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ЖАНРЫ

La fille de Fant?mas (Дочь Фантомаса)
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Juve se le demanda un instant.

Juve n’h'esitait pas d`es lors `a jouer `a Ribonnard la com'edie de l’ancien copain.

Et Ribonnard, desservi pour une fois par sa philosophie constante qui ne lui permettait point de trouver quoi que ce soit d’invraisemblable, se laissait prendre au jeu de Juve, s’y prenait si bien, qu’en peu d’instants il 'etait devenu le meilleur ami, l’intime presque, de cet excellent Gueule-d’Empeigne, qu’il n’avait jamais connu sous ce nom, mais qu’il 'etait ravi de retrouver.

Causer dans la rue, debout sur le trottoir n’'etait pourtant pas l’affaire de Juve. Mais Ribonnard venait de prononcer un nom qui tout de suite avait fort int'eress'e Juve. Il connaissait Hans Elders, il fallait en profiter.

Juve offrit une tourn'ee de stout au premier d'ebit rencontr'e. `A la premi`ere tourn'ee en succ'eda une autre. Au bout de deux heures, Juve et Ribonnard causaient encore.

— Eh bien, concluait Juve, qui, petit `a petit, avait fini par comprendre, bien que son nouvel ami e^ut us'e de nombreuses r'eticences, le genre de profession qu’il exercait, eh bien, tu ne t’emb^etes pas. T’as eu de la veine de rencontrer Hans Elders.

Et comme l’autre approuvait de la t^ete, sans mot dire, d'ej`a un peu gris, Juve ajoutait, `a l’improviste, jetant dans la conversation un nom qu’il br^ulait de risquer depuis qu’il avait rencontr'e Ribonnard, mais dont il redoutait l’effet :

— T’as pas entendu parler d’un autre copain `a moi qui s’est pas mal d'ebrouill'e par ici, para^it-il, c’est un certain Fandor ?

Mais Ribonnard secoua la t^ete :

— Peuh, fit-il, j’en ai entendu parler sans en entendre parler, ca c’est des affaires louches et c’est un type que je ne d'efinis pas encore tr`es bien, ni moi, ni personne des copains.

Ah, pour le coup, le coeur de Juve, battait `a se rompre dans sa poitrine.

Fandor 'etait connu. Qu’allait-il apprendre de lui ? Et il questionna :

— Pourquoi ca ?

Ribonnard, d’un geste vague, voulait indiquer qu’il n’en savait trop rien, puis il pr'ecisait :

— Pour des tas de raisons. C’est un dr^ole d’individu. Tu comprends, mon vieux Gueule-d’Empeigne, nous autres, n’est-ce pas, on fait un peu attention `a tout, or, ce Fandor, comme tu dis, il n’a pas manqu'e de se faire remarquer. D’abord, comment c’est qu’il est arriv'e ici ? personne ne le sait… En tout cas, `a son premier coup, il s’est fait poisser. Ah ! le bougre ! tu ne t’imagines pas ce qu’il avait tent'e, mon colon ? Fallait qu’il n’ait pas les foies… Il avait foutu le feu aux Docks et c`a a grill'e, je te promets.

Juve ne sourcilla m^eme pas. Fandor avait mis le feu aux Docks ? C’'etait invraisemblable, faux `a coup s^ur, mais ce n’'etait pas le moment de protester.

Et Juve interrogea :

— Probable qu’il pensait y rafler quelque chose dans c’t’incendie ?

— Probable, mon vieux, mais ca a mal march'e pour lui et un nomm'e Teddy l’a pinc'e une premi`ere fois. On l’a remis aux soldats, puis, il s’est d'efil'e, les soldats l’ont repinc'e, d’ailleurs, apr`es… et l`a… ah ! dame, l`a, il a 'et'e tr`es fort.

— Tiens, pourquoi ?

— Il a fait le fou, mon vieux. Il avait d'egott'e, je ne sais pas o`u, une t^ete de mort, il l’agitait, bref, il a si bien fait le mariole qu’on l’a coll'e au Lunatic Hospital.

— Depuis ce moment-l`a, il est au Lunatic ?

Ribonnard eut un gros rire :

— Ah, depuis ce moment-l`a, mon vieux, je ne peux pas te dire. Je ne sais pas ce qu’il trafique ton copain. Toujours est-il que, l’autre jour, tiens, chez mon patron, chez Hans Elders, j’ai bien cru que je le reconnaissais au nombre des invit'es. Tu comprends, moi, je l’avais vu une fois quand les soldats l’emmenaient apr`es l’incendie des Docks… Donc, je te dis, j’crois bien que je l’ai vu parmi les invit'es de Hans Elders, un peu chang'e, un peu camoufle, et `a tu et `a toi avec Teddy et

« embrasse-moi-si-tu-veux
» avec la fille du patron.

Mais comme Juve allait reprendre la parole, Ribonnard tapa du poing sur la table :

— Et puis c`a va bien, d'eclara-t-il, ce num'ero-l`a nous verrons bien un jour ou l’autre ce qu’il deviendra ? Fumes-tu ?

Juve demeura interloqu'e. Il grillait pr'ecis'ement une cigarette. Que voulait dire Ribonnard ? `A tout hasard Juve r'epondit :

— Oui, oui, bien s^ur.

`A quoi, Ribonnard riposta :

— Alors cavale mon poteau, j’te vas mener dans la turne que je fr'equente, c’est encore la plus bath de Durban…

***

Deux heures plus tard, Juve n’'etait plus tr`es certain d’^etre parfaitement ma^itre de lui et cela n’'etait pas sans l’ennuyer.

Il n’y avait pourtant pas de sa faute et le policier n’avait `a se reprocher aucune imprudence.

Apr`es avoir r'epondu `a Ribonnard qu’il « fumait », il avait accompagn'e l’apache, ne sachant trop o`u celui-ci le menait. Ribonnard, causant de choses et d’autres, de choses qui n’int'eressaient pas Juve d’ailleurs, mais Juve avait peur d’attirer son attention en le questionnant, conduisit le policier `a travers les rues tortueuses et d'esertes, jusqu’`a une sorte de petite maison basse, situ'ee dans l’un des faubourgs de la ville, au centre d’un grand jardin, `a l’aspect abandonn'e.

— V’l`a ma fumerie, avait annonc'e Ribonnard.

Et, d`es lors, Juve avait compris…

Au Natal, comme dans toutes les colonies qui sont la possession des Anglais, l’opium r`egne en ma^itre. Le poison redout'e, aux effets tragiques, qui cause d’'epouvantables ravages, le poison aupr`es duquel l’alcool est un breuvage anodin, est appr'eci'e de tous.

Ribonnard 'etait devenu fumeur d’opium. C’'etait `a une fumerie d’opium qu’il venait de conduire Juve.

Juve, imm'ediatement, d'ecida en lui-m^eme qu’il ne fumerait pas. Mais, en m^eme temps, il se f'elicita de la bonne occasion qui lui 'etait offerte d’^etre pr'esent'e dans un de ces bouges, car assur'ement, c’'etait un bouge qu’une fumerie fr'equent'ee par Ribonnard.

N’'etait-ce pas, en effet, dans l’un de ces antres qu’il avait le plus de chances d’entendre parler des choses qui se rapportent, soit `a Fandor, soit `a Fant^omas ?

Suivant son guide, Juve p'en'etra dans la fumerie, petite pi`ece basse, dont le sol, les murs et le plafond 'etaient tendus de peaux d’ours qui se joignaient, cousues ensemble, et calfeutraient la pi`ece, rendant l’air chaud et irrespirable !

Aux murs pendaient des tableaux, des statuettes de femmes aux formes gr^eles, aux attitudes 'equivoques. Sur le sol, des coussins 'epais 'etaient dispos'es, formant de v'eritables lits de repos. `A droite de chacun d’eux 'etait pos'e un plateau sur lequel br^ulait continuellement un r'echaud, pour allumer les pipes d’opium, puis encore un flacon o`u demeuraient d’'epaisses liqueurs, puis encore et toujours, des objets destin'es `a faciliter les r^eves des fumeurs, des vases de fleurs, des gravures, des coquillages.

Ribonnard s’'etait d'ecouvert en entrant.

Sans bruit, il s’'etendit sur l’un des lits de coussins, ne paraissant plus m^eme s’occuper de Juve.

L’apache, `a coup s^ur, 'etait maintenant violemment intoxiqu'e d’opium. C’'etait l’heure de ses pipes, et comme tous les v'eritables fumeurs, il ne pouvait plus penser `a autre chose qu’au capiteux engourdissement dont il allait go^uter les extases infinies.

Juve, pour ne point se faire remarquer – il y avait dans la pi`ece, trois ou quatre fumeurs d'ej`a install'es – s’'etendit, lui aussi, sur un lit de coussins.

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