La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
Шрифт:
Cela 'etait parfaitement indiff'erent au g'erant de l’Imp'erial H^otel, qui essayait de conclure l’entretien en appelant le caissier pour prendre l’argent qu’avec regret le marquis tirait de sa poche :
Celui-ci se lamentait :
— Tout mon b'en'efice y passe, en entier. D'ecid'ement ce s'ejour `a Biarritz ne nous a 'et'e profitable, ni `a Son Altesse Royale, ni `a moi.
M. Hoch eut piti'e du pauvre grand seigneur.
— Vous r'eclamerez un suppl'ement pour cet agent suppl'ementaire.
— Oui 'evidemment, dit le marquis, qui ne s’en allant pas, impatientait le g'erant. 'Evidemment je r'eclamerai au minist`ere de l’Int'erieur, mais vous ne les connaissez pas aux Finances de Madrid. Ils sont capables de me rembourser en pesetas et alors je perdrais au change.
— Eh bien, qu’est-ce que vous diriez si au lieu de vous faire votre note en francs, je l’avais compt'ee en marks qui valent vingt-cinq sous ? Et c’'etait mon droit apr`es tout, puisque l’Imp'erial H^otel est, en somme, une soci'et'e allemande. Estimez-vous donc bien heureux, Monsieur le marquis et au plaisir de vous revoir.
L’infortun'e majordome, machinalement, serra la main que lui tendait le g'erant et s’en alla t^ete basse, porte-monnaie vide. Mais, sit^ot dans le hall de l’h^otel, comme il y apercevait quelques jolies femmes, il retroussa la moustache, tendit le jarret. Ce n’'etait plus le majordome qui venait de r'egler ses comptes avec le g'erant de l’h^otel, c’'etait le Grand d’Espagne qui passait.
Cependant le personnage qui avait 'ecout'e, depuis le d'ebut, cet entretien, non sans avoir failli `a maintes reprises 'eclater de rire, n’'etait autre que Juve.
Toutefois, si le policier avait 'et'e amus'e par les mesquines r'ecriminations du majordome espagnol et les calculs brutaux de l’employ'e allemand, quelque chose dans tout cela l’avait fortement intrigu'e.
— Dr^ole de police, avait-il pens'e en premier lieu que cette police espagnole dont les inspecteurs ne paient pas leurs notes et les font porter sur le compte des grands personnages qu’ils suivent.
Mais, apr`es un instant de r'eflexion, Juve 'etait revenu sur cette opinion.
— Cette histoire d’agent secret, se disait-il `a lui-m^eme, m’appara^it suspecte. Et puis, quelle co"incidence bizarre… Cet agent charg'e de prot'eger l’infant d’Espagne et qui dispara^it aussit^ot apr`es avoir arr^et'e un militaire qui vient de tirer sur une femme avec laquelle Son Altesse Royale avait 'evidemment rendez-vous, tout cela me para^it louche.
Juve eut encore une autre pens'ee :
— Peut-^etre, songea-t-il, ce Monsieur Hoch a-t-il des instructions pr'ecises pour dire au majordome que l’agent secret 'etait parti, alors qu’il n’en est rien ?
Juve, en effet, avait appris par quelques paroles prononc'ees par les domestiques qui passaient et repassaient dans le hall, que si don Eugenio d’Aragon avait quitt'e l’h^otel depuis une heure, quelques gens de sa suite s’y trouvaient encore. Il 'etait donc fort possible que l’agent secret ne f^ut pas encore parti. Juve s’approcha du cabinet de M. Hoch :
— Monsieur, dit-il, je serais fort d'esireux de voir la personne que vous d'esignez sous le nom d’agent secret, agent de la police espagnole sans doute ?
Juve se faisait aimable, esp'erant qu’il pourrait avoir le renseignement sans ^etre oblig'e de r'ev'eler sa qualit'e d’inspecteur de la s^uret'e. Ceci n’'etait pas n'ecessaire en effet. M. Hoch, tout en signant des lettres, en acquittant des factures, en v'erifiant des menus et en 'epongeant d’un coup de tampon buvard les lignes trac'ees `a la h^ate sur un 'enorme livre r'epliqua d’un ton bourru :
— L’agent secret ? Parti.
— Depuis combien de temps, s’il vous pla^it, Monsieur ?
— Trois jours, depuis l’arrestation du…
Mais M. Hoch qui jusqu’alors semblait avoir r'epondu sans r'efl'echir, s’arr^eta brusquement d’'ecrire, se tourna vers Juve.
— Au fait, interrogea-t-il, et jetant sur le policier un coup d’oeil hautain et soupconneux, qu’est-ce que cela peut bien vous faire et que d'esirez-vous ?
Mais Juve avait de la pr'esence d’esprit. Cessant d’^etre aimable et parlant `a son tour comme quelqu’un qui n’a pas d’ordre `a recevoir, il r'epliqua :
— Je veux, fit-il, de son ton le plus m'eprisant, que vous me fassiez donner une chambre. Et quelque chose de bien, je vous prie.
Comme 'electris'e, M. Hoch qui s’apercut qu’il avait affaire `a un client, se levait de son fauteuil pour venir s’incliner tr`es bas devant le nouvel arrivant.
13 – QUI TROMPE QUI ?
— Donnez-moi une chambre.
Juve comprenait de moins en moins les 'ev'enements qui venaient de se d'erouler `a l’Imp'erial H^otel, mais dans l’impossibilit'e o`u il 'etait de tirer ces affaires au clair, il choisissait la seule solution qui lui par^ut rationnelle : il s’installerait `a l’Imp'erial, avec l’intention bien nette de n’en partir qu’une fois document'e.
Or, au moment m^eme o`u Juve, tranquillement, priait le g'erant qui venait de le recevoir de mettre une chambre `a sa disposition, dans le grand escalier d'ebouchant au centre du hall, un vacarme naissait, d’abord indistinct, puis peu `a peu augmentait, se faisait assourdissant.
C’'etaient des cris, des bruits de pas, des appels, et encore comme un pi'etinement sourd, comme des heurts, une bousculade.
Le g'erant entendant ces bruits, quittait Juve, courut `a l’escalier.
— Ah c`a, cria-t-il, cherchant `a voir ce qui pouvait bien se passer aux 'etages sup'erieurs, qui donc se permet ?
Juve avait accompagn'e, naturellement, son interlocuteur. Le policier arriva juste, dans la cage de l’escalier pour y saisir, prononc'ees par une voix tremblante de col`ere, des interjections terribles :
— Bandit, canaille, mis'erable, assassin.
En m^eme temps, une autre voix lui r'epondait :
— Taisez-vous donc imb'ecile. Tout le monde va savoir.
L’autre voix, la premi`ere, continuait `a hurler :
— Ignoble personnage, satyre, faux camarade, gredin, que tout le monde sache ? Je m’en fiche bien. Vous devriez ^etre pendu en place publique. Allez descendez.