Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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Il apercut comme ses 'el`eves, `a travers les vitres, le magnifique panorama qui se d'eroulait.
Le soleil s’'etait encore enfonc'e au ras de l’horizon lointain et depuis quelques minutes ses rayons cessaient d’'eclairer le sommet du Casque-de-N'eron.
Le ma^itre eut beau regarder longtemps, rien d’anormal ne lui apparaissait au faite de la montagne. Celle-ci 'etait, comme `a son ordinaire, couverte de neige, ses pics abrupts se h'erissaient de glaces miroitantes qui se d'etachaient en blanc sur un beau ciel de printemps uniform'ement bleu.
— Ah ca, voyons, mes enfants ! fit-il en grossissant sa voix. Je ne sais pas ce que vous avez aujourd’hui, vous ^etes d’un dissip'e ! Demain, il s’agira de se tenir plus tranquille…
Puis, attirant `a lui le petit Louis F'erot, l’instituteur l’interrogea :
— Qu’avez-vous donc vu ? Que s’est-il pass'e ?
L’enfant 'etait tout p^ale, l’instituteur le remarqua. Au surplus, le petit Louis r'epondit :
— On a vu quelque chose d’extraordinaire, monsieur ; il y avait un bonhomme dans la montagne !
— Un bonhomme ? fit le ma^itre qui ne comprenait pas.
Michel venait `a la rescousse de son camarade :
— Oui, m’sieu. C’est moi qui l’ai vu le premier, c’est un grand bonhomme… il 'etait couch'e sur la neige… il 'etait presque aussi grand qu’une statue…
Le ma^itre, de plus en plus sceptique, s’appr^etait `a faire des reproches `a Michel.
Il connaissait le gamin pour ^etre quelque peu h^ableur. Il l’admonestait fr'equemment `a ce sujet, mais il recommencait chaque fois que l’occasion se pr'esentait.
— Michel, quand donc perdrez-vous l’habitude d’inventer des histoires fausses pour dissiper la classe ? La prochaine fois que cela vous arrivera, je vous punirai s'ev`erement. En attendant…
Il allait prof'erer une punition, mais le petit Louis F'erot s’approcha de lui, et, le tirant par la manche, annonca timidement, rougissant encore jusqu’aux oreilles :
— Michel n’a pas menti, m’sieu. Moi aussi j’ai vu le g'eant sur le Casque-de-N'eron… Il 'etait aussi haut que la maison d’'ecole, et il avait des bras `a n’en plus finir…
Une rumeur de surprise gronda dans l’assistance et les petits 'el`eves de la classe, apr`es un instant de silence, d'eli`erent leurs langues et commenc`erent `a se disputer sur le cas extraordinaire que signalaient les deux enfants.
— Moi, j’ai rien vu, prof'era un gros gamin aux joues boursoufl'ees, qui s’appelait Dominique.
C’'etait un enfant de la montagne, pr'ecis'ement du Casque-de-N'eron, o`u ses parents, pendant longtemps, avaient 'et'e employ'es dans une scierie m'ecanique.
Un autre, cependant, protestait :
— Moi, j’ai pas vu sa t^ete, mais j’ai vu ses pieds. M^eme qu’il n’avait qu’un soulier !…
Cette d'eclaration d'eterminait des 'eclats de rire dans toute la classe.
C’'etait vraiment comique, cette id'ee d’un g'eant apercu dans la montagne et qui n’avait qu’un soulier !…
Le ma^itre fronca les sourcils, ordonna le silence.
Puis il questionna en fixant dans les yeux le petit Louis F'erot et Michel. L’heure de la fin de la classe avait d'ej`a sonn'e, mais aucun des enfants ne songeait `a quitter la salle, car d'esormais on s’y amusait.
Il se passait quelque chose d’extraordinaire et chacun voulait savoir comment l’aventure se terminerait.
Il semblait que deux camps s’'etaient form'es et que, si certains des enfants n’avaient absolument rien vu d’anormal par la fen^etre donnant sur le Casque-de-N'eron, d’autres avaient 'et'e frapp'es par une vision inattendue et certainement avaient apercu quelque chose qu’on ne voyait point d’ordinaire.
Bien entendu, depuis de longues minutes d'ej`a, l’instituteur, dont la curiosit'e 'etait malgr'e lui surexcit'ee, regardait par la fen^etre et scrutait de son regard le sommet du Casque-de-N'eron.
Mais c’'etait en vain qu’il observait les neiges et les glaces, elles ne r'ev'elaient rien d’anormal, et plus il y r'efl'echissait, plus l’instituteur acqu'erait la conviction que les enfants s’'etaient moqu'es de lui en inventant l’histoire du g'eant.
— De la part de Michel, cela ne m’'etonne pas ! pensait-il, mais que Louis F'erot se soit pr^et'e `a mentir 'egalement, voil`a qui me surprend !
L’instituteur se rapprocha de Louis F'erot.
— Dis-moi bien l`a v'erit'e, fit-il. Qu’est-ce que tu as vu dans la montagne ?
L’enfant h'esita une seconde, puis, affermissant sa voix, il d'eclara :
— J’ai vu un g'eant.
— Que faisait-il, ce g'eant ?
— Il 'etait couch'e.
— O`u cela ?
— Sur la neige. Il ne bougeait pas, il semblait dormir…
Le ma^itre, 'etonn'e de plus en plus, prit l’enfant par la main et l’approcha de la fen^etre :
— Regarde encore s’il y est !
Apr`es quelques instants, Louis F'erot secoua la t^ete :
— Il est parti, je ne le vois plus.
— Allons ! s’emporta l’instituteur, avoue donc que tu n’as rien vu et que c’est pour dissiper la classe que tu as racont'e cette histoire-l`a, d’accord avec Michel !
Michel, qui s’'etait hiss'e `a nouveau sur l’appui de la fen^etre, sauta au milieu de la salle, bouscula deux chaises, renversa un pupitre, puis vint se placer effront'ement sous le nez du ma^itre. Il leva la main en un geste de protestation.
— Moi, je vous jure, m’sieu, que c’est pas des menteries. On a vu tous les deux le g'eant, couch'e dans la neige, au haut de la montagne, m^eme qu’il avait les yeux ouverts et qu’il ouvrait une grande bouche de laquelle sortaient des b^etes f'eroces…
Mais cette description, loin de provoquer l’'epouvante, d'eterminait les rires de tous les auditeurs.
Et cette fois, le professeur se d'ecida `a se f^acher.
— Quels sont ceux, demanda-t-il s'ev`erement, qui ont vu le g'eant ? Faites bien attention `a ne pas mentir et r'epondez la v'erit'e. Voyons, je vous 'ecoute, que ceux qui l’ont vu l`event la main !
Deux mains se lev`erent d’abord, puis une troisi`eme qui s’abaissait aussit^ot : 'evidemment, le propri'etaire de cette main n’'etait pas bien s^ur qu’il l’avait vu.