L'agent secret (Секретный агент)
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D’autres voitures entouraient l’auto. Des dames qui passaient dans une Victoria remarqu`erent l’officier :
— Regardez donc, ma ch`ere, fit l’une d’elles, comme ce monsieur est p^ale ! on dirait qu’il se trouve mal…
Au m^eme moment, des pi'etons 'etaient frapp'es de l’'etrange posture du voyageur. Brocq, soudainement affaiss'e comme une masse, effondr'e sur le coussin, la t^ete inclin'ee sur l’'epaule, la bouche ouverte, les yeux clos, paraissait 'evanoui.
Un attroupement se forma aussit^ot.
Le m'ecanicien, descendu, secouait son client par le bras, le bras se laissait aller, inerte.
La foule augmenta :
— Un m'edecin ! fit une voix, vous voyez bien que cet homme est souffrant ?
Quelqu’un se d'etacha de la foule : un monsieur `a cheveux blancs, d'ecor'e, qui venait de descendre d’un coup'e de ma^itre.
— Voulez-vous 'eloigner ce monde ? demanda-t-il… je suis le professeur Barrel de l’Acad'emie de M'edecine.
— Probablement qu’il faut conduire ce particulier `a la pharmacie ? dit l’agent.
— `A la pharmacie… mais c’est inutile… ce malheureux est mort, mort subitement.
2 – LE DOCUMENT N° 6
— All^o !… c’est bien `a la Pr'efecture de police que je parle ?… Oui… ? au brigadier de service ?… parfait !… C’est le commissaire du quartier de Wagram qui vous t'el'ephone… on vient d’amener chez moi le corps d’un officier, mort subitement place de l’'Etoile et j’aurais besoin que vous m’envoyiez l’un de vos inspecteurs… cet officier 'etait porteur de documents assez importants pour que je tienne `a le faire remettre directement `a l’Autorit'e Militaire… All^o !… bon ! vous m’adressez quelqu’un imm'ediatement ?… un inspecteur sera au commissariat dans dix minutes ?… parfait !… tr`es bien !…
Le commissaire de police raccrochait les r'ecepteurs du t'el'ephone et se tournait vers l’agent, qui, demeur'e immobile, debout dans son cabinet, attendait ses ordres, l’air visiblement embarrass'e…
Quelques minutes auparavant, le taxi-auto tragique dans lequel le capitaine Brocq avait trouv'e une mort inattendue s’'etait arr^et'e `a la porte de son poste de police et les agents de garde en avaient descendu le corps du malheureux officier…
Appel'e en toute h^ate, le commissaire s’'etait pench'e sur le cadavre et imm'ediatement avait commenc'e une rapide enqu^ete en examinant les documents qui se trouvaient contenus dans la serviette de la victime.
— Bigre ! s’'etait-il alors dit tout bas, des 'etats de ravitaillement en munitions ! des ordres pour les forteresses de l’Est !… Voici des papiers d’importance que je ne me soucie point de garder longtemps en ma possession !…
Et, comme on l’a vu, il avait imm'ediatement t'el'ephon'e `a la Pr'efecture de police pour demander un inspecteur de la S^uret'e `a qui confier ces documents qu’il importait 'evidemment de remettre au plus vite `a l’Autorit'e Militaire afin d’'eviter toute indiscr'etion…
Rassur'e sur ce point, le commissaire se tourna vers l’agent et d’une voix br`eve, l’interrogea :
— Vous avez r'edig'e votre rapport ?
Le brave gardien de la paix touchait son k'epi et perplexe, se grattait le front :
— Pas encore, monsieur le commissaire ! sit^ot l’accident, nous avons ramen'e le corps ici, alors je n’ai pas eu le temps de le faire, mais je vais l’'ecrire imm'ediatement…
L’embarras de l’agent 'etait visible, le commissaire en eut piti'e et souriant, il proposa :
— Voulez-vous que nous le fassions ensemble ? 'Etant donn'e la personnalit'e du d'efunt, je crois que cela pr'esente une certaine importance… Voyons, il s’agit d’un capitaine, n’est-ce pas ? les papiers trouv'es dans son portefeuille et le nom 'ecrit sur sa serviette permettent de savoir qu’il s’appelait Brocq et qu’il 'etait attach'e au minist`ere… voil`a pour son identit'e… ne nous occupons pas du domicile, nous l’aurons `a la Place… ah ! en revanche, pr'ecisons les conditions de l’accident… dites-moi donc, agent, comment s’est exactement produit ce d'ec`es ?
Le gardien de la paix, une fois encore, se gratta le front d’un geste anxieux :
— Monsieur le commissaire, je n’ai rien vu du tout !… d'eclara-t-il.
— Et le m'ecanicien du taxim`etre ? vous avez sa d'eposition ?…
— Il n’a rien vu non plus, monsieur le commissaire !… Il m’a dit comme ca que son client 'etait en train de lui parler par la porti`ere pour lui indiquer le chemin `a prendre, lorsqu’il s’'etait tout `a coup renvers'e `a l’int'erieur de la voiture… il 'etait mort, monsieur le commissaire !…
— Appelez-moi ce chauffeur, cependant…
Mais, quelques instants apr`es, le commissaire de police renvoyait l’honn^ete conducteur, le court interrogatoire qu’il venait de lui faire subir l’avait, en effet, convaincu que ce dernier n’avait rien vu, ne pouvait en rien l’aider dans ses recherches…
Le commissaire de police rappela l’agent :
— Voyons, pr'ecisait-il, vous ^etes certain que la victime est morte imm'ediatement ?
— Dame ! monsieur le commissaire, pendant que je dissipais l’attroupement qui s’'etait form'e, un m'edecin est venu et c’est lui qui m’a dit comme ca que le mort 'etait mort…
— Bien !… Ce m'edecin ne vous a pas indiqu'e la cause du d'ec`es ?
— Non, monsieur le commissaire, mais il m’a donn'e sa carte de visite…
L’agent fouillait dans la poche de sa tunique, en tirait un calepin crasseux entre les feuillets duquel il prenait en effet une carte qu’il tendait `a son chef :
— Voil`a, monsieur le commissaire…
Le magistrat regarda le nom :
« Mort subite attribuable `a un ph'enom`ene d’inhibition… »
Il demeura troubl'e :
— Ce professeur ne vous a pas expliqu'e ce qu’il entendait par « mort due `a l’inhibition » ?
— Non, monsieur le commissaire…
— C’est ennuyeux… j’ignore ce que cela veut dire… enfin nous reprendrons le mot dans le rapport…
Le commissaire de police allait continuer son enqu^ete, lorsqu’on frappa `a la porte de son cabinet.