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ЖАНРЫ

L'agent secret (Секретный агент)
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— Tu lui as dit de venir ici ?

— Juste.

— Et comment qu’elle avait ton adresse ?

— Dame ! ca, j’sais pas… Probable qu’elle aura vu mon nom cit'e l’autr’jour « sur » le Petit Journaldans les vainqueurs du Concours de force. Elle m’a 'ecrit en mettant l’num'ero de ma piaule, rue de la Harpe.

— Faut pas s’'etonner avec elle, j’te dis qu’elle a d’l’instruction…

***

Minuit et demie venait de sonner.

D’une voix formidable, le patron du Veau-qui-Pleure, le bouge o`u le grand Geoffroy et son ami passaient la soir'ee, avertissait :

— Maintenant, les fistons, je ne sers plus que des

« sept sous »…

Nulle protestation ne s’'elevait. On savait, en effet, que, pass'e minuit et demie, on se refusait `a servir `a la client`ele des consommations d’un prix inf'erieur `a sept sous. Sans doute parce que, pass'ee cette heure, la client`ele du Veau-qui-Pleuren’'etait plus en 'etat de protester.

Geoffroy-la-Barrique resta seul. Il s’'etait content'e de commander une nouvelle tourn'ee, une tourn'ee de deux verres. Il les buvait l’un apr`es l’autre, ennuy'e d’attendre. Un peu essouffl'ee, un peu intimid'ee surtout, Bobinette arriva enfin… Pour venir visiter son brave fr`ere, l’'el'egante demoiselle de compagnie de Wilhelmine de Naarboveck s’'etait sagement abstenue de faire toilette. Aussi bien, depuis son voyage `a Rouen, depuis la rencontre qu’elle avait faite du lieutenant Henri, dans le train avait-elle jug'e bon de ne pas repara^itre `a l’h^otel du diplomate. Elle avait 'ecrit qu’elle 'etait malade.

En r'ealit'e, elle 'etait all'ee s’installer dans un modeste h^otel de la Chapelle, et l`a attendait les 'ev'enements, se demandant exactement ce que le lieutenant Henri avait devin'e, ce que la police savait… Vagualame ne l’avait point trahie. La police ne l’avait pas inqui'et'ee, elle avait pu rejoindre le lendemain le caporal Vinson, le faux caporal Vinson, bien entendu, mais, en v'erit'e, elle sentait qu’elle 'etait entour'ee de pi`eges, que ce n’'etait plus le moment de plaisanter, qu’il valait mieux dispara^itre. Bobinette 'etait d’autant plus inqui`ete qu’elle comprenait moins exactement les 'ev'enements en train. Apr`es l’arrestation de Vagualame, elle n’avait plus eu qu’une seule id'ee : se d'ebarrasser le plus vite possible du d'ebouchoir, le livrer, toucher la prime. Or, au lieu du caporal Vinson, qu’elle convoquait suivant les ordres recus le premier d'ecembre, elle devait apercevoir Fandor…

Elle avait alors 'ecrit `a l’ H^otel de l’Arm'ee et de la Marine, s’'etait travestie en pr^etre, ainsi que le lui avait recommand'e Vagualame avant son arrestation. Vagualame, qui d'ej`a lui avait fait rev^etir ce costume lorsqu’il avait jug'e int'eressant de la conduire `a la fronti`ere et de lui faire rencontrer, sur la route de Verdun, le caporal Vinson. Si Bobinette, en effet, le matin o`u elle avait rencontr'e Fandor en Fandor, 'etait elle-m^eme en Bobinette, c’est que la jeune femme s’'etait fait exactement le m^eme raisonnement que le journaliste…

Fandor s’'etait dit :

« N’allons pas au rendez-vous du caporal Vinson ; voyons d’abord qui nous convoque. » Bobinette avait pens'e :

« Passons en Bobinette sous les arcades, je verrai bien si le caporal Vinson est l`a, et si par hasard il n’est pas seul… »

Ils s’'etaient rencontr'es tous les deux sans deviner l’un et l’autre qui ils 'etaient : Fandor, le faux Vinson ; Bobinette, le pr^etre myst'erieux… Et ils s’'etaient retrouv'es sans se reconna^itre l’apr`es-midi, chacun ayant repris, `a la r'eflexion et ne jugeant plus la chose dangereuse, sa fausse personnalit'e.

Ce jour-l`a, Bobinette avait eu `a Rouen une terrible surprise…

Le t'el'egramme recu au garage, t'el'egramme qui avait tant intrigu'e le faux caporal Vinson et l’avait en quelque sorte d'ecid'e `a fuir le lendemain du Carrefour Fleuri, 'etait en effet envoy'e `a Bobinette par… Vagualame.

Comment Vagualame, qu’elle avait vu arr^eter la veille, avait-il pu lui adresser cette d'ep^eche ?

Bobinette se l’'etait demand'e, terrifi'ee, ignorant qu’il y avait deux Vagualame, un vrai et un faux, et que le faux seul 'etait arr^et'e…

Dans cette d'ep^eche r'edig'ee en langage chiffr'e, en langage conventionnel, Vagualame, renseign'e par une m'eticuleuse surveillance de l’ H^otel de l’Arm'ee et de la Marine, l’avertissait d’avoir, co^ute que co^ute, et le plus rapidement possible, `a se s'eparer du caporal Vinson, qui, lui, n’'etait pas le vrai caporal Vinson, mais bien un contre-espion…

Bobinette, ou plut^ot le faux pr^etre, lisant cela, avait pens'e s’'evanouir d’effroi. Elle n’avait plus eu d`es lors qu’une seule id'ee : dispara^itre au plus vite.

Mais Vinson craignait que le faux eccl'esiastique ne le livr^at `a l’autorit'e militaire. Pour parer au danger, il n’avait point voulu permettre `a son compagnon de route d’aller coucher `a la cure…

Force avait bien 'et'e `a Bobinette de partager sa chambre avec Fandor-Vinson.

Si bien qu’au petit matin, alors que Fandor proposait de descendre pour pr'eparer la voiture, Bobinette s’'etait h^at'ee d’accepter et, perdant la t^ete, litt'eralement affol'ee, s’'etait enfuie, `a pied vers Rouen, tandis que Fandor s’'echappait vers Motteville…

Ils laissaient l’un et l’autre dans la chambre le d'ebouchoir qui, quelques heures plus tard, devait occasionner l’arrestation du m'ecanicien, arrestation qui d’ailleurs, Bobinette l’avait appris par les journaux, n’avait pas 'et'e maintenue…

Bobinette rencontrant au cours de sa fuite le lieutenant Henri, et de plus assistant `a la gare Saint-Lazare `a l’arrestation du faux caporal Vinson, arrestation qui l’ahurissait, avait d'efinitivement compris que les choses se g^ataient pour elle…

Et c’est pourquoi elle avait 'ecrit au baron qu’elle 'etait souffrante. Sans ressources, Bobinette avait mis au Mont-de-Pi'et'e les quelques bijoux qu’elle poss'edait puis, subitement, avait recu une nouvelle lettre sign'ee

« Vagualame ».

Bobinette avait naturellement ob'ei aux instructions qu’on lui donnait dans cette lettre, plus inqui`ete de savoir Vagualame libre que de la facon dont il avait pu se procurer son adresse. Elle avait, en effet, eu maintes preuves de la puissance du bandit et n’ignorait pas que celui-ci ne perdait jamais de vue ceux dont il avait int'er^et `a suivre la piste… Quelques jours avant, s’ennuyant, d'esireuse aussi de s’assurer une protection qui pouvait, `a un moment donn'e, lui ^etre utile, elle avait 'ecrit `a son fr`ere Geoffroy pour lui donner rendez-vous au Veau-qui-Pleure…, histoire de renouer connaissance.

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