L'agent secret (Секретный агент)
Шрифт:
— C’est un secret.
Henri de Loubersac supplia :
— Wilhelmine, permettez-moi de vous accompagner ?
Finalement, l’officier l’emporta dans son d'esir. Le lieutenant de Loubersac et Wilhelmine p'en'etr`erent ensemble dans le cimeti`ere Montmartre.
***
Ils venaient `a peine de dispara^itre derri`ere la grille que Bobinette, repartie dans la direction du boulevard de Clichy, eut un sursaut. Devant elle se dressait le sinistre Vagualame.
Se dressait… ou pour mieux dire se courbait, car le vieillard, fl'echissant, semblait-il, sous le poids de son accord'eon, 'etait encore plus inclin'e vers la terre que d’habitude. Oui, il les avait suivis et ce Vagualame n’'etait autre que Juve, continuant son enqu^ete avec l’espoir d’'eclaircir la s'erie des myst`eres dont elle 'etait sem'ee.
Juve, apr`es avoir interrog'e le lieutenant de Loubersac, s’'etait dit qu’il lui faudrait se renseigner sur les relations qu’entretenait Bobinette avec Fant^omas, que la jeune femme connaissait 'evidemment sous le seul d'eguisement de Vagualame.
La qualit'e de son d'eguisement fut d’ailleurs confirm'ee rapidement. Bobinette venait `a lui, sans inqui'etude, sans m'efiance, et l’apostrophait :
— Vous voil`a, vous ?
La jeune femme, malgr'e ses propos familiers, avait dans l’intonation de ses paroles une nuance de respect que Juve remarqua aussit^ot. Sans doute Vagualame jouait un r^ole de ma^itre, vis-`a-vis de la belle fille rousse ?
— Que voil`a longtemps, observa-t-elle, avec une certaine ironie malicieuse, qu’on a eu le plaisir de vous voir, mon cher monsieur Vagualame…
Le policier hochait la t^ete, sans r'epliquer, ne sachant trop comment il soutiendrait la conversation.
— Il faut croire, dit Bobinette, que depuis votre dernier crime vous redoutez de vous montrer.
— Mon dernier crime ?
— Faites donc pas la b^ete ! Avez-vous oubli'e que vous m’avez racont'e comment vous avez assassin'e le capitaine Brocq ?
— Oui… non… c’est de l’histoire ancienne et je n’ai peur de personne… D’ailleurs, ai-je donc racont'e cela ? insinua-t-il, avec l’espoir d’obtenir quelques d'etails compl'ementaires.
— Quelle d'emarche vous avez !
— Je me tiens courb'e, parce que l’^age s’appesantit sur mes 'epaules, quand tu seras vieille…
Mais Bobinette rit aux 'eclats :
— Pensez-vous, Vagualame, que je vous prends pour un vieillard ! ah ! je sais trop bien que vous ^etes d'eguis'e, grim'e, admirablement peut-^etre, mais vous ^etes un homme jeune… pour cela, j’en suis s^ure !
Juve voulut interroger encore Bobinette, mais du fond du cimeti`ere deux silhouettes surgissaient, se rapprochaient de l’avenue Rachel.
Bobinette inqui`ete murmura :
— Sauvez-vous, les voil`a qui reviennent !
Juve ne tenait pas non plus `a se montrer au lieutenant de Loubersac qui, non seulement aurait 'et'e surpris de le voir, mais encore aurait pu lui demander des explications au sujet du dernier rendez-vous, auquel Vagualame-Juve ne s’'etait pas rendu et pour cause, puisqu’il n’avait pu savoir dans quel
Toutefois Juve n’en savait pas encore assez. Il insista aupr`es de Bobinette, `a mots press'es…
— Il faut que je te voie encore…
— Quand ?…
— Ce soir…
— Impossible…
— Alors, demain ? pria Juve.
— Vous savez bien que demain je serai partie…
— Pour o`u ?
— Et c’est vous qui le demandez !… mais voyon !… je vais… `a la fronti`ere…
— Alors, `a quand ?
— Voulez-vous mercredi prochain ?
— Oui, fit Juve…
Et le policier ajoutait :
— Nous irons… au th'e^atre… oh ! c’est-`a-dire au cin'ema…
— Toujours des endroits sombres !
— `A huit heures, devant le cin'ema de la rue des Poissonniers, adieu…
L’instant d’apr`es, le joueur d’accord'eon avait disparu dans la boutique d’un marchand de vins.
L’officier, tr`es p^ale, et Wilhelmine, dont les yeux 'etaient rouges, la rejoignirent… ils s’'eloign`erent lentement.
***
Lorsque le trio eut quitt'e l’avenue Rachel, le faux Vagualame sortit du cabaret dans lequel il s’'etait dissimul'e, h'esita un instant, ne sachant s’il allait suivre les amoureux et la complice de Fant^omas, ou si, au contraire, il irait dans le cimeti`ere, chercher `a d'ecouvrir ce qu’avaient pu y faire les deux jeunes gens ?
Juve se rallia `a ce second parti.
Tandis que le cr'epuscule lentement tombait, le policier s’acheminait lentement par l’all'ee principale et avait la chance, le sol 'etant humide et d'etremp'e, de voir tr`es nettement les traces de pas qu’avaient imprim'ees Wilhelmine de Naarboveck et le lieutenant de Loubersac sur le sable des all'ees.
Juve, suivant ces traces, prenait un petit sentier `a droite, longeait des mausol'ees, et s’arr^etait un instant devant une tombe fra^ichement ferm'ee, celle du capitaine Brocq, humble s'epulture, modestement orn'ee.
Quelques violettes 'etaient 'eparses autour, toutes fra^iches, provenant, `a n’en pas douter, du bouquet apport'e par Wilhelmine de Naarboveck, mais les empreintes des pas conduisaient Juve plus loin encore, par de nombreux d'etours, presqu’au fond du cimeti`ere. Juve 'etait en face d’un caveau, richement d'ecor'e de sculptures merveilleuses, o`u, sur une plaque de bronze, se d'etachait en lettres d’or, un nom que maintes fois le policier avait eu l’occasion de prononcer :
Lady Beltham
Lady Beltham ! Des ann'ees durant Juve avait v'ecu, poursuivant derri`ere elle la grande ombre du Ma^itre de l’'Epouvante.
Or, voil`a que l’enqu^ete `a laquelle il se livrait depuis quelque temps, au cours de laquelle il avait d'ecouvert que Vagualame, l’assassin et l’agent secret du Deuxi`eme Bureau, n’'etait autre que Fant^omas, voil`a que cette enqu^ete le conduisait jusqu’`a cette tombe, vide du reste.
Juve qui voyait devant la porte du caveau le gros bouquet de violettes de Wilhelmine, dont quelques fleurs seulement avaient 'et'e distraites en faveur de la s'epulture de l’infortun'e capitaine Brocq, se demandait lequel des deux jeunes gens 'etait venu prier sur la tombe de la grande dame anglaise.
Ah ! s’il avait entendu leur conversation au moment o`u Wilhelmine et Henri de Loubersac 'etaient entr'es au cimeti`ere, le policier n’aurait pas eu `a se poser ce probl`eme. Les propos 'echang'es par les deux jeunes gens lui en auraient donn'e la solution imm'ediate.
N'eanmoins, Juve, par le raisonnement, arrivait au m^eme r'esultat.
Son intuition, sa perspicacit'e le convainquaient que, selon toute probabilit'e, c’'etait Wilhelmine qui 'etait venue apporter le pieux hommage de son souvenir sur la tombe de lady Beltham.