Les souliers du mort (Ботинки мертвеца)
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— Vous allez bien, mon cher ma^itre ? Et vous monsieur Th'eodore ? Ah, certes, je rapporte les journaux de Paris ; je vous assure que leur lecture ne saurait passer inapercue.
— Pourquoi donc ? demanda le gros notaire. Y aurait-il un scandale judiciaire ? La Bourse a-t-elle mont'e ou baiss'e ?
— Je parie qu’il y a encore du grabuge dans le cercle de la place Vend^ome ? On annoncait hier soir sur le boulevard une 'epouvantable histoire, dit Th'eodore.
Mais le jeune homme s’interrompit, car au hasard des bonjours, Alice Ricard s’'etait assise `a c^ot'e de lui.
— Madame, disait l’adolescent en se penchant vers la jeune femme, voulez-vous me permettre un compliment qui ne sera que l’expression d’une v'erit'e ?
— Lequel, mon Dieu ?
— Vous n’avez jamais 'et'e si jolie. Chaque fois que je vous vois, je vous trouve plus belle, et, cet apr`es-midi, ce ruban pos'e `a la grecque dans vos cheveux souligne `a merveille la puret'e toute classique de vos traits.
Il e^ut peut-^etre continu'e longtemps `a parler ainsi `a voix basse, complaisamment 'ecout'e par la jeune femme qui souriait et faisait des mines, si Fernand Ricard n’avait tir'e de sa poche un journal et montr'e la manchette :
— Regardez et jugez si nous n’en revenons pas aux moeurs des sauvages.
On lisait :
Encore un crime de Fant^omas. La fusillade de Ville-d’Avray. Trois cadavres marquent la route du bandit. Juve vainqueur. Fandor 'echappe `a la mort par miracle.
— Vous avez lu les 'editions de la nuit derni`ere ? demandait Fernand Ricard. Vous avez vu, monsieur Gauvin, que Fant^omas a 'et'e cern'e dans une certaine villa de Ville-d’Avray par la police, et surtout par Juve et par Fandor, ses deux ennemis acharn'es ?
— Oui, r'epondait le notaire, j’ai vu cela. Mais les derni`eres 'editions que j’ai pu me procurer ce matin ne donnaient pas la fin de l’aventure. Fant^omas 'etait, disait-on, `a l’int'erieur de la villa, la police donnait l’assaut et Fandor avait essuy'e trois coups de feu tir'es par cette H'el`ene, qui est la fille du bandit.
— Eh bien, voici ce qui s’est pass'e ensuite, 'ecoutez, je lis :
Au moment pr'ecis o`u la fille de Fant^omas tirait sur Fandor, un cri tragique s’'elevait qui glacait d’effroi tous ceux qui assistaient `a cette 'epouvantable trag'edie.
Celui qui criait, qui hurlait plut^ot un ordre supr^eme :
Le grand policier, en effet, le subtil inspecteur de police, n’avait pu voir sans un terrible 'emoi le danger couru par son ami Fandor.
H'elas ! N’arrivait-il pas trop tard ? Et le jeune homme, atteint gri`evement par la fille du bandit, n’avait-il pas roul'e sur le sol mort ou mourant ?
Il n’en 'etait rien heureusement.
Sans qu’`a l’heure o`u nous 'ecrivons ces lignes, on soit encore renseign'e sur le miraculeux hasard qui prot'egea la vie de Fandor, il est certain, toutefois, que celui-ci ne fut pas atteint ; aveugl'e par la poudre, br^ul'e par la flamme du revolver, Fandor demeurait debout. Il portait la main `a ses yeux et, distinctement, on entendait qu’il disait :
— H'el`ene ! H'el`ene ! qu’avez-vous fait ?
Mais d'ej`a le drame se pr'ecipitait. `A la t^ete d’une vingtaine de policiers, Juve s’'elancait au secours de son ami. Le revolver `a la main, tous avancaient. Ils donnaient l’assaut comme l’avait ordonn'e Juve.
— C’est affreux, interrompit Alice Ricard. Les bandits ne redoutent plus rien maintenant. Mais Fant^omas ? Fant^omas, o`u 'etait-il ?
— Attendez, continuait Fernand Ricard.
Et il reprit :
Par malheur, si rapide qu’e^ut 'et'e le mouvement des policiers, il se produisait encore trop tard. Tandis que Juve empoignait Fandor par le bras et s’assurait qu’il n’'etait point bless'e, ses hommes gravissaient en courant le perron de la villa tragique.
Ils s’y heurt`erent `a une porte ferm'ee `a double tour, porte qui, l’enqu^ete le r'ev'ela plus tard, constituait une v'eritable barri`ere infranchissable, car elle 'etait doubl'ee de t^ole.
— Ils avaient tout pr'evu, interrompit encore Th'eodore Gauvin. Cette porte de caract`ere sp'ecial 'etablit la pr'em'editation.
— Parfaitement, approuva M e Gauvin, tu as raison, Th'eodore. Mais laisse M. Fernand continuer sa lecture.
Fernand Ricard reprit :
Il fallut quelques minutes, naturellement, pour enfoncer les battants redoutables de cette massive porte d’entr'ee. On y parvint enfin `a l’aide de leviers vigoureusement mani'es par les gens de police.
`A peine la porte avait-elle c'ed'e, `a peine 'etait-elle tomb'ee hors de ses gonds, que les agents se ru`erent `a l’int'erieur de la villa.
H'elas ! Un spectacle tragique les y attendait !
Sur le sol du vestibule, trois cadavres se trouvaient, et c’'etaient ceux des premi`eres victimes de la trag'edie. On relevait d’abord l’acteur Dick, tu'e dune balle en plein coeur ; `a quelques pas de lui, on trouvait le cadavre de sa malheureuse ma^itresse, miss Sarah Gordon, puis c’'etait enfin le corps de la belle et 'enigmatique lady Beltham qui, une fois d'ej`a, avait pass'e pour morte lors de sa myst'erieuse asphyxie que l’on attribuait `a Fant^omas [1] et qui cependant avait cette premi`ere fois 'echapp'e au tr'epas, puisqu’elle se retrouvait l`a dans cette villa de Ville-d’Avray. Cette fois, la grande dame, la l'egendaire et superbe ma^itresse de Fant^omas, 'etait bien morte, et ses membres roidis semblaient menacer d’un geste horrible ceux qui emportaient son cadavre.
D'esormais, cependant, les victimes de cette affreuse boucherie n’avaient plus besoin de soins humains. Leur sort 'etait, en somme, irr'em'ediable. Les policiers le comprirent, et seule maintenant l’id'ee d’appr'ehender enfin l’insaisissable Roi de l’'Epouvante, le Ma^itre de l’Effroi, Fant^omas, d’arr^eter aussi sa fille, cette H'el`ene qui, quelques minutes avant, avait os'e tirer sur le malheureux Fandor, les guidait.
— En effet, dit M me Ricard, Juve devait ^etre fou de joie `a la pens'ee qu’il allait arr^eter Fant^omas.