L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
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— C’est notre libert'e que vous nous apportez l`a ?
Juve ne r'epondit rien.
— Je vous en prie, monsieur ?
— Votre libert'e ? La v^otre peut-^etre, Madame, mais pas celle de vos fils.
— Ah, pourquoi, Monsieur ?
— Parce que je sais, Madame, quels sont les auteurs du meurtre, ce sont vos deux enfants, vos deux fils, Paul et Robert.
— C’est impossible, impossible.
— J’en ai la certitude.
Il ajoutait 'enigmatique :
— Je suis seul d’ailleurs `a avoir cette certitude. La possession du testament de Didier va sauver vos enfants.
— Obtenez-moi ce testament, sauvez mes fils.
— Je ne demanderais pas mieux. Malheureusement celui qui d'etient ce document ne s’en dessaisira pas facilement.
— Combien faudrait-il ?
Les instants pressaient, le municipal, malgr'e les signes de Juve, se rapprochait de sa prisonni`ere, pour l’emmener. Une seconde d’h'esitation :
— Cinq cent mille francs. Dans les vingt-quatre heures.
— Je paierai. Je dispose de cette somme, mais comment la faire parvenir, prisonni`ere comme je suis ?
Cette fois, le municipal s’'etait tout `a fait rapproch'e. Juve quitta Mme Granjeard, mais avant de s’en aller, il avait eu le temps de lui donner cette derni`ere assurance :
— Ne vous inqui'etez pas, je vous indiquerai comment il faudra me remettre les fonds.
Quel but en agissant ainsi poursuivait donc l’inspecteur de la S^uret'e ? Certes il 'etait impossible que Juve e^ut l’intention d’extorquer de l’argent `a Mme Granjeard.
Pourquoi avait-il 'egalement accost'e Blanche Perrier en lui parlant du testament de Didier ?
Juve, `a coup s^ur, devait avoir une id'ee, et une id'ee ing'enieuse et subtile, car, en s’'eloignant, il se frottait les mains en murmurant :
— De mieux en mieux, l’amorce est jet'ee, les poissons ne vont pas tarder `a se prendre `a mon filet. Jouons serr'e.
11 – PRISONNI`ERE
— Alors, puisque tu veux descendre toi-m^eme, cavale vivement, ma petite Blanche, et va nous chercher `a briffer. Ce que j’ai la cr`eve. C’est rien de le dire. J’ai rudement besoin de me coller quelque chose sous la dent. Ces 'emotions, ca creuse.
L’infirme Taxi – ou pour mieux dire le journaliste J'er^ome Fandor – s’efforcait par son attitude enjou'ee, de ramener un peu de gaiet'e sur le visage de la malheureuse Blanche Perrier.
Celle-ci sourit machinalement au bavardage de son interlocuteur, elle hocha la t^ete :
— Tranquillise-toi, Taxi, murmura-t-elle, je ne serai pas bien longue, le temps de descendre et de remonter.
— C’est cela, dit Fandor, je garde ton sal'e pendant ce temps-l`a.
Mais le petit Jacques n’avait pas envie de rester en t^ete-`a-t^ete avec le mendiant, que cependant il aimait bien, car souvent, il jouait avec lui et le faisait rire. Jacques avait mis dans sa t^ete de b'eb'e de descendre avec sa m`ere, et comme plus les ^etres sont petits et inoffensifs, plus leurs volont'es sont formelles et fid`element observ'ees, Blanche Perrier, qui 'etait d'ej`a sortie de chez elle, rentra dans son logement pour acc'eder au d'esir de son enfant :
— Ne grogne pas, mon petit Jacques, puisque je t’emm`ene.
— Nous serons peut-^etre un peu longtemps. Un quart d’heure et on revient.
Fandor, demeur'e seul, dans le logis de Blanche Perrier, profita de la disparition momentan'ee de cette derni`ere, pour sortir de son chariot, et pour se d'elier un peu les jambes. Le journaliste paraissait fort content. Il se frotta vigoureusement les mains, ce qui 'etait chez lui le signe d’une vive satisfaction.
Cependant, lorsque Fandor avait appris par les journaux l’arrestation de la famille Granjeard, tr`es s'erieusement soupconn'ee d’^etre l’auteur du crime, Fandor avait estim'e qu’il ne courait plus aucun risque, d’autant que nul n’avait soulev'e l’histoire du chariot. Il 'etait donc revenu impasse Urbain, non sans avoir confectionn'e, au pr'ealable, un nouveau v'ehicule, pour remplacer l’ancien, consciencieusement d'emoli le jour de son d'epart puis jet'e au ruisseau.
Fandor s’'etait fait un devoir d’aider de ses conseils et de distraire, par sa pr'esence, la pauvre Blanche Perrier, qui, depuis la r'ev'elation de la mort de Didier, 'etait plong'ee dans un 'etat de prostration tel que l’on avait pu craindre un moment pour sa raison. Fandor avait remont'e la malheureuse de son mieux, et celle-ci, d’ailleurs, s’'etait bien laiss'e persuader que si d'esormais, le malheur s’'etait abattu sur elle, elle devait n'eanmoins songer `a l’avenir, dans l’int'er^et de son enfant. Les soins constants `a donner `a son fils, les mille d'etails de l’existence qui s’imposent toujours en d'epit de tout, la distrayaient malgr'e elle, et c’'etait avec joie qu’elle avait accept'e que son voisin Taxi l’invit^at `a d^iner ce soir-l`a le soir m^eme du jour o`u elle avait 'et'e chez le juge d’instruction. Taxi n’avait voulu ^etre l’h^ote de Blanche Perrier, qu’`a condition de payer le d^iner et Blanche avait promis d’aller chercher les provisions.
Fandor 'etait seul d'ej`a depuis quelques instants, lorsqu’il entendit un bruit de pas lourds et h'esitants dans l’escalier. Le journaliste pr^eta l’oreille et, pour savoir quels 'etaient les gens qui montaient, il alla, sur la pointe des pieds, regarder par la porte entrouverte, le journaliste recula aussit^ot. Son visage avait chang'e d’expression, un pli lui barrait le front.
— Qu’est-ce que c’est que ces gens-l`a ? grommela-t-il, en s’installant prestement sur son chariot.
`A peine avait-il repris son attitude de mendiant-infirme qu’un coup sec 'etait frapp'e `a la porte, puis, comme celle-ci 'etait entreb^aill'ee, quelqu’un la poussait, dans la premi`ere pi`ece du petit logement, s’introduisit un individu, puis un second, puis un troisi`eme. Fandor, dissimul'e dans l’angle de la pi`ece du fond les regardait venir :
— Sapristi, se dit-il, voil`a du sale monde, ou je ne m’y connais pas ou ca m’a tout l’air d’^etre des gens de la Pr'efecture. Que diable peuvent-ils bien venir faire ici ?
Soudain, le faux mendiant se mordit la l`evre :
— Bougre, pensa-t-il, ca va mal tourner tout `a l’heure.
Fandor, en effet, venait de reconna^itre l’un des individus qui s’introduisaient non sans une certaine h'esitation, dans le domicile de Blanche Perrier. C’'etait un homme d’une trentaine d’ann'ees environ, au visage 'energique, `a la l`evre barr'ee d’une forte moustache noire. Mais l’homme avait cette particularit'e, facile `a noter qu’il 'etait borgne. L’oeil gauche manquait, Fandor l’avait reconnu. C’'etait l’inspecteur L'eon, l’un des subordonn'es de Juve.
— Pourvu, pensa Fandor, que cet animal de L'eon ne me reconnaisse pas, cela ferait du grabuge.
Machinalement, et sous pr'etexte de se gratter, il embrouilla son 'epaisse perruque de cheveux mal soign'es.
Les policiers, en apercevant cet ^etre accroupi sur le sol, et dont le sommet de la t^ete 'etait au niveau du haut de la table, s’'etaient arr^et'es un instant, ne s’attendant gu`ere, semblait-il, `a le trouver l`a.
L'eon l’interrogeait poliment d’ailleurs :
— Pardon, monsieur, fit-il, en touchant du doigt son chapeau, ne sommes-nous pas ici chez Mme Blanche Perrier ?
— Possible, qu’est-ce que vous lui voulez ?
— Nous avons `a lui parler.
— Eh bien, m’est avis qu’il vous faudra repasser. Elle est sortie.
— Sera-t-elle longtemps ? insista L'eon.
— Je n’en sais rien.
— Vous devriez le savoir, vous ^etes chez elle.
— Vous y ^etes bien vous-m^eme.
Pour la forme, l’inspecteur de police jeta un rapide coup d’oeil dans les divers recoins du modeste logement, comme pour s’assurer que la personne qu’il cherchait ne s’y 'etait point cach'ee. Puis, se tournant vers ses hommes, il d'eclara simplement :