La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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— Mordious ! clama le brave garde champ^etre, on ne peut avoir de doute, on s’est tu'e l`a-dedans. Suivez-moi bien pas moins.
La petite troupe monta lentement l’escalier de bois en 'evitant de fr^oler la muraille.
Or, `a peine parvenu au premier 'etage, une nouvelle exclamation s’'echappait des l`evres de Parandious.
— Mais c’est stup'efiant ! Ici c’est tout `a fait coquet.
L’aspect de la pi`ece qui formait `a elle seule le premier et dernier 'etage 'etait en effet propre `a 'etonner les braves Landais. Si le rez-de-chauss'ee avait des allures paysannes pauvres, le premier 'etage 'etait, en revanche, bourgeoisement, presque luxueusement meubl'e. Sur le plancher, un tapis bleu recouvert de carpettes, de peaux de b^etes, 'etouffait le bruit des pas ; les murs, au lieu d’^etre blanchis `a la chaux, 'etaient tapiss'es d’un 'el'egant papier aux nuances discr`etes. Des tableaux joliment encadr'es y pendaient. Enfin le mobilier 'etait ravissant, mobilier d’un luxe de bon go^ut : lit empire d’acajou, incrust'e de barrettes de cuivre, armoire du m^eme style `a triple glace, petites chaises basses, coussins de soie, grand divan. Dans un coin, un paravent dissimulait toute une installation perfectionn'ee de cabinet de toilette, on voyait encore une grande baignoire pleine.
— Mais, continua le garde champ^etre, oubliant le motif de sa pr'esence, dans la chambre-boudoir, qu’il d'ecouvrait, mais c’est un palais de f'ee, ici ! C’est beaucoup plus beau que chez M. le receveur des contributions.
— C’est plus beau m^eme, rench'erissait-on derri`ere lui, qu’`a la Pr'efecture, seulement c’est moins grand.
Le premier moment d’'etonnement pass'e, cependant, le garde champ^etre revint `a ses premi`eres pr'eoccupations.
— Et dire, faisait-il en montrant le sol, et dire qu’on a ab^im'e tous ces beaux tapis. Ah, c’est une vraie g^acherie.
Sur le tapis bleu, en effet, sur les carpettes, la m^eme tra^in'ee de sang qui avait attir'e l’attention des visiteurs au rez-de-chauss'ee, continuait. Il n’y avait pas de d'esordre dans la pi`ece. La chambre paraissait parfaitement normale. Les meubles ne portaient aucune trace de lutte. Seule, la tram'ee de sang commencant en haut de l’escalier, et se dirigeant vers le paravent formant cabinet de toilette.
— D'ecid'ement, reprenait Parandious, quelques minutes plus tard et ayant, d’un coup d’oeil rapide, scrut'e toutes les dispositions de l’appartement, d'ecid'ement, je pense qu’une enqu^ete va s’imposer. Ce n’est pas, bien s^ur, le doigt de Saturnin qui a pu laisser tout ce sang. Il y a eu certainement un crime ici et quelqu’un d’assassin'e. Seulement, ce qui est extraordinaire, c’est que la personne assassin'ee, je ne vois pas du tout o`u elle est. Et puis, est-ce M. et Mme Borel qui ont tu'e ou bien sont-ils les victimes ?
D’en bas, au m^eme moment, une voix appela :
— H'e adieu, Parandious, qu’est-ce qui se passe donc ? Descends voir un peu que je te cause.
— H'e adieu, monsieur le maire,
M. le maire tremblait violemment.
— Parandious, dit-il, il n’y a point d’h'esitation `a avoir. S’il y a du sang et si tout est renvers'e comme cela, c’est qu’il s’est pass'e quelque chose de pas naturel ici. Dis-moi, Parandious, tu sais o`u ils sont, les Borel ?
Non seulement Parandious ne le savait point, mais encore aucun de ceux qui l’entouraient ne s’en faisait la moindre id'ee.
M. le maire eut une inspiration :
— Autrement, pas moins, clama-t-il, il n’y a rien `a faire pour nous, il faut pr'evenir la justice.
Parandious approuva d’un hochement de t^ete. Le brave garde champ^etre n’avait plus la moindre envie d’arr^eter les assassins.
3 – ENL`EVEMENT D’UNE FEMME
Delphine Fargeaux n’avait peut-^etre pas 'et'e la seule personne `a 'eprouver `a la fois de la surprise et de l’angoisse, lorsque apr`es avoir parl'e avec les deux hommes myst'erieux `a l’accent espagnol rencontr'es derri`ere le pavillon de chasse, elle avait entendu, provenant de la colline de sable voisine, une sorte de bruissement doux et sourd qui la faisait tressaillir en m^eme temps qu’elle recevait sur le bas de sa jupe une pluie de sable fin et de gravier.
Les hommes, de leur c^ot'e, s’'etaient 'eloign'es et d`es lors, dans le silence et l’obscurit'e, semblaient devoir rena^itre un calme et une immobilit'e absolus aux abords du pavillon de chasse.
Au bout de quelques minutes, cependant, un l'eger bruit se produisit et les lianes touffues de vignes vierges aux larges feuilles qui obstruaient presque compl`etement l’entr'ee d’une petite tonnelle accot'ee au pavillon, s’'ecart`erent lentement pour laisser passage `a une personne qui fit quelques pas h'esitants, puis s’arr^eta net, r'eprimant un l'eger cri d’inqui'etude, de peur.
C’'etait une femme qui sortait de cette cachette improvis'ee.
`A quelques m`etres d’elle, sur le flanc de la colline, elle apercut tout d’un coup une sorte de chose ronde et sombre qui, apr`es avoir effleur'e le sol, s’y enfoncait avec rapidit'e et violence, soulevant autour d’elle un v'eritable nuage de poussi`ere sablonneuse.
La femme ayant assist'e `a ce spectacle 'etait dans l’espace d’un instant, tout comme Delphine Fargeaux, brusquement saupoudr'ee de sable fin des pieds jusqu’`a la t^ete.
Elle recula machinalement, rentra dans la tonnelle, mais d`es lors, comme rien de suspect ne se produisait `a nouveau, elle s’enhardit et sortit de sa cachette.
Cette tonnelle 'etait plac'ee juste `a l’oppos'e du pavillon devant lequel s’'etaient entretenus Mme Fargeaux et ses deux interlocuteurs. Cette disposition avait fait que la femme cach'ee `a l’int'erieur n’avait certes rien pu entendre de leur conversation. Elle ne paraissait d’ailleurs que m'ediocrement troubl'ee, et sit^ot l’incident de la pluie de sable termin'e, elle n’h'esita pas `a venir s’asseoir au pied d’un arbre, ne souffrant aucunement, semblait-il, de la temp'erature fra^iche de la nuit, tant elle paraissait pr'eoccup'ee.
Cette femme, jeune, 'el'egante, `a la silhouette distingu'ee, n’'etait autre qu’H'el`ene, la fille de Fant^omas.
La t^ete appuy'ee entre les mains, H'el`ene r'efl'echissait au milieu de la nuit et se rappelait le pass'e. Toutefois, sa pens'ee se reportait plus volontiers sur les huit derniers jours qu’elle venait de vivre.
Au d'ebut de la semaine qui s’achevait, H'el`ene avait quitt'e Paris en compagnie d’une pierreuse, Fleur-de-Rogue, que la fille de Fant^omas avait connue lorsqu’elle habitait Belleville o`u elle-m^eme 'etait connue sous le sobriquet de la Gu^epe, qui lui avait 'et'e donn'e eu 'egard `a la finesse de sa taille.
H'el`ene, `a la suite de p'erip'eties sans nombre, et n’'ecoutant que son bon coeur, avait recueilli un malheureux b'eb'e, un orphelin dont la m`ere 'etait une victime du sinistre Fant^omas, mais apr`es ce geste de d'evouement, la jeune fille, en envisageant sa vie si tourment'ee, si peu tranquille, avait cherch'e `a mettre en lieu s^ur ce pauvre petit ^etre que l’existence n’avait pas encore arm'e pour la lutte. Dup'ee par Fleur-de-Rogue, H'el`ene avait accept'e de partir avec la pierreuse et l’enfant, pour un village perdu au milieu des Landes, o`u le petit Jacques – c’'etait le nom du b'eb'e – devait, lui assurait la pierreuse, trouver une brave femme qui s’occuperait de lui. Confiante et na"ive en la circonstance, H'el`ene avait accept'e avec joie la proposition de celle qu’elle consid'erait comme une amie.
Elle 'etait donc arriv'ee avec sa compagne et l’enfant, il y avait de cela neuf jours exactement, au village de Beylonque, `a deux kilom`etres de la station du chemin de fer de Bordeaux `a Bayonne.
Les voyageuses avaient fini par atteindre, apr`es plusieurs heures de marche, une maison d'elabr'ee. Cette maison 'etait vide, d'eserte. Fleur-de-Rogue s’y 'etait install'ee, comme si elle e^ut 'et'e chez elle, et son attitude 'etait si naturelle, si simple, qu’H'el`ene n’en avait pris aucun ombrage. Mais la situation avait brusquement chang'e. L’attitude de la pierreuse se modifiait brusquement et celle-ci, jetant son masque d’hypocrisie, se montrait `a H'el`ene telle qu’elle 'etait r'eellement, c’est-`a-dire la farouche ma^itresse du sinistre Bedeau, le plus redoutable des apaches parisiens.