L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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Il n’y avait pas `a h'esiter, et M. Ch^atel-G'erard n’h'esita pas. Il tira d’une poche de son gilet une petite clef brillante. Puis, il r'ep'eta :
— Monsieur, je vais vous confier cette clef, mais vraiment…
— Excusez-moi, interrompit Juve, qui avait pris son chapeau, je n’ai pas une minute `a perdre.
Le policier salua et se retira.
Or, Juve avait `a peine disparu du cabinet de travail, on venait tout juste d’entendre se refermer la porte de l’escalier que M. Tissot bondit vers le gouverneur :
— Mon cher, hurlait le censeur, j’ai peur, j’ai effroyablement peur.
— Oui, moi aussi. Est-ce bien Juve ? Ai-je eu raison de lui confier la clef ?
— Si c’est Juve, dit M. Tissot, il tiendra parole. Les trois clefs nous seront rendues.
— Si ce n’est pas Juve, si je me suis laiss'e berner, hurla M. Ch^atel-G'erard, je n’aurai qu’`a me faire sauter la cervelle.
Cinq heures sonnaient.
7 – LA CLEF OFFERTE
Juve marchait toujours tr`es vite en r'efl'echissant :
— Pourtant, se disait-il, je ne peux pas m’y tromper. Fant^omas seul peut avoir m'edit'e de piller la Banque de France.
Il en revenait toujours l`a, car, ainsi qu’`a l’ordinaire, le seul nom du bandit suffisait `a lui faire redouter les pires catastrophes, `a croire m^eme `a l’invraisemblable.
— Bah, conclut Juve, on verra bien. Je vais encore lui jouer un tour de ma facon.
Juve venait d’arriver sur la place du Th'e^atre-Francais, il avisait un taxi-auto qui passait, l’arr^eta d’un geste.
— Menez-moi rue Tardieu, 1 ter.
Une heure plus tard Juve 'etait tranquillement install'e dans l’appartement qu’il occupait pr`es du square Saint-Pierre. Il lui fallait d’ailleurs une belle audace pour continuer d’habiter ainsi dans le logement qu’il avait conquis sur Fant^omas, mais Juve n’en 'etait pas `a s’'etonner pour si peu de chose.
***
Juve 'etait d'eshabill'e `a pr'esent, il avait rev^etu une grande robe de chambre marron qu’il affectionnait pour travailler, il fumait un cigare et son front 'etait rass'er'en'e.
— Jean, appela le policier.
Le domestique qui, depuis des ann'ees, servait avec un d'evouement grondeur le roi des policiers, accourut.
— Monsieur me demande ?
— Parfaitement. Faites venir mon invit'e.
— Quel invit'e, monsieur ?
— L’individu qui est dans le cabinet noir.
Jean, `a cet ordre, ouvrit des yeux noirs effar'es.
— Il y a un individu dans le cabinet noir, c’est donc pour cela… ?
— Oui, coupa Juve, c’est pour cela, Jean, que je vous ai interdit ce matin d’entrer dans la penderie.
Jean 'etait trop accoutum'e `a apprendre les plus fantastiques nouvelles, pour se permettre une observation.
— Bien, monsieur, r'epondait le domestique, je vais conduire son invit'e `a monsieur.
Quelques instants plus tard, la porte du cabinet de travail s’ouvrait et Jean poussait devant lui un individu qui n’'etait autre que T^ete-de-Lard.
— Entrez, disait-il, M. Juve vous demande.
Mais comment diable T^ete-de-Lard se trouvait-il chez Juve ?
Lorsque le policier, au p'eril presque de sa vie, avait r'eussi `a tirer l’apache des flots de la Seine, il avait 'et'e un instant dupe de T^ete-de-Lard. Juve n’avait point tout d’abord soupconn'e l’apache d’avoir 'et'e complice de Fant^omas.
Mais bien vite, Juve s’'etait ressaisi. Bien vite, il en 'etait venu `a penser qu’assur'ement T^ete-de-Lard 'etait un personnage qu’il importait de
Juve, en confiant le rescap'e aux bons soins des agents plongeurs, avait invit'e T^ete-de-Lard `a venir le voir et quoique, apr`es r'eflexion, l’inspecteur de la S^uret'e avait 'et'e persuad'e que l’apache manquerait au rendez-vous. Mais non ! T^ete-de-Lard qui sans doute avait une id'ee derri`ere la t^ete pour agir ainsi, 'etait venu sonner au domicile de Juve le soir m^eme.
Le policier l’avait accueilli avec son plus aimable sourire.
— T^ete-de-Lard, avait dit Juve, je tombe de sommeil. Si nous remettions toute causerie `a demain matin, qu’en dites-vous ? J’ai pr'ecis'ement un lit de sangle inoccup'e. Je vous l’offre. Dormez chez moi, nous causerons demain.
Et, sans laisser le temps `a T^ete-de-Lard de r'efl'echir, Juve avait pouss'e l’apache dans le cabinet noir d’o`u Jean venait de le faire sortir.
Juve, toutefois, la veille au soir, avait pris une pr'ecaution nullement superflue.
`A peine T^ete-de-Lard 'etait-il entr'e dans l’alc^ove obscure o`u Juve pr'etendait lui faire passer la nuit que le policier, d’un tour de main discret, avait pouss'e le verrou et boucl'e son h^ote.
— Dors, mon bonhomme, avait alors murmur'e Juve, dors en paix, nous verrons plus tard, demain dans l’apr`es-midi sans doute, `a tirer de toi ce qu’il convient d’en tirer.
Or, depuis ce moment, c’est-`a-dire depuis la veille, Juve n’avait pas revu l’apache.
Celui-ci bien entendu s’'etait r'eveill'e, avait essay'e de sortir de sa prison, puis, 'etait demeur'e immobile, retenant son souffle et faisant les pires suppositions.
— Je suis fait ! se r'ep'etait T^ete-de-Lard. Je suis tout ce qu’il y a de plus fait.
Juve, `a vrai dire aurait certainement interrog'e T^ete-de-Lard dans la matin'ee si, dans les couloirs de la S^uret'e, il n’avait fait la rencontre de M. Ch^atel-G'erard. Les 'ev'enements s’'etaient alors pr'ecipit'es. Il venait tout juste de rentrer lorsqu’il fit demander l’apache.
Juve `a l’apparition de T^ete-de-Lard prit un air des plus aimables :
— Alors mon vieux, commenca-t-il famili`erement, la nuit a 'et'e bonne ? Pas de cauchemars ? Vous ne vous ^etes pas trop emb^et'e ?
— Mais, monsieur Juve, faisait-il, tournant machinalement entre ses doigts sa casquette crasseuse, et pleurant de ses deux yeux 'eternellement noy'es dans la graisse de sa figure, je ne sais pas ce que cela veut dire. Oui, j’ai bien dormi, seulement…
— Et comme ca, interrompait Juve, vous avez 'et'e faire un tour cet apr`es-midi ?
— Un tour, monsieur Juve ?
La face de T^ete-de-Lard continuait `a exprimer un ahurissement quasi complet.
Ah c`a, Juve se moquait-il de lui ?