Чтение онлайн

ЖАНРЫ

L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
Шрифт:

Riquet, consid'erant Saint-Lazare, se livrait `a des r'eflexions philosophiques :

— Les femmes, c’est des oiseaux, ca devrait pas se flanquer en cage. Quelles moeurs pourries nous avons. Quand je pense que l`a-dedans, sur le tas, y en a des quantit'es, ca me rend m'elancolique.

En m^eme temps, il sifflait une valse avant de recommencer son petit amusement : cracher le plus loin possible, pour pousser `a bas du trottoir un bout d’allumette qui y 'etait en 'equilibre. Riquet devait avoir des talents extraordinaires `a ce jeu, car il finit par atteindre son but. L’allumette tomba dans le ruisseau o`u il la suivit d’un oeil attendri :

— Le ruisseau tombe `a l’'egout, l’'egout tombe `a la Seine, la Seine tombe `a la mer, la mer mouille l’Am'erique. J’ai peut-^etre fait sa fortune, `a ce morceau de bois, p’t’^etre bien qu’il va s’en aller jusqu’aux placeurs d’or. Tiens, v’l`a l’Taxi.

En face de lui, sur le trottoir longeant Saint-Lazare, l’infirme arrivait en effet, il poussait son petit chariot avec sa vigueur accoutum'ee, descendit la pente de la rue, puis, op'erant un virage savant, alla s’immobiliser `a la porte m^eme de la prison o`u aussit^ot il tendit la main.

— Rigolo, qu’est-ce qu’il vient foutre ici ? J’ai comme une id'ee que tout `a l’heure j’m’en vais me tordre un brin se disait le gamin.

Riquet quittait son poste d’observation. Nonchalant, tra^inant les pieds et marchant de pr'ef'erence dans les flaques de boue afin de bien 'eclabousser ceux qu’il fr^olait, Riquet traversa le faubourg Saint-Denis. Il se dirigeait vers l’infirme, lorsque la porte de la prison s’ouvrit.

Raclant les murs, faisant sous les vo^utes un grand bruit de tonnerre, le

« panier `a salade », d'ebouchant de la prison, tournait boulevard Saint-Denis. Riquet, plant'e au milieu de la chauss'ee, ne perdait pas la voiture des yeux :

— Et allez donc, murmurait-il, quand je pense qu’il y a l`a-dedans des beaut'es, ca me donne si froid que j’vas m’enrhumer du coeur.

Le « panier `a salade » n’avait pas achev'e de traverser le trottoir que Riquet demeurait fig'e sur place.

D’entre les volets clou'es de la voiture p'enitentiaire, une main de femme, une toute petite main blanche avait pass'e. Et Riquet avait parfaitement vu que cette main tenait quelque chose… Quoi ? il n’aurait pu le dire, quelque chose de gris, de rond, qu’elle laissait 'echapper de ses doigts, qui tombait sans faire de bruit sur le trottoir, cependant que disparaissait la petite main.

— Mince alors, murmurait Riquet, m’est avis qu’on se d'ebarrasse d’un objet compromettant. Faudrait voir.

Depuis quelques jours, embauch'e par Juve, qui d’ailleurs tenait `a merveille son r^ole de simple ouvrier, r'eunissant `a s’accr'editer aupr`es de tous comme un Lambert des plus r'eussis, Riquet ne r^evait que police et op'erations de police. Depuis longtemps certes, il s’enthousiasmait quotidiennement au r'ecit des aventures de Juve, colport'ees par tous les journaux. Mais, de conna^itre le policier, de le fr'equenter, de savoir qu’il vivait, alors que chacun le croyait mort, Riquet s’'elevait `a un paroxysme d’enthousiasme qui le rendait incapable de retourner `a l’atelier.

C’'etait avec l’id'ee bien arr^et'ee de faire l’'ecole buissonni`ere, avec l’id'ee bien arr^et'ee aussi de fr'equenter les environs d’une prison, que Riquet s’'etait rendu rue du Faubourg-Saint-Denis, et voil`a qu’il surprenait d`es ses premiers moments d’observation quelque chose de fort int'eressant.

Riquet, sans plus s’occuper de la voiture, traversa la rue du Faubourg-Saint-Denis pour aller chercher dans le ruisseau, sur la chauss'ee, le long du trottoir, ce qui avait bien pu tomber. Il ne trouva rien. Pourtant, il n’y avait pas de bouche d’'egout, le ruisseau 'etait `a sec, et ce qui 'etait tomb'e n’avait pu dispara^itre. Consciencieusement, Riquet cherchait. Il chercha pr`es de cinq minutes, mais il chercha vainement.

— Ah ca, nom d’un chien, se disait le gosse en roulant des yeux terribles, je n’ai pourtant pas la berlue… O`u diable a pu se tirer des pattes cet objet-l`a ?

Au m^eme moment, Riquet apercevait Taxi qui le regardait avec une sorte de rire. Avait-il 'et'e t'emoin de sa d'econvenue ? Avait-il vu lui aussi ?

— Toi, mon bonhomme, tu m’emb^etes, murmura Riquet.

En deux pas, le gosse traversait le trottoir, il apostropha l’infirme :

— H'e, Taxi, t’es donc pas en gr`eve que te v’l`a ici ? Ousqu’est ta carte ? Attends voir un peu que je te fasse circuler.

L’infirme n’eut m^eme pas le temps de protester. Riquet attrapa la poussette. Il suffit `a l’apprenti d’une pouss'ee pour la mettre en position de descendre la rue du Faubourg-Saint-Denis. Le malheureux infirme 'etait pr'ecipit'e `a toute allure le long du trottoir.

Scandale, le chariot prit aussit^ot de la vitesse sur cet endroit o`u la pente est rapide.

Les passants s’'ecartaient. Un fruitier, sorti de sa boutique aux exclamations qu’il entendait, se jeta avec un d'evouement surhumain au-devant d’une grande malle d’oeufs, comme s’il e^ut voulu la prot'eger au p'eril de sa vie. Pour l’infirme, abandonn'e au hasard, il hurlait, il criait, il agonisait de sottises Riquet qui, tr`es satisfait de son affaire, se tordait litt'eralement de rire et gloussait de bonheur.

— Oh, l`a l`a, oh ma m`ere, attention `a l’automobile.

Tout de m^eme, Riquet n’avait pas mauvais coeur et la catastrophe 'etait `a craindre. Le chariot de l’infirme, roulant `a toute allure, d'ecrivait d’inqui'etants zigzags.

— Eh pas de b^etises, songea Riquet, il va se faire laminer par un autobus. Faut que j’aille le freiner, ce vieux fr`ere.

Riquet galopa le long du faubourg Saint-Denis. Il rattrapa le chariot juste au moment o`u, en pleine vitesse, l’une de ses roues avait d'ebord'e le trottoir, ce qui l’amenait `a culbuter.

Riquet s’approcha :

— Faites excuse, Taxi, j’avais pas vu que vous 'etiez embray'e. C’est pour ca que j’ai mis le moteur en marche.

Mais ses excuses furent interrompues. Avec une agilit'e, une souplesse que l’on n’aurait certes pas attendue d’un malheureux paralytique, l’infirme, au moment m^eme o`u son chariot versait, effectua une pirouette, presque un saut p'erilleux, pour se retrouver sur ses jambes. L’homme 'etait debout, le chariot bris'e, renvers'e sur le trottoir.

— Eh bien ? commenca Riquet.

Mais il s’interrompit. Riquet, de stup'efaction, n’essaya m^eme par de fuir, il n’en aurait pas eu le temps. Le paralytique-gymnaste se retourna, sauta sur lui, l’attrapa par un bras, le souleva de terre, lui flanqua avec une imp'etuosit'e soudaine une paire de gifles d’abord, puis encore sept ou huit bourrades appliqu'ees au bon endroit. `A pr'esent, ce n’'etait plus le paralytique qui 'etait assis dans le ruisseau, c’'etait Riquet, Riquet que d’une pouss'ee vigoureuse, le paralytique soudain ingambe avait d'epos'e l`a un peu brutalement :

Поделиться с друзьями: