La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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M. Anselme Roche appela son garcon de bureau.
— Faites venir, dit-il, le double du registre d’'ecrou de la prison.
Puis, en m^eme temps qu’il attendait ce document, M. Anselme Roche interrogeait Delphine Fargeaux :
— Au moment de l’accident, fit-il, votre fr`ere 'etait-il en uniforme ?
— Il est toujours en uniforme.
Anselme Roche songeait :
— C’est de plus en plus extraordinaire. Ca se remarque, un militaire, un spahi surtout.
Le magistrat froncait les sourcils, sentait na^itre en lui une sourde col`ere `a l’'egard de ses subordonn'es. Il pensa :
— Comment se fait-il que personne ne m’ait parl'e de cette histoire-l`a ?
Anselme Roche n’h'esita plus. Par le t'el'ephone il se mit en communication avec l’Imp'erial H^otel.
C’'etait M. Hoch lui-m^eme qui r'epondit au procureur et lui confirma en tous points le r'ecit de la jeune femme, qui aurait tant d'esir'e devenir la ma^itresse de l’infant d’Espagne et qui n’avait pu y r'eussir.
Pendant dix bonnes minutes, Anselme Roche compulsa le livre d’'ecrou de la prison qu’on lui avait apport'e, t'el'ephona de droite et de gauche, interrogea le Parquet, le commissariat de police de Bayonne et de Biarritz, se livra `a toutes sortes d’enqu^etes, mais sans succ`es. Ou plut^ot si, il acquit la conviction que jamais, au grand jamais, la police de la r'egion n’avait arr^et'e de spahi `a l’Imp'erial H^otel de Biarritz.
Mme Fargeaux, comme lui, 'etait convaincue maintenant que son fr`ere n’'etait pas d'etenu. Mais Martial Altar`es avait 'et'e emmen'e quand m^eme les menottes aux mains.
— C’'etait pourtant, cria-t-elle, des agents de la S^uret'e !
— Ou soi-disant tels, Madame.
— Ah Monsieur, s’'ecria-t-elle, vous m’ouvrez des horizons et maintenant, par ce que vous venez de me dire, j’imagine des choses que je voudrais n’^etre pas vraies, tant je les redoute, tant je les crains.
— Quoi, Madame, que savez-vous ? parlez !
— C’est tr`es d'elicat, commenca Mme Fargeaux, il s’agit d’une personne qui me touche de pr`es, de tr`es pr`es. Il s’agit de mon mari pour vous dire tout le fond de ma pens'ee. Puisqu’il semble prouv'e que mon fr`ere a 'et'e emmen'e par des gens qui ne sont pas de la police, et que par suite on doit consid'erer comme 'etant des agresseurs, je suis convaincue qu’il s’agit l`a d’un coup de mon 'epoux, de Timol'eon Fargeaux.
Le procureur, abasourdi, n’avait pas le temps de demander des explications `a la jeune femme. Celle-ci, s’animant peu `a peu, parlait avec une volubilit'e extr^eme, accusait terriblement le compagnon de son existence :
— Tenez, Monsieur le procureur, il se passe des choses extraordinaires dans notre propri'et'e. On entend des bruits 'etranges dans la campagne. La nuit, on voit des lueurs sinistres sillonner le ciel, deux ou trois fois j’en ai fait la remarque `a mon mari. Il s’est content'e de ricaner. J’en ai conclu que c’'etait un imb'ecile, et je me demande maintenant s’il ne cache pas son jeu et s’il n’est pas un malfaiteur.
Deux heures durant, Mme Fargeaux parla sans discontinuer, racontant sa vie au procureur g'en'eral, et il faut croire qu’elle avait communiqu'e des choses graves, car, `a peine 'etait-elle partie, que Roche enlevant sa toge, sonnait son garcon de bureau.
— Je m’absente, lui d'eclara-t-il, toutefois je vous laisse mon adresse, dans le cas o`u l’on aurait besoin de moi.
Et d’une main f'ebrile, Anselme Roche traca sur un carton, ces mots :
Le procureur g'en'eral est au ch^ateau de Garros, qu’il ne quittera que pour revenir `a son domicile, ou au tribunal.
***
Pendant ce temps, Juve jouissait de la consid'eration du personnel de l’Imp'erial H^otel.
Pour jouer son r^ole au s'erieux et aussi parce qu’il 'eprouvait le besoin de se reposer, le policier s’'etait install'e dans cette chambre depuis le commencement de la journ'ee. Vers six heures du soir, le policier arpentait son appartement, aux dimensions fort exigu"es, avec une f'ebrile impatience. Encore qu’il e^ut de fortes pr'eoccupations, Juve 'etait satisfait des heures pass'ees et entrevoyait avec s'er'enit'e les heures `a venir. Il avait, au cours de l’apr`es-midi, r'edig'e un rapport circonstanci'e et expliqu'e tout au long par suite de quelles ing'enieuses constatations il en 'etait arriv'e `a 'etablir que les vestiges humains d'ecouverts dans la maison du crime ne provenaient et ne pouvaient provenir que de l’infortun'ee Fleur-de-Rogue, la ma^itresse du Bedeau.
Ce rapport, destin'e `a M. Havard, 'etait un chef-d’oeuvre de pr'ecision scientifique et de clart'e. Juve se frottait les mains :
— Voil`a, d'eclara-t-il qui en bouchera un coin `a Fandor.
Le policier se r'ejouissait aussi `a l’id'ee que dans quelques instants il allait revoir cet excellent ami, ce vaillant compagnon d’infortune. Qu’'etait devenu Fandor depuis une quinzaine de jours ?
Juve avait t'el'egraphi'e deux ou trois fois et n’avait pas recu de r'eponse. Il en avait 'et'e presque inquiet jusqu’au moment o`u il avait recu de Paris un t'el'egramme de Fandor lui annoncant non seulement qu’il existait toujours, mais qu’il arrivait par un prochain train. C’est ce train-l`a dont Juve attendait l’arriv'ee, c’est pour cela qu’il restait `a l’h^otel o`u Fandor, sit^ot hors du wagon, devait le rejoindre.
Juve, ind'ependamment du plaisir qu’il allait 'eprouver `a revoir son ami, 'etait aussi tr`es satisfait de pouvoir causer avec lui de l’affaire de la Maison Borel.
Il y avait un point `a 'elucider, sur lequel Fandor serait 'evidemment pour Juve de pr'ecieux conseil. Il s’agissait de savoir ce qu’'etait devenue H'el`ene depuis le moment o`u elle avait quitt'e Fleur-de-Rogue. Car le policier savait d'esormais, par des renseignements recueillis `a la S^uret'e, que la fille de Fant^omas 'etait venue de Paris `a Rion-des-Landes avec la pierreuse.
'Evidemment, H'el`ene n’avait pas cru devoir faire conna^itre ses faits et gestes `a Juve, pour lequel elle n’'eprouvait qu’une m'ediocre sympathie. Mais il 'etait bien certain que Fandor devait ^etre renseign'e sur les p'er'egrinations de la fille de Fant^omas.
Juve allait donc savoir. Il avait cru un moment que la victime du spahi n’'etait autre qu’H'el`ene. Le portrait que lui en avait fait l’interne de l’h^opital lui faisait changer d’opinion, n'eanmoins le policier aurait bien voulu retrouver cette femme, et en tout cas, il se promettait d’aller d`es le lendemain voir Anselme Roche, pour obtenir l’autorisation de communiquer avec le spahi.
Juve en 'etait l`a de ses r'eflexions, lorsqu’on frappa `a sa porte.
— Entrez.
C’'etait M. Hoch. Juve, d'esormais, 'etait du dernier bien avec le g'erant de l’h^otel, dont il avait gagn'e les bonnes gr^aces en lui offrant un cigare apr`es le d'ejeuner et en lui disant sa profession.
M. Hoch nourrissait une admiration respectueuse et sans bornes `a l’'egard de toutes les autorit'es. Plus particuli`erement, il tenait en haute estime la police en g'en'eral et sp'ecialement les services de la S^uret'e.
— Si je n’'etais pas h^otelier, avait-il dit `a Juve, je serais inspecteur de police.
M. Hoch venait se renseigner aupr`es de son client :
— Peut-^etre pourrez-vous me donner une explication ?
— De quoi s’agit-il ? fit Juve.
— Voici : il y a quarante-huit heures, lorsque ce soldat d’Afrique a tir'e sur la jeune femme, deux agents se sont pr'ecipit'es. L’un d’eux 'etait l’agent de l’infant d’Espagne, et l’autre appartenait `a la police de Biarritz. Du moins c’est ce que je croyais. Or, il n’y a pas cinq minutes, M. le procureur g'en'eral Anselme Roche m’a fait l’honneur de me t'el'ephoner pour me demander si cette arrestation avait bien eu lieu dans mon h^otel.