La fille de Fant?mas (Дочь Фантомаса)
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— Ah, bien, mon colon, mince un peu de l’occase. Si je m’attendais `a te rencontrer. Tu plantes donc tes choux par ici ?
Ribonnard, philosophe, sto"ique, s’'etait born'e `a r'epondre, avec ce sens du laconisme qui lui 'etait particulier dans les grandes circonstances :
— Comment donc que tu t’appelles, toi, et d’o`u que tu me connais ?
L`a-dessus, son interlocuteur l’avait l^ach'e, avait lev'e les bras au ciel en signe d’effarement, puis, d’un seul trait, s’'etait esclaff'e :
Ah ! elle 'etait raide, celle-l`a ! il ne fallait compter sur rien ! ni que la lune ne se d'ecrocherait pas, ni que le soleil ne tomberait pas dans son assiette. Parbleu. Voil`a qu’on ne le reconnaissait pas. Alors, c’'etait bien la peine d’^etre d’anciens copains ? des poteaux ? des mecs `a la redresse ? des gars de Pantruche ? quoi ! et d’avoir suc'e aux m^emes verres et de s’^etre offert, pendant des mois, des tourn'ees de cornichons chez le p`ere Korn, et des cornets de frites au Marronnier bleu… tout cela pour ne pas se reconna^itre, quand le hasard vous flanquait l’un en face de l’autre, `a Durban, c’est-`a-dire `a des m`etres et des m`etres de Pantruche, dans un sacr'e patelin de nom de d’l`a, o`u pourtant les aminches 'etaient rares.
Ribonnard avait 'ecout'e sans sourciller.
— 'Evidemment, pensait-il en consid'erant son interlocuteur, ce gars-l`a est un fr`ere, qui m’a connu dans le temps jadis, quand j’habitais `a la Chapelle. Pourtant, c’est rigolo, je ne me rappelle pas du tout.
Ribonnard qui revenait petit `a petit `a l’esp'erance, et commencait `a supposer qu’il n’avait peut-^etre pas affaire `a un agent de police, finissait par t^acher de s’'eclairer :
— Voyons, interrompait-il, coupant court aux phrases de son loquace interlocuteur, dis-moi donc ton nom et o`u c’est qu’on s’est connu exactement ?
L’autre r'epondit sans sourciller :
— Mais je suis Pierre, voyons ? Pierre, dit Gueule-d’Empeigne ? le copain `a Paulet, quoi… On s’est connu au Rendez-vous des Aminches ?…
L`a-dessus, Ribonnard s’'etait d'erid'e.
Ca c’'etait 'evidemment de la veine de rencontrer au Natal, `a Durban, un ancien copain du Rendez-vous des Aminches.
Et, en deux mots, il racontait `a ce Gueule-d’Empeigne, dont d’ailleurs il ne se souvenait pas du tout – mais cela n’avait gu`ere d’importance, – l’histoire compliqu'ee qui l’avait amen'e `a venir s’'etablir au Natal :
— Moi, achevait-il, tu comprends, j’ai d’abord chang'e de nom, et je m’appelle plus Ribonneau, je m’appelle Ribonnard. Et puis je me fais pas de bile, j’prends du ventre. C’est presque du n'egoce, je place des diamants. Je suis, comme qui dirait, vois-tu, vendeur et revendeur. Et pour le compte d’un gars qui n’a pas les foies, je te promets, un certain Hans Elders.
C’'etait sans la moindre m'efiance que Ribonnard parlait.
Ah, certes, il e^ut 'et'e plus circonspect, s’il avait pu deviner l’'emotion de son interlocuteur, tandis qu’il prononcait le nom de Hans Elders.
Cet interlocuteur 'etait d’ailleurs digne de remarque.
Il 'etait v^etu d’un pantalon de velours qui disparaissait dans de hautes bottes, qu’une ceinture de cuir serrait au ventre, une chemise rouge flottait sur sa poitrine, il avait jet'e sur ses 'epaules une veste de toile dont il n’avait pas enfil'e les manches, son chef disparaissait sous un grand chapeau mou marron.
Tenue de pauvre bougre en somme, de pauvre bougre pas bien riche et qui fait un peu tous les m'etiers, aujourd’hui fl^anant `a Durban, s’employant `a des besognes diverses, le lendemain galopant dans le veld, devenu chasseur, ou gardien de troupeaux.
Quel 'etait cet homme ?
« Gueule-d’Empeigne
Si le Dr Hardrock avait rencontr'e celui qui s’'etait choisi ce sobriquet, il aurait peut-^etre, apr`es quelques h'esitations, car 'evidemment certains traits de sa physionomie avaient 'et'e modifi'es par un savant camouflage, appel'e ce dernier
« mon cher confr`ere », 'etant donn'e que Gueule-d’Empeigne n’'etait autre que Juve.Juve, apr`es s’^etre repos'e, apr`es avoir longtemps r'efl'echi, 'etendu sur le gazon du champ o`u il s’en 'etait all'e m'editer, avait arr^et'e un plan de conduite.
— Ma foi, s’'etait dit le policier, je suis maintenant m^el'e `a deux intrigues bien distinctes, et je dois, pour ne point mentir `a mes ch`eres habitudes, m’occuper de deux enqu^etes `a la fois : la premi`ere, celle `a quoi j’attache le plus d’importance et de beaucoup, doit me faire retrouver Fandor ; la seconde doit m’expliquer un peu ce que Fant^omas a fait depuis qu’il s’est 'echapp'e la premi`ere fois du British Queen, `a notre arriv'ee en vue de l’Afrique du Sud.
Savoir o`u est Fandor, le rencontrer, ne doit pas ^etre, somme toute, bien difficile, car je ne vois pas pourquoi Fandor se cacherait. En revanche, conna^itre les agissements de Fant^omas doit ^etre plus d'elicat. Mais proc'edons par ordre, trouvons Fandor.
Juve, sans h'esitation, avait d'ecid'e imm'ediatement d’aller dans ce but, faire un tour dans la p`egre.
« Selon, toute vraisemblance, se disait Juve, en effet, Fandor, lorsqu’il s’est 'echapp'e de sa caisse, ne devait pas poss'eder d’argent… S’il n’a pas d’argent il ne fr'equente pas les milieux riches, donc, j’ai plus de chances de le rencontrer ou d’entendre parler de lui dans la p`egre que n’importe o`u ailleurs. Pourtant, Winie, cette petite femme dont j’ai fait la connaissance ce matin, m’a dit qu’il avait 'et'e recu en qualit'e de journaliste par un certain Hans Elders. Cela m’a tout de suite donn'e `a penser, d’ailleurs, que ce Hans Elders pourrait bien ^etre une crapule. Tel que je connais Fandor, s’il a 'et'e chez quelqu’un en visite, c’est que ce quelqu’un 'etait int'eressant `a visiter. Donc si ce soir, en visitant la p`egre, je ne d'ecouvre rien relativement `a Fandor, je m’occuperai d’'epier un peu ce qui se passe chez ce Hans Elders que je n’aurai pas de peine `a retrouver, puisque Winie m’a dit que c’'etait son p`ere et que je sais l’adresse de Winie. Par exemple, je ne commettrai pas la gaffe d’aller directement m’informer de Fandor en le demandant `a Hans Elders.
D'ecid'e `a commencer son enqu^ete, ses recherches de Fandor, par un tour dans la p`egre, Juve s’y pr'eparait en se rendant chez un brocanteur qu’il d'ecouvrait dans une rue avoisinant le port et o`u il avait facilement 'echang'e ses habits contre des v^etements moins susceptibles d’attirer l’attention `a Durban.
Puis, une fois costum'e, se rendant m'econnaissable par un camouflage h^atif qu’il r'eussissait parfaitement, bien que n’ayant `a sa disposition que des moyens de fortune, Juve se promenait dans la ville, sans but bien pr'ecis, tout simplement pour prendre connaissance des principales dispositions topographiques de Durban, se rendre compte de l’allure qu’avaient les gens et cela, ainsi qu’il se l’'etait dit lui-m^eme, pour ne point faire de fausses notes, ne point g^acher le r^ole qu’il s’appr^etait `a interpr'eter, d`es le soir m^eme, dans les bars fr'equent'es par la population composite et bizarre de Durban.
C’'etait au hasard de ces promenades, que Juve, de son oeil percant, apercevait avec une surprise satisfaite une de ses anciennes connaissances, Ribonneau, Ribonnard, qu’il avait maintes fois pist'e jadis `a la Chapelle, du temps qu’il s’occupait de la Bande des Chiffres.
Que faisait-il en pareil lieu ?
Comment un ancien apache parisien avait-il pu venir 'echouer `a Durban ?
Comment cet individu qui, plus ou moins consciemment, mais `a coup s^ur, certainement, avait aid'e aux entreprises de Fant^omas, 'etait-il l`a et qu’y faisait-il au juste ?