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ЖАНРЫ

Том 7. О развитии революционных идей в России
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Nicolas, entour'e de ses g'en'eraux, de ministres, d'officiers, de bureaucrates, brave cet isolement, mais il s'assombrit `a vue d'oeil, il devient triste, pr'eoccup'e. Il voit qu'il n'est point aim'e, il s'apercoit du morne silence qui l'entoure et qui donne libre acc`es aux mugissements lointains qui semblent s'approcher. Le tzar veut s'oublier lui-m^eme; il a proclam'e hautement que son but est l'accroissement du pouvoir imp'erial.

Ces professions de foi n'ont en elles rien de nouveau; il a travaill'e vingt-cinq ans sans repos, sans rel^ache, pour ce seul et unique but; il n'a rien 'epargn'e, ni les larmes ni le sang.

Tout lui a r'eussi; il a d'etruit la nationalit'e polonaise; en Russie, il a 'eteint le lib'eralisme.

En v'erit'e, qu'a-l-il donc de plus `a d'esirer? pourquoi est-il sombre?

L'empereur sent bien que la Pologne n'est pas morte. A la place du lib'eralisme qu'il pers'ecutait par une intol'erance mesquine, car cette fleur exotique ne pouvait pousser sur le sol russe, n'ayant rien de commun avec le peuple, il voit une autre question s''elever comme un nuage gros de temp^etes.

Le peuple commence `a fr'emir, `a s'agiter sous le joug de la noblesse; les r'evoltes partielles 'eclatent en permanence; vous-m^eme, Monsieur, en citez un exemple terrible.

Le parti du mouvement, du progr`es, demande l''emancipation des paysans; il est pr^et `a sacrifier ses droits le premier. Le tzar flotte ind'ecis, il perd la t^ete, il d'esire l''emancipation et l'emp^eche.

Il a compris que l''emancipation des paysans 'equivalait `a l''emancipation de la terre; et que l''emancipation de la terre, a son tour, inaugurerait une r'evolution sociale et consacrerait ainci le communisme rural. Esquiver la question de l'affranchisment me semble impossible; r'eserver la solution pour le r`egne suivant, c'est plus facile; mais c'est l^ache, et en fin de compte, ce n'est qu'une heure de plus perdue `a un mauvais relais de poste sans chevaux…

Maintenant vous pouvez appr'ecier, Monsieur, quel bonheur c'est pour la Russie, que la commune rurale ne s'est pas dissoute que la propri'et'e individuelle n'a pas bris'e la possession communiste; quel bonheur pour le peuple russe d'^etre rest'e en dehors de tout mouvement politique, en dehors m^eme de la civilisation europ'eenne, qui, n'ecessairement, lui aurait min'e sa commune, et qui, aujourd'hui, elle-m^eme arrive par le socialisme `a sa propre n'egation.

L'Europe, je l'ai dit ailleurs, n'a pas r'esolu l'antinomie entre l'individu et l'Etat, mais elle en a pos'e le probl`eme; la Russie, elle non plus, n'a pas trouv'e la solution. C'est en pr'esence de cette question que commence notre 'egalit'e.

L'Europe, `a son premier pas dans la r'evolution sociale, rencontre ce peuple qui lui apporte une r'ealisation rudimentaire, demi-sauvage, mais enfin une r'ealisation quelconque du partage continuel des terres parmi les ouvriers agricoles. Et notez, Monsieur, que ce grand exemple ne vient point de la Russie civilis'ee, mais bien du peuple lui-m^eme, de sa vie int'erieure. Nous autres Russes pass'es par la civilisation occidentale, nous ne sommes tout au plus qu'un moyen, qu'un levain, que des truchements entre le peuple russe et l'Europe r'evolutionnaire. L'homme del`a Russie future, c'est le moujik, comme l'homme de la France r'eg'en'er'ee sera l'ouvrier.

Mais s'il en est ainsi, le peuple russe n'aura-t-il pas droit `a un Peu plus d'indulgence de votre part, Monsieur?

Pauvre paysan! Si intelligent, si simple de moeurs, se contentant de si peu; on l'a choisi pour point de mire `a toutes les iniquit'es; empereur le d'ecime par les conscriptions; le seigneur lui vole sou troisi`eme jour; le tchinovnik lui soutire son dernier rouble; le paysan se tait, il souffre, mais il ne d'esesp`ere pas; il garde sa commune On en arrache un membre – la commune se referme et se resserre davantage; le sort de ce malheureux est digne de piti'e, et cependant il n''emeut pas; au lieu de le plaindre, on l'accuse.

Vous lui niez, Monsieur, le dernier refuge qui lui reste, o`u il se sent homme, o`u il aime et ne craint pas; vous dites:

«Sa commune n'est pas une commune, sa famille n'est pas une famille sa femme n'est pas sa femme; avant lui, elle appartient au seigneur; ses enfants ne sont pas ses enfants; qui en conna^it le p`ere?»

Et c'est ainsi que vous livrez ce pauvre peuple, non pas `a l'appr'eciation de la science, mais au m'epris des autres peuples, qui liront avec confiance et amour vos belles l'egendes.

Il est de mon devoir de dire quelques mots `a ce sujet.

La famille, chez tous les Slaves, est fortement d'evelopp'ee: c'est l`a peut-^etre le grain de conservatisme de cette race, la limite de leur n'egation.

La famille poss'edant en commun est le prototype de la commune.

La famille rurale n'aime pas `a se diviser en plusieurs foyers; l'on voit souvent trois, quatre g'en'erations vivant sous le m^eme toit, et dirig'ees patriarcalement par un grand-p`ere ou un grand-oncle. La femme, g'en'eralement opprim'ee, ainsi qu'on le voit partout dans la classe agricole, commence en Russie `a ^etre respect'ee lorsqu'elle est veuve de l'ancien de la famille.

Il n'est point rare de voir toute la gestion des affaires confi'ee `a l'autorit'e d'une grand'm`ere aux cheveux blancs. Est-ce bien l`a une preuve que la famille n'existe pas en Russie?

Passons aux seigneurs dans leurs rapports avec la famille serve.

Mais pour la clart'e du r'ecit, distinguons la norme des abus, les droits des crimes.

Le droit du seigneur n'a jamais exist'e chez les Slaves.

Le propri'etaire ne peut l'egalement exiger ni les pr'emices d'un mariage, ni l'infid'elit'e aux liens conjugaux. Si la loi 'etait ex'ecut'ee en Russie, il serait puni 'egalement pour le viol d'une femme serve, comme pour un attentat contre une femme libre; c'est-`a-dire qu'il encourrait les travaux forc'es ou l'exil en Sib'erie, avec perte de tous ses droits, selon la gravit'e des circonstances. Telle est la loi; regardons les faits.

Je ne pr'etends point contester qu'avec la position sociale que le gouvernement a faite aux seigneurs, il ne leur soit tr`es facile

De d'ebaucher les filles et les femmes de leurs serfs. A force я'oppression, de punitions, le seigneur trouvera toujours des maris qui lui c'ederont leurs femmes, des p`eres qui lui am`eneront burs filles, tout comme ce brave gentilhomme francais, des M'emoires de Peuchot, qui implorait, en plein dix-huiti`eme si`ecle, la gr^ace sp'eciale de placer sa fille dans le Parc-aux-Cerfs.

Il n'est pas 'etonnant non plus que le p`ere et le mari les plus honn^etes nepuissent trouver justice contre le seigneur, gr^ace `a la belle organisation judiciaire en Russie; tous les deux se verront alors dans la position de M. Tiercelin, auquel Louis XV fit voler, par M. Berryer, sa fille ^ag'ee de onze ans. Toutes ces sales infamies sont parfaitement possibles, je l'avoue; il suffit d'en appeler au souvenir de ceux qui connaissent les moeurs grossi`eres et d'eprav'ees d'une partie de la noblesse russe; mais quant au paysan, celui-ci est bien loin d'^etre indiff'erent au d'evergondage de ses ma^itres.

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