Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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Fandor n’h'esitait pas une seconde ; il se pr'ecipitait sur cette robe, il la rev^etait dans l’espace d’un instant. Une bavette se trouvait `a proximit'e, Fandor la prit, la noua autour de son cou.
— Avec ca, songeait-il, s’ils me reconnaissent, je veux bien ^etre br^ul'e vif !
Le journaliste, d’ailleurs, ne s’attardait point dans ce vestiaire. Il ouvrait une porte, suivait encore une large galerie, puis d'esormais se trouvait dans la grande nef de la cath'edrale o`u r'egnait un silence religieusement recueilli.
Quelques d'evotes 'etaient assises, qui ne jet`erent m^eme pas un coup d’oeil furtif sur Fandor, qui se dirigea en h'esitant vers l’entr'ee de l’'eglise.
Mais, `a ce moment, quelques personnes s’y introduisaient, qui se heurt`erent au journaliste.
Quelqu’un, un des passants qui avait poursuivi Fandor, courut `a lui.
— Ca y est, pensa le journaliste, je suis fichu, ils me reconnaissent…
Mais Fandor se trompait.
— Pardon, monsieur, de vous d'eranger, articula le passant, qui haletait encore tant sa course avait 'et'e rapide. Nous sommes `a la poursuite d’un malfaiteur, car assur'ement on ne s’'echappe pas de la morgue en calecon sans ^etre un malfaiteur ! Nous avons la certitude que cet homme est entr'e dans l’'eglise par la petite porte qui est `a l’autre extr'emit'e… Pourriez-vous nous aider `a le poursuivre, `a le rattraper ?
Fandor r'eprimait, malgr'e les tragiques aventures qu’il venait de vivre, une violente envie de rire.
— Ah ! par exemple ! pensa-t-il, voil`a qui est plus fort que tout ! Ah les braves gens !… Ils me demandent de les aider `a courir apr`es moi-m^eme !… Attendez donc un peu…
Fandor affectait un air terrifi'e.
— Un malfaiteur `a Notre-Dame ! s’'ecria-t-il en joignant les mains dans une pose onctueuse et bien eccl'esiastique, ca n’est pas possible !
Il faisait mine de s’affoler.
— Je ne suis qu’un pauvre bedeau, murmura-t-il, mais adressez-vous donc `a M. le cur'e. Qu’on pr'evienne la gardienne de chaises !
Fandor, d’un geste de la main, indiquait `a ses interlocuteurs l’autre c^ot'e de l’'eglise.
— Allez par l`a, allez vite ! leur disait-il. Quant `a moi, je vais par ici, pour faire le n'ecessaire…
La foule ob'eissait `a Fandor et quelques secondes apr`es, celui-ci, qui avait d'efinitivement d'epist'e ses poursuivants, sortait de l’'eglise et se trouvait sur le parvis Notre-Dame.
Ouf ! pensa Fandor, me voil`a tir'e d’affaire.
Un taxi automobile passait, le journaliste lui fit signe. Il y montait en h^ate.
— Conduisez-moi, dit-il…
Mais Fandor, soudain, s’apercevait qu’il n’avait pas d’argent.
— Bougre de bougre, fit-il, comment m’arranger ?
Il descendait du taxi, non sans essuyer de terribles injures que lui d'ecochait le chauffeur, puis il se mit `a longer l’H^otel-Dieu, `a gagner le pont d’Arcole, le pas press'e.
Dans la poche de la robe qu’il portait Fandor avait trouv'e une petite calotte de velours.
— C’est de la chance ! pensa-t-il.
Mais il 'etait bien encore plus heureux de voir que la poche contenait encore un porte-monnaie dont il inventoria le contenu.
— Cent cinquante francs ! s’'ecria Fandor… Sauv'e cette fois ! J’ai de quoi partir pour Grenoble, et je ne vais pas manquer d’aller raconter `a Juve la derni`ere aventure survenue `a Fandor…
Devant la morgue, cependant quelqu’un p'erorait, faisant force geste au milieu d’un groupe qu’il amusait par ses fac'eties. C’'etait Bouzille, qui, tout gonfl'e d’importance, racontait `a la foule abasourdie :
— Le journaliste J'er^ome Fandor vient de manquer d’une seconde l’arrestation de Fant^omas !
Chapitre XX
Aux 'ecoutes !
Le secr'etaire g'en'eral de la pr'efecture de Grenoble causait avec le commissaire de police :
— Vraiment ! lui disait ce dernier, ces inspecteurs de Paris, surtout lorsque ce sont des personnages comme M. Juve, ont des facons d’^etre un peu originales, m^eme un peu extraordinaires !
Le secr'etaire g'en'eral approuvait, le commissaire de police continuait :
— Apr`es la d'ecouverte sensationnelle qu’il avait faite du cadavre de ce malheureux Daniel dans la montagne au-dessus de Grenoble, M. Juve nous avait formellement annonc'e son d'epart pour Paris tout en nous recommandant de bien cacher son identit'e.
» Or, voici qu’au lieu de partir et de s’'elancer `a la poursuite de Fant^omas, comme il semblait en avoir l’intention, M. Juve fait volte-face, et reste ici, parmi nous. Mais toujours avec le d'esir de n’^etre connu de personne !
— Pardon, interrompit le secr'etaire g'en'eral, je vous arr^ete, monsieur le commissaire de police… si toutefois je puis m’exprimer ainsi. M. Juve est en effet rest'e `a Grenoble, mais il ne se cache pas, bien au contraire. Il a fait dire par les journalistes qui l’ont interview'e, et ceux qui l’ont interview'e en tant que Juve, qu’il habitait au Modem H^otel.
— Tout cela, conclut le commissaire de police, est fort 'etrange, et je suis tr`es heureux de n’^etre point m^el'e `a cette affaire.
Le magistrat prenait un air pinc'e pour faire cette d'eclaration. En r'ealit'e, peut-^etre 'etait-il un peu vex'e que Juve n’ait point sollicit'e son pr'ecieux concours dans la continuation des enqu^etes qu’assur'ement poursuivait le c'el`ebre inspecteur.
Mais que s’'etait-il pass'e, et pourquoi Juve, s’il avait annonc'e son d'epart pour Paris, 'etait-il rest'e `a Grenoble ? Pourquoi Juve, d'esireux de passer incognito d'esormais, faisait-il savoir qu’il 'etait install'e au Modem H^otel ?
Les circonstances, les 'ev'enements qui surviennent modifient souvent les d'ecisions, et c’est pour cela que Juve paraissait avoir brusquement chang'e d’opinion.
Lorsqu’il 'etait revenu des cimes neigeuses et glac'ees du Casque-de-N'eron, il y avait de cela deux jours, rapportant le cadavre de Daniel, Juve, saisi d’une horrible crainte, avait t'el'egraphi'e au directeur de la morgue `a Paris, pour s’assurer qu’il n’y avait plus de cadavre dans le sinistre 'etablissement, r'epondant au signalement de Daniel.