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ЖАНРЫ

L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
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— Esp`ece de sale m^ome, esp`ece de touche-`a-tout, esp`ece d’idiot. Tu pouvais me faire casser la gueule, tu pouvais m’estropier.

— Vous ne l’^etes donc pas ?

Puis, comme il avait l’^ame magnanime :

— Tout de m^eme votre voiture, mon vieux Taxi, elle est en sept morceaux et quart, et, ma foi…

— J’m’en fous de ca, nom d’un chien.

— Alors, moi aussi, riposta Riquet. Te bile pas, Taxi, va, t’auras des frites, j’t’en offre pour deux sous !

— Tu m’offres des frites ? Pourquoi, gosse ? d’abord, je n’aime pas ca ! Garde tes deux sous, et va-t’en.

Mais Riquet d'ej`a avait pris sa pose favorite. Les deux mains dans les poches et le corps en arri`ere, il consid'erait son interlocuteur :

— Mon vieux, commenca-t-il d’un ton protecteur, c’est pas parce qu’t’es un impotent `a la manque que t’es autoris'e `a avoir un culot pareil. Et puis, je sais que tu les aimes, les pommes de terre.

La phrase 'enigmatique 'etait accompagn'ee d’un clin d’oeil des plus bizarres. Pourtant, l’infirme ne s’avoua pas vaincu.

— J’aime les pommes de terre, sale gosse ? Qu’est-ce que tu veux dire ?

Sans sourciller, Riquet r'epondit :

— J’te dis que tu aimes les pommes de terre. En salade.

— En salade ?

— En panier `a salade.

C’'etait de plus en plus incompr'ehensible, et cependant l’attitude de l’infirme changea. Un sourire d’abord passait sur ses l`evres, puis il dit :

— Viens prendre un verre chez le bistro voisin.

— Ca colle.

Certes, le paralytique oubliait compl`etement de jouer son r^ole. Il ne feignait m^eme plus d’'eprouver la moindre g^ene `a se mouvoir. Grand, mince, souple, il se pencha, attrapa par la poign'ee le petit chariot o`u il gisait quelques minutes avant et, le remettant sur ses pieds, suivi de Riquet, avanca `a grand pas, se dirigea vers le cabaret voisin. Une seconde apr`es, les deux nouveaux amis 'etaient attabl'es.

Riquet, pour faire l’homme, avait command'e une fine qui le br^ulait atrocement chaque fois qu’il en prenait une petite gorg'ee. Un caf'e fumait devant Taxi.

Et c’est Taxi qui reprit la conversation :

— Alors, qui es-tu, pour de bon ?

— Mais tu me connais, Taxi, le fils de mon p`ere, probablement, et celui de ma m`ere, aucun doute.

— Je ne te demande pas cela. Tu es le fils de qui ca te pla^it. Ce que je veux savoir, c’est ta vraie profession.

— Et la tienne ?

— 'Ecoute, petit, tu as surpris un secret et je vais me confier `a toi. Mais, confidence pour confidence, je ne suis pas paralytique, c’est vrai, je ne l’ai jamais 'et'e, et j’esp`ere bien ne jamais l’^etre. Maintenant, dis-moi, es-tu de la police ?

— Hum, oui, non.

— Comprends pas. D'ecid'ement, tu ne m’as pas l’air d’un imb'ecile ! qu’est-ce que tu as vu tout `a l’heure ?

— Ce qu’il fallait voir. Qu’est-ce que c’'etait ?

— Tu m’as parl'e de pommes de terre.

— Probable. Pendant que vous me passiez le shampooing, vous en aviez une dans la main.

— Et alors ?

— Elle venait du

« panier `a salade », pas vrai ?

Taxi ne r'epondait, `a son tour, ni oui ni non. Il s’absorba quelques instants dans une profonde songerie, puis se d'ecida :

— Petit, tu n’as pas l’air d’une gourde et tu peux me rendre service. J’ai confiance en des gosses comme toi. 'Ecoute-moi bien : je vais te dire mon nom. Mais pour toi seul : je m’appelle Fandor, J'er^ome Fandor.

— Moi, vous savez, je m’appelle Riquet. Pour vous servir Monseigneur !

***

Une quinzaine de jours auparavant, lorsque, quittant M. Havard, Fandor avait abandonn'e le Palais de Justice apr`es y avoir recu la confirmation officielle de la mort de Juve, le jeune homme avait d’abord 'eprouv'e un affreux chagrin. Juve mort, Fant^omas devait ^etre libre, triomphant, hors d’atteinte. Juve mort, Fandor se disait que le bandit allait pouvoir continuer ses abominables forfaits, multiplier les deuils, accumuler les ruines, ajouter les atrocit'es aux atrocit'es. Pourtant, les premi`eres minutes de d'esespoir pass'ees, Fandor s’'etait ressaisi. Lui, Fandor, demeurait, et, tant que Fandor vivrait, Fant^omas aurait `a lutter contre un adversaire d’autant plus d'ecid'e `a le vaincre qu’il aurait `a venger son meilleur ami.

Puis, Fandor s’'etait pos'e une question. Que Juve f^ut r'eellement mort, qu’il se f^ut laiss'e enfermer chez lui par Fant^omas, qu’il e^ut 'et'e victime de l’incendie, c’'etait incroyable puisque la paralysie de Juve n’'etait qu’illusoire. Discr`etement, Fandor avait enqu^et'e. Il s’'etait rendu rue Bonaparte et s’il n’avait pu p'en'etrer dans les d'ecombres, il avait pu du moins, interviewer de nombreux t'emoins. Et Fandor avait tressailli en apprenant qu’au plus fort de l’incendie, quelqu’un avait prononc'e cette phrase, surprenante `a coup s^ur :

— Juve est mort, c’est vrai, ou s’il n’est pas mort, il n’en vaut gu`ere mieux !

Fandor n’avait pas h'esit'e :

— Un seul homme a pu parler de la sorte : Juve.

D’autres faits, depuis, 'etaient venus rassurer le journaliste. Certes, les journaux avaient multipli'e les articles biographiques sur le malheureux policier d'ec'ed'e. Certes, le bruit du tr'epas s’'etait accr'edit'e, mais M. Havard non seulement n’avait pas sembl'e affect'e, mais encore, pour parler vulgairement,

« n’avait m^eme pas marqu'e le coup. »

— C’est tout de m^eme rigolo, se disait le journaliste, on ne songe m^eme pas `a inscrire Juve, sur la plaque des Victimes du Devoir.

Rassur'e, le jeune homme s’'etait dit alors :

— Juve ne donne pas de ses nouvelles, pour mieux rester dans l’ombre. Je vais me cacher moi aussi.

Fandor avait beaucoup ri de l’invention de Juve se faisant passer pour paralytique. Aujourd’hui, il l’avait froidement copi'e : seulement, comme le repos lui co^utait, il s’'etait donn'e une paralysie sp'eciale. Il s’'etait fait paralytique-mendiant, paralytique mobile.

Mais que faisait donc Fandor `a la porte de la prison Saint-Lazare ?

Riquet allait parler, r'ev'eler `a Fandor qu’il connaissait Juve quand le journaliste sauta dehors, lui disant :

— Le m^ome, attends-moi ici, sans faute.

Fandor cependant, remontait vers Saint-Lazare. Il arriva juste `a temps pour voir se refermer devant lui, sur le « panier `a salade », retour du Palais de Justice, les portes de la prison. Il vit une grosse vieille femme s’agitant entre deux gardiens, visiblement au paroxysme de la col`ere.

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