La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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Et, de temps `a autre, couvrant les deux voix qui discutaient, d’autres cris retentissaient, cependant que des 'eclats de rire fusaient de tous c^ot'es, que des exclamations ironiques, semblaient provenir de gorges f'eminines :
— Ah qu’il est vilain !
— Hou, hou le vieux !
C’'etait absolument incompr'ehensible. Le g'erant, pale de col`ere, sauta dans l’ascenseur :
— Attendez-moi, dit-il, se tournant vers Juve, je reviens `a l’instant.
Mais Juve n’eut garde d’ob'eir. Loin d’attendre le g'erant, il monta dans l’ascenseur, lui aussi, et l’appareil s’'eleva rapidement.
Les cris, cependant, continuaient :
— Sapristi, laissez-moi donc m’habiller.
— Descends, descends. Attends un peu que je te montre si j’ai peur de toi !
Le premier 'etage que rencontrait l’ascenseur en montant semblait d'esert. Des femmes de chambre, des voyageurs, des voyageuses aussi, attir'es par le tapage, s’'etaient group'es sur le palier.
— Que se passe-t-il, mon Dieu ? interrogea le g'erant.
L’ascenseur s’'elevait toujours plus vite.
Or, comme il arrivait `a hauteur du second, M. Hoch saisit brusquement la corde de l’appareil, l’immobilisa.
Point n’'etait besoin, `a coup s^ur, de monter plus haut. Descendant du troisi`eme, une troupe d’hommes apparaissait, une troupe compos'ee aussi bien de serviteurs et d’employ'es de l’h^otel que de voyageurs amus'es. En t^ete se trouvaient deux personnages qui se disputaient furieusement. L’un n’'etait autre que le gros Narcisse Lapeyrade, le malheureux mari de la jolie ling`ere, l’autre 'etait le caissier Guillaume, et ce dernier apparaissait dans le plus simple des accoutrements.
Guillaume, le fid`ele Guillaume, l’employ'e correct et mod`ele, avait pour tout v^etement, une chemise de nuit dont les pans flottaient au hasard de la lutte furibonde qu’il soutenait avec Narcisse, et au pied droit une chaussette dont la jarretelle brinqueballait, au risque de le faire tomber.
P^ale de rage, les yeux jetant des 'eclairs, le g'erant avait bondi au-devant des deux hommes.
— Guillaume ! appela-t-il, Narcisse ! Voyons, que signifie ?
Haletant, le gros pisteur envoya d’une secousse le caissier rouler contre le mur. Narcisse Lapeyrade `a ce moment, 'etait beau : la col`ere lui pr^etait le regard imp'erieux, l’attitude hautaine.
— Monsieur le g'erant, r'epondait Narcisse, il se passe ceci : c’est que Monsieur – et il d'esignait Guillaume – vient de m’outrager.
— Il vous a quoi ?
Une petite bonne qui riait `a quelques marches de l`a, expliqua la chose :
— Tiens, parbleu, s’exclamait-elle, c’est pas difficile `a deviner : Guillaume a tromp'e Narcisse avec F'elicie.
Au m^eme moment, attir'ee `a son tour par le bruit, F'elicie Lapeyrade qui, depuis le matin, sachant la situation tragique o`u elle avait laiss'e son amant, n’'etait pas tranquille, parut sur le seuil de la lingerie.
Le g'erant foudroya du regard la jeune femme.
— F'elicie, lui jeta-t-il, votre mari est devenu fou ?
Guillaume, cependant, s’'etait relev'e. Toujours en chemise et l’air piteux, il tenta de b'egayer une excuse :
— Monsieur le g'erant, commencait-il, je vous prie de croire que tout ceci provient d’un malentendu.
Mais il n’eut pas le temps d’achever. Au comble de la col`ere, Narcisse Lapeyrade l’interrompit :
— Taisez-vous, l^ache, bandit, voleur d’honneur, hurla-t-il. Ah, vous appelez ca un malentendu ? Eh bien, par exemple !
Et, courant au g'erant, qui 'etait tellement interloqu'e qu’il ne savait que dire, le saisissant par le revers de sa redingote, Narcisse Lapeyrade continua :
— Savez-vous o`u je l’ai retrouv'e, votre caissier ? dans les chapeaux de ma femme.
Le g'erant, pour le coup, ne comprenait plus rien `a l’aventure. Que Guillaume e^ut tromp'e Narcisse avec la jolie F'elicie, c’'etait possible, vraisemblable, cela n’avait en tout cas rien de surprenant, mais qu’on l’e^ut d'ecouvert dans les chapeaux de F'elicie, cela ne pouvait s’admettre.
Guillaume, d’ailleurs, protesta :
— C’est faux, j’'etais dans un placard, et…
Narcisse l’interrompait d'ej`a :
— C’est la m^eme chose. Il 'etait dans le placard des chapeaux. Oui, Monsieur, dans ma chambre, dans ma propre chambre, et tel que vous le voyez, en chemise ! Et je ne me doutais de rien. J’aurais jur'e que ma femme…
Le g'erant, d’une secousse brusque, parvint `a se d'egager de l’'etreinte de Narcisse :
— Vous, cria-t-il, commencez par vous taire. Bien entendu, vous ^etes `a la porte. Guillaume, vous vous expliquerez tout `a l’heure. Allons. Montez vous habiller.
Or, `a ce moment, une Anglaise, pesamment arriv'ee du rez-de-chauss'ee en soufflant `a chaque marche, qu’elle 'ebranlait de son pas masculin, lorgnait pr'ecis'ement Guillaume `a travers un face-`a-main gigantesque, tout en r'ep'etant :
— O^oah !
Guillaume, lui, e^ut bien voulu obtemp'erer aux ordres du g'erant. Plus que tout le monde, il souffrait du scandale occasionn'e, mais le moyen d’aller se rhabiller ?
— Monsieur le g'erant, commenca le malheureux caissier, je ne peux pas remonter dans ma chambre, je n’ai plus mes habits et mes cl'es sont dedans. Il faudrait que quelqu’un…
— O`u sont vos v^etements ? demanda le g'erant.
— Ils sont, commenca le malheureux caissier, ils sont, mon Dieu, sous le lit de M. Lapeyrade.
Au m^eme moment, F'elicie qui n’avait point tard'e `a s’'eclipser, apparaissait en haut de l’escalier, porteuse du veston et du pantalon du caissier.
— Enfile-moi ca, Guillaume, cria-t-elle.
Cette seule parole, h'elas ! suffit `a redoubler la col`ere du mari tromp'e.
Il bondit sur sa femme, qu’il empoigna par les 'epaules. Il la secoua terriblement.
— Tu… tu… tu… commenca-t-il 'etouffant presque, tu l’appelles Guillaume, de… de… devant moi ?
C’e^ut 'et'e comique, si la douleur du pauvre homme n’avait fait peine `a voir. F'elicie, sans r'epondre, 'echappa aux mains de son mari, courut se jeter derri`ere Juve, seul personnage qui par^ut garder, au cours des 'ev'enements, un imperturbable sang-froid.
— F'elicie, clama toujours le malheureux mari tromp'e. Je ne sais pas si je pourrai jamais te pardonner. Non, je ne le sais pas…