Том 6. С того берега. Долг прежде всего
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Le sort de cette partie du monde fut pendant quelques mois entre les mains de l'empereur Alexandre, mais il ne sut profiter ni de sa victoire, ni de sa position; il placa la Russie sous le m^eme drapeau que l'Autriche, comme si entre cet empire pourri et mourant et le jeune Etat qui venait d'appara^itre dans sa splendeur, il <n>'y avait rien de commun, comme si le repr'esentant le plus 'energique du monde slave pouvait avoir les m^emes int'er^ets que l'oppresseur le plus ardent des Slaves.
Par cette monstrueuse alliance avec la r'eaction europ'eenne, la Russie, `a peine grandie par ses victoires, fut abaiss'ee aux yeux de tous les hommes de sens. Ils secou`erent tristement la t^ete en voyant cette contr'ee, qui venait, pour la premi`ere fois, de prouver sa force, offrir aussit^ot apr`es sa main et son aide `a tout ce qui 'etait r'etrograde et conservateur, et cela contrairement m^eme `a ses propres int'er^ets.
Il ne manquait que la lutte atroce de la Pologne pour soulever d'ecid'ement toutes les nations contre la Russie. Lorsque les nobles et malheureux restes de la R'evolution polonaise, errant par toute l'Europe, y r'epandirent la nouvelle des horribles cruaut'es des vainqueurs, il s''eleva de toutes parts, dans toutes les langues europ'eennes un 'eclatant anath`eme contre la Russie. La col`ere des Peuples 'etait juste…
Rougissant de notre faiblesse et de notre impuissance, nous comprenions ce que notre gouvernement venait d'accomplir par nos mains, et nos coeurs saignaient de douleur, et nos yeux s'emplissaient de larmes am`eres.
Chaque fois que nous rencontrions un Polonais, nous n'avions pas le courage de lever sur lui nos regards. Et cependant je ne sais s'il est juste d'accuser tout un Peuple, s'il est juste de retrancher un Peuple seul de la famille des autres Peuples et de le rendre responsable de ce qu'a fait son gouvernement.
L'Autriche et la Prusse n'y ont-elles pas aid'e? La France, dont la fausse amiti'e a caus'e `a la Pologne autant de mal que la haine d'eclar'ee d'autres Peuples, n'a-t-elle donc pas dans le m^eme temps, par tous les moyens, mendi'e la faveur de la cour de P'etersbourg; l'Allemagne, alors d'ej`a, n''etait-elle pas volontairement, `a l''egard de la Russie, dans la situation o`u se trouvent aujourd'hui, forc'ement, la Moldavie et la Valachie; n''etaitelle pas alors comme maintenant gouvern'ee par les charg'es d'affaires de la Russie et par ce proconsul du tzar qui porte le titre de roi de Prusse?
L'Angleterre seule se maintint noblement sur le pied d'une amicale ind'ependance; mais l'Angleterre ne fit rien non plus pour les Polonais: elle songeait peut-^etre `a ses propres torts envers l'Irlande. Le gouvernement russe n'en m'erite pas moins de haine et de reproches; je pr'etends seulement faire aussi retomber cette haine sur tous les autres gouvernements, car on ne doit pas les s'eparer l'un de l'autre; ce ne sont que les variations d'un m^eme th`eme.
Les derniers 'ev'enements nous ont beaucoup appris; l 'ordre, r'etabli en Pologne, et la prise de Varsovie sont rel'egu'es `a l'arri`ere-plan, depuis que l 'ordre r`egne `a Paris et que Rome est prise; depuis qu'un prince prussien pr'eside chaque jour `a de nouvelles fusillades, et que la vieille Autriche, dans le sang jusqu'aux genoux, essaie d'y rajeunir ses membres paralys'es.
Le temps est pass'e d'attirer l'attention sur la Russie et les Cosaques. La proph'etie de Napol'eon a perdu son sens: peut-^etre est-il possible d'^etre `a la fois r'epublicain et cosaque. Mais il y a une chose 'evidemment impossible, c'est d'^etre r'epublicain et bonapartiste. Honneur aux jeunes Polonais! eux, les offens'es, les d'epouill'es, eux `a qui le gouvernement russe a ravi la patrie et les biens, ce sont eux qui, les premiers, tendaient la main au Peuple russe; ils ont s'epar'e la cause du Peuple de celle de son gouvernement. Si les Polonais ont pu dompter `a notre 'egard leur juste haine, les autres Peuples pourront aussi bien dompter leur panique effroi.
Mais revenons aux 'ecrits sur la Russie. Il n'a paru dans ces derni`eres ann'ees que deux ouvrages importants: le voyage de Custine (1842) et le voyage de Haxthausen (1847) [81] . L'ouvrage de Custine a 'et'e dans toutes les mains, il a eu cinq 'editions; le livre de Haxthausen, au contraire, est tr`es peu connu, parce qu'il s'applique `a un objet sp'ecial. Ces deux 'ecrits sont particuli`erement remarquables, non comme oppos'es entre eux, mais parce qu'ils repr'esentent les deux c^ot'es dont se compose, en effet, la vie russe. Custine et Haxthausen diff`erent dans leurs r'ecits, parce qu'ils parlent de choses diverses. Chacun d'eux embrasse une sph`ere diff'erente; mais il n'y a point entre eux de contradiction. C'est comme si l'un d'ecrivait le climat d'Arkangel, l'autre celui d'Odessa: tous deux restent toujours en Russie.
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II va sans dire que nous ne parlons pas ici des articles publi'es c`a et l`a, dans diff'erents iournaux, sur la Russie. A l'exception des ouvrages que nous venons d'indiquer, nous ne connaissons rien oui offre un tout, un ensemble. Il y a sans doute d'excellentes observations dans le Voyage zoolagique de Blasius, dans les Tableaux de la litt'erature russe de Koenig. On peut relever certains passages dans les froides compilations; de Schnitzler, qui ne sont pas exemptes d'une influence officielle… Mais tout ce qui est myst`eres, secrets, m'emoires de diplomates, etc., n'appartient en rien au domaine d'une litt'erature s'erieuse. – Le livre de Haxthausen a paru en allemand et en francais.
Custine, par sa l'eg`eret'e d'esprit, est tomb'e dans de grandes m'eprises; par sa pr'edilection pour les phrases, il s'est laiss'e entra^iner `a d''enormes exag'erations d''eloge ou de bl^ame, mais il est d'ailleurs un bon et fid`ele observateur. Il s'abandonne tout d'abord `a la premi`ere impression et ne rectifie jamais un jugement une fois port'e. De l`a vient que son livre fourmille de contradictions; mais ces contradictions m^emes, loin de cacher la v'erit'e au lecteur attentif, la lui montrent sous plusieurs c^ot'es. L'egitimiste et j'esuite, il vint en Russie avec la plus grande v'en'eration pour les institutions monarchiques, il la quitta, en maudissant l'autocratie aussi bien que l'atmosph`ere empest'ee qui l'entoure.
Le voyage, comme on voit, profita `a Custine.
A son arriv'ee en Russie, il ne vaut pas mieux lui-m^eme que tous les courtisans, auxquels il lance les traits de sa satire. A. moins peut-^etre qu'on ne lui fasse un titre d'estime de ce qu'il accepta volontairement le r^ole que ceux-ci remplissaient comme un devoir?
Je ne crois pas qu'aucun courtisan ait mis autant d'affectation `a relever chaque parole, chaque geste de l'imp'eratrice; `a parler du cabinet et de la toilette de l'imp'eratrice, de l'esprit et de l'amabilit'e de l'imp'eratrice; aucun n'a si souvent r'ep'et'e `a l'empereur qu'il 'etait plus grand que son Peuple (Custine alors ne connaissait le Peuple russe que par les cochers de fiacre de P'etersbourg); plus grand que Pierre Ier, que l'Europe ne lui rendait pas justice; qu'il 'etait un grand po`ete et que ses po'esies l'attendrissaient jusqu'aux larmes.
Une fois dans la sph`ere de la cour, Custine ne la quitte pas; il ne sort pas des antichambres et s''etonne de n'y trouver que des valets; c'est aux gens de cour qu'il s'adresse pour en tirer des informations. Ceux-ci savent qu'il est 'ecrivain, ils craignent son bavardage et le trompent. Custine est indign'e; il s'irrite et met le tout sur le compte du Peuple russe. Il va `a Moscou, il va `a Nijni-Novgorod; mais partout il est `a P'etersbourg; partout l'atmosph`ere de P'etersbourg l'environne et donne aux objets qui passent sous ses yeux une teinte uniforme.
Aux relais seulement, il jette de rapides coups d'oeil sur la vie du Peuple; il fait d'excellentes remarques, il proph'etise `a ce Peuple un avenir colossal, il ne peut assez admirer la beaut'e et l'agilit'e du paysan, il dit qu'il se sent beaucoup plus libre `a Moscou, que l'air y est moins lourd et que les hommes y vivent plus contents.
Il dit, – et poursuivant sa marche sans se mettre en peine le moins du monde d'accorder ces observations avec celles qui ont pr'ec'ed'e, sans s''etonner de rencontrer chez un seul et m^eme Peuple des qualit'es tout-`a-fait oppos'ees, – il ajoute: