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ЖАНРЫ

L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
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`A l’infirmerie, c’'etait pr'ecis'ement H'el`ene que l’on envoya pour aider le praticien. La jeune fille n’avait pas encore vu le bless'e de pr`es, mais, quand elle fit son apparition dans la petite chambre o`u on l’avait transport'e, tandis qu’elle tendait au docteur les deux aiguilles qu’il avait r'eclam'ees, elle devint d’une p^aleur de morte.

Le malheureux bless'e n’'etait pas un inconnu pour elle, puisque c’'etait… Fandor.

— Je vais passer ces deux instruments `a travers les chairs du bless'e, expliquait le chirurgien, en commencant par le mollet, en montant `a la cuisse, puis aux hanches, l’insensibilit'e sera absolue tant que nous nous trouverons en-dessous des vert`ebres rompus. Elle sera moyenne quand nous arriverons `a la hauteur de ces vert`ebres, elle sera torturante quand nous serons au-dessus d’elles. Voyez, messieurs.

Pench'e sur le lit de sangle, le m'edecin fit ce qu’il venait de dire, il taillada `a coups de ciseaux les v^etements du bless'e, d'ecouvrit les endroits o`u les piq^ures devaient avoir lieu.

Mais, tandis qu’il piquait de sa longue aiguille les mollets du malheureux Fandor, H'el`ene ne perdait pas de vue la face du bless'e. Et il lui semblait alors que, de son c^ot'e, le moribond la regardait ardemment, qu’une terrible expression de souffrance se lisait dans les yeux du jeune homme. Pourtant, il ne faisait pas un mouvement, il demeurait parfaitement rigide.

— Sensibilit'e rigoureusement absente, conclut le m'edecin.

— Il souffre, il souffre, c’est horrible, songeait H'el`ene.

Et elle eut une envie folle d’arracher le docteur `a ce lit, de lui crier :

— Ce n’est pas un ouvrier, ce n’est pas par hasard qu’il est l`a, s’il a fait cette chute 'epouvantable, c’est qu’il voulait me rejoindre, reconnaissez-le donc, c’est J'er^ome Fandor.

Or, tr`es calme, toujours, l’homme de l’art poursuivait :

— Sensibilit'e absente encore `a la hauteur des cuisses et des hanches. Nous allons voir plus haut. Il piqua dans les chairs. Mais, cette fois, une crispation passa sur le visage du bless'e.

Le m'edecin se releva :

— C’est bien ce que je vous disais, messieurs, la fracture des vert`ebres est au second tiers sup'erieur de la colonne vert'ebrale, la mort est probable. Toutefois, il faut ordonner la plus rigoureuse immobilit'e.

Le m'edecin se retourna vers l’infirmi`ere-chef :

— Mademoiselle, ordonnait-il, vous m’avez bien compris ? Il faut que cet homme ne bouge point, les chances de mort sont infiniment probables, mais enfin, on peut essayer de le sauver. Vous allez laisser aupr`es de lui une auxiliaire pour le soigner, qui l’alimentera toutes les heures de deux cuiller'ees de bouillon. Rien d’autre `a faire en ce moment, je reviendrai demain matin. D’ailleurs, dans quinze jours peut-^etre, il sera transportable.

***

Une heure plus tard, pour la premi`ere fois, H'el`ene demeurait seule en pr'esence du bless'e. L’infirmi`ere-chef qui jusqu’alors avait 'et'e continuellement dans la chambre du bless'e, venait de se retirer, en r'ep'etant les ordres du docteur. La porte se referma sur elle.

Alors, d’un mouvement fou, imp'etueux, H'el`ene se pr'ecipita vers le lit du moribond :

— Fandor, Fandor.

Mais, au m^eme moment, elle avait la surprise d’entendre la voix du jeune homme lui r'epondre :

— H'el`ene, ma ch`ere H'el`ene, mon amour.

Or, le m'edecin lui-m^eme l’avait dit, quelques heures auparavant : le bless'e ne pouvait pas parler.

Comment parlait-il donc ? H'el`ene, stup'efaite, interdite, demeurait immobile. Elle voyait Fandor remuer les l`evres et, le plus tranquillement du monde, l’entendit faire cette d'eclaration :

— Sont-ils assommants, tous `a vouloir que j’aie la colonne vert'ebrale bris'ee. Vous me feriez joliment plaisir en donnant un peu de l^ache `a mes sangles. J’en ai assez de faire l’imb'ecile sur le dos. Parbleu, mais vous semblez stup'efaite, ma ch`ere H'el`ene, vous pensiez donc que c’'etait vrai ? que j’'etais aux trois quarts mort. Ah, je l’avais devin'e `a votre effroi, tout `a l’heure. J’aurais bien voulu vous rassurer, mais le moyen ? Allons, que diable, riez, souriez, je vous affirme que je n’ai rien du tout. Tout cela c’est un truc. Un truc pour arriver `a vous parler. Je ne suis pas du tout tomb'e sur les reins. J’avais parfaitement calcul'e mon affaire. Je suis tomb'e sur les pieds. Je n’ai pas une 'egratignure. Je me porte comme le Pont-Neuf. Allons, riez.

C’'etait un sanglot qui lui r'epondit. `A bout d’'energie, bris'ee d’'emotion, H'el`ene qui avait 'et'e dupe, ne r'esistait plus. Elle pleura longuement. Puis, souriant `a travers ses larmes, elle finit par interroger le jeune homme :

— Mais c’est incroyable, mais c’est fou, et ces piq^ures que vous ne sentiez pas ?

— Je les sentais parfaitement, mais je ne voulais rien laisser voir. Si vous vous imaginez, ma ch`ere H'el`ene, que c’est amusant de se voir passer des aiguilles `a travers le mollet, vous vous trompez joliment. Seulement, je n’ai rien dit. Si j’avais cri'e, on aurait 'event'e mon pi`ege.

***

Dix heures du soir `a l’infirmerie. H'el`ene ouvre la fen^etre :

— Personne dans le pr'eau.

— Tant mieux dit Fandor.

Qu’ont d'ecid'e ces deux ^etres 'etranges, H'el`ene et Fandor, qui depuis tant d’ann'ees s’adorent, en voyant sans cesse de nouveaux obstacles se dresser entre eux ? Quels formidables projets ont-ils ourdis ? De quoi sont-ils convenus ? `A peine H'el`ene a-t-elle affirm'e que les pr'eaux sont d'eserts, Fandor se l`eve.

Tendrement, ardemment, il d'epose sur le front de la jeune fille un baiser br^ulant :

— Donc, c’est bien entendu ? Vous savez ce que vous aurez `a faire, H'el`ene, et vous serez vaillante, comme d’habitude ? Maintenant, je m’en vais, je me sauve, c’est le mieux. Vous direz, si demain on vous interroge, que vous vous ^etes assoupie, puis, qu’`a votre r'eveil, je n’'etais plus l`a. D’ailleurs, dans un quart d’heure, vous allez, en appelant `a l’aide, faire constater ma disparition. Faites le plus de chahut possible. Je me moque pas mal que l’on me recherche, du moment que cela ne vous cause aucun ennui. Et maintenant, adieu.

Un nouveau baiser s’'eternise, puis, d'elib'er'ement, Fandor enjambe la fen^etre de l’infirmerie et, avec son incroyable souplesse, saute dans la cour.

H'el`ene ne s’'etait pas tromp'ee, les pr'eaux 'etaient d'eserts, Fandor les traversa rapidement, il se dirigea vers le mur d’enceinte, sur lequel le matin m^eme il 'etait tomb'e et o`u, sans doute, devait pendre encore la corde qui lui avait servi `a sa descente.

— Parbleu, se disait Fandor, si je peux rattraper cette corde, je m’en irai avec la plus grande facilit'e. Mais, diable, cela va ^etre difficile de grimper sur ce mur.

Or, au moment m^eme o`u Fandor s’approchait, il s’arr^etait fig'e de surprise. Le long du mur d’enceinte, quelqu’un marchait avec pr'ecaution : de ses yeux percants, Fandor vit une femme, une vieille femme. Elle portait une 'echelle, cette 'echelle, elle l’appuya contre la muraille, puis, `a pas feutr'es, elle s’'eloigna.

— Bon Dieu de bon Dieu, se dit le jeune homme, qu’est-ce que c’est donc que cette vieille-l`a ? Voil`a qu’elle m’apporte, sans s’en douter, l’escalier dont j’avais besoin.

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