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ЖАНРЫ

L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
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10 – CHEZ LE JUGE D’INSTRUCTION

Madame Granjeard glissa un imprim'e dans son corsage.

— Probable que c’est un billet doux, dit la premi`ere des deux pierreuses enferm'ees avec la femme d’affaire de Saint-Denis, madame va voir son amant.

— Oui, fit l’autre pierreuse, qui avait reconnu l’imprim'e, c’est comme qui dirait un rendez-vous, seulement c’est avec le curieux de la Tour-Pointue, c’est moins agr'eable que si c’'etait avec un gigolo.

Mme Granjeard ne r'epondit pas, elle continua sa toilette, cependant que les pierreuses, appr'eciant la qualit'e de sa robe, plaisantaient encore :

— Mince alors de luxe, des fringues `a cent sous le m`etre et en grande largeur pour le moins.

Quelques instants auparavant, une surveillante avait apport'e la soupe quotidienne. Pendant ce court repas, les pierreuses s’'etaient tues, puis, l’ayant achev'e, elles recommenc`erent `a railler leur compagne. Celle-ci n’avait pas touch'e `a la nourriture qui lui 'etait destin'ee. Une des pierreuses l’interrogea :

— Tu ne renifles pas dans la bouillante ?

— Probable que ce n’est pas du jus `a la hauteur, il faut du petit noir de luxe `a madame, avec le bricheton de fantaisie.

Brusquement, Mme Granjeard, qui ne desserrait pas les dents, bondit sur la porte de la cellule et tira furieusement la sonnette qui signifiait pour les gardiennes qu’une prisonni`ere d'esirait leur parler :

Une auxiliaire apparut :

— Qu’est-ce que vous voulez ?

— J’en ai assez, hurla Mme Granjeard, je ne veux pas rester un instant de plus avec ces filles immondes ou alors, je ne sais pas ce qui arrivera, mais je ne r'eponds pas de moi. Qu’on me change de cellule, qu’on me fourre dans une cave, dans un grenier, ca m’est 'egal, mais qu’on me retire d’ici.

La physionomie de Mme Granjeard 'etait si terrible que l’auxiliaire la calma d’une promesse et courut chercher la gardienne aussit^ot.

Les deux pierreuses, auxquelles cette attitude 'energique et farouche imposait malgr'e tout, cess`erent de plaisanter leur compagne. Elles murmuraient :

— C’est qu’elle ferait comme elle l’a dit, ma ch`ere ! elle nous sauterait `a la gorge, c’est qu’il faut se m'efier avec une femme pareille, para^it qu’elle a d'ej`a zigouill'e son fils.

La gardienne en chef revint et tanca d’importance les deux pierreuses :

— Vous, d'eclara-t-elle, je vais d’abord vous’ s'eparer et puisque vous ne savez pas vous conduire, on va vous dresser. Quant `a la femme Granjeard, qu’elle vienne avec moi.

La veuve du marchand de fer ob'eit, pr'ec'eda la gardienne qui, quelques instants apr`es, l’introduisait dans une autre cellule :

— Vous serez tranquille, ici, dit-elle, vous aurez pour compagne une pr'evenue comme vous. Elle est accus'ee de meurtre et de crime, mais elle se tient tranquille et puis d’ailleurs, comme elle n’est pas bien portante, on la garde toute la journ'ee `a l’infirmerie.

— Quel monde, quel milieu, soupira Mme Granjeard, qui cependant poussa un soupir de satisfaction `a l’id'ee d’^etre d'ebarrass'ee de ses effroyables voisines. Mais cette solitude ne fut que de courte dur'ee. Quelques instants apr`es, la femme qui devait partager avec elle la cellule y 'etait introduite : son s'ejour `a l’infirmerie 'etait termin'e et, de la conversation s’achevant entre la nouvelle venue et la gardienne qui l’avait amen'ee, il semblait r'esulter que quelque chose d’extraordinaire s’'etait pass'e dans cette infirmerie d’o`u on la ramenait.

Les deux femmes, quelques instants, se regard`erent en silence et Mme Granjeard, ne pouvait s’imaginer qu’elle avait affaire `a une criminelle, tant l’apparence de la prisonni`ere d'ementait l’accusation port'ee contre elle. C’'etait une jeune fille `a l’air 'energique, mais honn^ete, doux et convenable, elle 'etait jolie et d’une fra^icheur exquise qui faisait contraste avec la p^aleur de toutes les femmes que l’on voyait aller et venir dans la prison. Cette prisonni`ere n’'etait autre qu’H'el`ene, que les incidents de la nuit pr'ec'edente avaient fait ramener dans la cellule. La jeune fille se rendait compte que d'esormais elle allait ^etre l’objet d’une surveillance renforc'ee. Mais elle n’en avait cure. Fandor ne lui avait-il pas donn'e l’esp'erance la plus belle qu’elle p^ut imaginer dans la situation o`u elle se trouvait : l’esp'erance de la libert'e. H'el`ene avait 'eprouv'e une certaine surprise `a la vue de sa nouvelle compagne. Elle n’avait pas l’aspect, ni l’allure des habituelles clientes de Saint-Lazare. Les deux femmes, instinctivement attir'ees l’une vers l’autre, s’'etaient mises `a causer, mais, brusquement, H'el`ene avait eu un geste de recul, un mouvement d’horreur instinctif, lorsque Mme Granjeard lui avait annonc'e l’inculpation terrible qui pesait sur elle :

— Je suis innocente, avait d'eclar'e la veuve du marchand de fer.

Mais ce r'ecit et ce nom avaient 'eveill'e dans l’esprit d’H'el`ene toute une s'erie de souvenirs.

— Granjeard, r'ep'eta-t-elle machinalement, comme si elle pensait tout haut, Didier Granjeard. Votre fils, avait, m’avez-vous dit, une ma^itresse, celle-ci ne s’appelait-elle pas Blanche Perrier ?

— Si.

Mais, `a ce moment, la porte de la cellule s’ouvrit et la conversation fut interrompue. On venait prendre Mme Granjeard, demand'ee au greffe :

— Le juge d’instruction vous demande. Vous allez vous rendre au palais. Attendez ici, la voiture vous conduira, `a moins que vous ne sollicitiez l’autorisation d’^etre conduite, avec deux agents, dans un fiacre.

— Peu m’importe, r'epliqua Mme Granjeard, dont le coeur battait `a rompre, car d'esormais, elle le sentait, les minutes 'etaient compt'ees jusqu’`a sa comparution devant le magistrat qui allait d'ecider de son sort.

***

M. Mourier, juge d’instruction, venait d’achever un premier interrogatoire relatif `a l’affaire myst'erieuse dont le procureur g'en'eral l’avait charg'e.

M. Mourier 'etait l’homme qui passait son temps `a courir apr`es les coups de th'e^atre et qui n’'etait jamais si content que lorsque de beaux aveux ou de belles accusations spontan'ees se produisaient dans son cabinet, au moment o`u l’on s’y attendait le moins.

Le magistrat, pour 'eviter aux pr'evenus la pr'esence d’un d'efenseur pendant l’instruction, se gardait donc bien d’inculper d’avance les gens qu’il avait formellement l’intention d’arr^eter `a un moment donn'e. Il leur laissait croire, le plus longtemps possible, qu’il les consid'erait simplement comme des t'emoins et c’'etait lorsqu’il n’y avait plus moyen de faire autrement qu’il transformait son mandat de comparution en mandat d’arr^et.

M. Mourier interrogeait au hasard et `a sa fantaisie les t'emoins ou les pr'evenus et c’est ainsi que la premi`ere personne qui avait 'et'e entendue par le magistrat n’'etait autre que Blanche Perrier, la ma^itresse de l’infortun'e Didier.

La malheureuse femme, depuis quarante-huit heures qu’elle avait appris la mort de son amant, avait travers'e les 'emotions les plus diverses. Si d’obligeants voisins ne l’avaient retenue, lorsqu’elle avait recu la fatale nouvelle, elle se serait certainement jet'ee par la fen^etre. Mais, emp^ech'ee de donner suite `a son projet d'esesp'er'e, elle s’'etait ressaisie. Elle avait compris qu’elle se devait `a son fils, qu’il y avait son devoir de m`ere `a remplir. Elle avait repris courage. D`es lors, Blanche Perrier 'etait transform'ee et si dans son coeur elle nourrissait un extr^eme chagrin, elle n’en avait pas moins un but dans la vie : venger son amant et d'ecouvrir les assassins de celui-ci. Aussi, 'etait-ce avec joie que Blanche Perrier s’'etait rendue `a l’appel du juge d’instruction. Et, bien qu’elle ne s^ut rien des circonstances dans lesquelles l’infortun'e Didier avait trouv'e la mort, elle avait racont'e au magistrat les deux ann'ees d’amour qu’elle avait v'ecues avec lui, les projets qu’ils avaient form'es l’un et l’autre et le brusque d'esespoir dans lequel ils avaient 'et'e plong'es lorsque le p`ere Granjeard 'etait mort et que, d`es le lendemain, Didier avait eu `a discuter de ses int'er^ets p'ecuniaires avec sa famille. Longuement, le juge l’avait fait parler, lui avait demand'e de pr'eciser, autant qu’elle le pouvait, la nature des relations qui existaient entre Didier et les autres membres de la famille. Puis, au bout d’un heure, enfin, le magistrat avait renvoy'e Blanche, en lui disant de se tenir `a sa disposition et de s’attendre `a ^etre un jour prochain `a nouveau convoqu'ee.

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