Чтение онлайн

ЖАНРЫ

La fille de Fant?mas (Дочь Фантомаса)
Шрифт:

Ribonnard, en entrant dans la fumerie, avait jet'e quelque argent `a la tenanci`ere. Celle-ci d'ep^echa vers les deux hommes ses meilleurs serviteurs.

Une jeune femme, une Chinoise, s’approcha de Juve et lui proposa :

— Veux-tu que je fasse tes pipes, seigneur, ou les fais-tu toi-m^eme ?

Juve, qui, de moins en moins, d'esirait fumer r'epondit, affectant l’impassibilit'e, la nonchalance du fumeur habituel :

— Laisse, je les ferai moi-m^eme.

La Chinoise s’'ecarta.

Alors, toujours d'esireux de ne point se faire remarquer, Juve, surveillant, sans en avoir l’air les gestes de Ribonnard, qui lui aussi, avait 'ecart'e la Chinoise, se livra `a une 'etrange manoeuvre.

D’une aiguille fine, il piqua dans le flacon d’opium qui se trouvait pr`es de lui, un peu de la p^ate molle et odorante qu’est le terrible poison.

Il approcha de la flamme la boulette ainsi form'ee, la tourna, la retourna, la grilla soigneusement, puis d’un geste que n’e^ut pas d'esavou'e un fumeur professionnel, il l’enfonca dans la courte pipette qui sert `a la fumerie proprement dite.

Juve n’avait plus qu’`a aspirer la boulette encore incandescente.

Mais fumer 'etait d’autant moins la pr'eoccupation de Juve, qu’au moment pr'ecis o`u il grillait sa premi`ere boulette d’opium, il avait entendu dans le couloir conduisant `a la salle, une phrase qui l’avait fait tressaillir :

— Oui, avait affirm'e une voix jeune et bien timbr'ee, oui, c’est moi Teddy, et je viens fumer, madame, parce que j’ai du chagrin aujourd’hui.

Teddy.

Ce nom de Teddy, mais Juve l’avait entendu prononcer plusieurs fois, alors qu’on lui parlait de Hans Elders, alors qu’on lui parlait de Fandor.

Un 'etranger, un jeune homme, habill'e en cavalier, se glissa `a ce moment dans la fumerie, vint s’'etendre sur le lit de coussins qui se trouvait `a droite de Juve…

Juve se sentit terriblement anxieux.

'Etait-ce ce Teddy ?

Non, il y avait bien peu de chances, apr`es tout, que ce f^ut pr'ecis'ement ce personnage que le hasard lui f^it rencontrer.

En tout cas, Juve prenait une d'ecision. Non seulement il ne fumerait pas, mais il ferait attention `a r'esister `a l’engourdissement tout sp'ecial qu’il ressentait depuis son entr'ee dans la fumerie.

Juve, savait, en effet, qu’au cours de ses r^eves fous, le fumeur d’opium parle souvent tout haut.

Si par hasard ce Teddy 'etait le Teddy dont on lui avait rapport'e certaines aventures, n’avait-il pas une chance extraordinaire d’^etre pr'ecis'ement son voisin dans cette fumerie ? Ne devait-il pas guetter ses paroles ?

Juve, surveilla d’abord le man`ege du jeune homme qui, par quatre fois, huma la grisante fum'ee de sa pipette.

Il vit alors le fumeur se renverser sur ses coussins, face livide, air hagard, yeux r'evuls'es…

`A coup s^ur, le r^eve du jeune homme commencait.

Juve, d`es lors, tenant pour certain que son voisin ne pouvait plus remarquer l’insistance avec laquelle il le regardait, prenait moins de pr'ecautions. Il se retourna sur son lit pour ^etre orient'e de son c^ot'e.

Entre lui et le jeune homme, une seule barri`ere subsistait, peu g^enante, le plateau sur lequel se trouvaient dispos'es les accessoires de la fumerie de Teddy et un grand vase de fleurs de cristal, que Teddy avait regard'e, fixement, de ses yeux dilat'es avant de se renverser en arri`ere pour s’abandonner aux hallucinations de l’opium.

Or Juve regardait depuis quelques instants Teddy, lorsque soudain il sentit une sueur froide lui perler aux tempes. Juve 'etait haletant, Juve 'etait livide. Juve 'etait au comble de l’'emotion.

Aussi bien ce qu’il voyait 'etait affolant, ahurissant, effroyable.

Oui, ce que Juve voyait, au travers du vase de fleurs, pos'e entre ce vase de fleurs et Teddy, c’'etait… oh ! il ne pouvait pas en douter, c’'etait une t^ete de mort, c’'etait un cr^ane, un cr^ane dont il distinguait les moindres d'etails.

Et Juve, qui depuis le matin m^eme entendait parler continuellement de t^ete de mort, qui savait qu’une t^ete de mort avait une grande importance dans les dangers o`u se d'ebattait actuellement J'er^ome Fandor, Juve qui savait que son voisin s’appelait Teddy et qui n’ignorait pas qu’un Teddy connaissait Fandor, Juve, `a la vue de ce cr^ane, pensait mourir de surprise.

Le policier qui, malgr'e lui, se sentait de plus en plus 'etourdi par la lourde atmosph`ere de la fumerie, par les relents d’opium qu’il respirait, fit effort sur lui-m^eme :

Ce cr^ane qu’il voyait `a travers ce vase, il voulait le voir de plus pr`es. Il voulait ^etre certain qu’il le voyait.

Tous les fumeurs 'etaient plong'es dans une extase b'eate. Nul ne remarquait ses gestes.

Juve se dressa, s’assit sur son s'eant, se pencha pardessus le vase pour apercevoir le cr^ane.

D’un geste machinal, Juve, alors, se prit le front `a deux mains :

— Voyons, voyons, se disait-il, est-ce que je suis ivre ? est-ce que rien que cette odeur d’opium m’a gris'e compl`etement ? j’avais bien cru voir un cr^ane, je me suis tromp'e ?

Juve se recoucha…

Mais comme il avait repris sa premi`ere position, voil`a qu’`a nouveau, au travers du vase de fleurs, il apercevait la lugubre t^ete de mort.

Juve, cette fois, d’un seul bond se redressa.

Non, il n’'etait pas victime d’une hallucination, il voyait clair, il y avait un cr^ane, l`a, que diantre.

Pench'e par-dessus le vase, Juve `a nouveau dut se convaincre de la r'ealit'e des choses : il n’y avait pas de cr^ane.

Le policier v'ecut alors une minute d’indescriptible stupeur. Il voyait quelque chose qui n’'etait pas, qui n’existait pas et il en avait conscience.

— 'Etait-ce donc l`a, se demandait-il encore une fois, l’effet de l’opium ?

Mais le r^eveur qui s’abandonne `a l’opium ne raisonne pas, et Juve raisonnait.

Soudain le policier sursauta.

Brutale, nette, violente, une d'etonation venait de retentir, un coup de canon.

Alors, dans l’'etat d’'enervement o`u il 'etait, Juve perdit son c'el`ebre sang-froid.

Tandis que les autres fumeurs demeuraient impassibles, indiff'erents aux d'etonations qui se succ'edaient, Juve, lui, se leva, courut `a la porte, quitta la fumerie, se retrouva dans la rue et, avec des gestes de fou, il se pr'ecipita vers le port d’o`u semblait provenir le bruit.

Поделиться с друзьями: