissait tout d’abord `a escalader le talus du remblai et cela non sans peine, car il 'etait encombr'e de ronces, de broussailles, ce qui g^enait terriblement le jeune homme d'ej`a fort emp^ech'e par sa foulure d’avancer lestement.
Fandor qui, en d’autres temps, e^ut mis quelques secondes `a gravir ce talus, perdait donc `a le franchir, plusieurs minutes. De plus, pour un instant, la douleur le terrassait, au point que, r'eellement 'epuis'e, la sueur au front, il haletait en arrivant `a la voie ferr'ee, sentait ses jambes se d'erober sous lui, et devait, tout comme une masse, se laisser choir sur le sol.
Une telle d'efaillance pourtant n’'etait pas et ne pouvait pas ^etre longue avec un homme d’une trempe analogue `a celle de J'er^ome Fandor.
Le journaliste, `a plusieurs reprises, se passait la main sur le front, respirait profond'ement, et se trouvait mieux.
— Bouzille ! appela-t-il.
L’ancien chemineau, qui, les bras ballants, fl^anait `a quelque distance, retourna rapidement sur ses pas.
— Eh bien, interrogeait-il, qu’est-ce qu’on fait ?…
Fandor, `a genoux, car il 'eprouvait de plus en plus une horrible souffrance qu’il tentait de se mettre debout, 'etendit le bras vers l’horizon.