Чтение онлайн

ЖАНРЫ

Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
Шрифт:

Soudain, la curiosit'e de Juve se transforma en une profonde stup'efaction.

Nettement, distinctement, le tuyau acoustique, si pr'ecieux dans la circonstance, lui apportait jusqu’`a l’oreille un mot, un nom que venait d’articuler le professeur Marcus.

Celui-ci, lentement, avait dit ce simple nom :

— Alice !…

Or, il semblait que ce gracieux pr'enom devait avoir une extr^eme importance, une extraordinaire signification.

En effet, `a peine Marcus avait-il dit : « Alice », que M me Verdon r'etorquait d’une voix 'etrangl'ee :

— Mon Dieu ! mon Dieu ! Que venez-vous de dire ? Pourquoi prononcez-vous ce mot ? Que signifie, monsieur ?…

Mais le professeur Marcus, d’une voix insinuante et douce, continuait, pour la plus grande satisfaction de Juve, qui ne perdait pas un mot de ces paroles :

— Madame, disait-il, je vous ai peut-^etre tromp'e tout `a l’heure, en vous disant que j’'etais all'e dans la montagne, tandis qu’en r'ealit'e je me trouvais `a Paris. J’ai d^u faire ce voyage uniquement pour des motifs graves que vous conna^itrez bient^ot. Je tenais `a vous le cacher, pour des motifs graves 'egalement, car il est des 'emotions que je dois vous 'epargner !

— Monsieur !… Monsieur ! interrompait la vieille dame, au nom du ciel, dites-le moi ! Pourquoi donc avez-vous dit ce nom :

« Alice » ?

Mais, d`es lors, d’une voix vibrante, le professeur Marcus r'etorquait :

— Parce que c’est votre nom, madame ! Parce que vous ^etes Alice, parce c’est toi, que je te reconnais ! Parce que quinze ann'ees pass'ees dans la s'eparation la plus cruelle et dans l’ignorance l’un de l’autre n’ont pas suffi `a me faire oublier ta personne ador'ee et ch'erie, la femme que j’aimais le plus au monde !

Et c’'etait alors madame Verdon qui poussait ce cri :

— 'Etienne Rambert !

D`es lors, les propos 'echang'es par les deux ^etres qui s’entretenaient, se croyant sans t'emoin, au premier 'etage de la maison myst'erieuse, parvenaient entrecoup'es, hach'es, aux oreilles de Juve.

En d'epit de l’incommodit'e de la position dans laquelle il se trouvait, Juve demeurait immobile, l’oreille coll'ee au tuyau acoustique.

Il apprenait des choses ph'enom'enales ; le hasard venait de le mettre sur une piste v'eritablement insoupconn'ee !

— Il y a quinze ans !… Oui, quinze ans d'ej`a !… Dieu que le temps passe vite, et que pourtant les heures sont longues `a qui veut les compter !

C’'etait M me Verdon qui s’exprimait ainsi. Elle continuait d’une voix lente et douce, scandant les mots, cherchant ses phrases qui semblaient se forger avec peine dans son cerveau :

— Il y a quinze ans !… Oui… faisait-elle, j’'etais encore jeune alors, j’'etais la femme la plus heureuse du monde, et aim'ee d’'Etienne Rambert mon mari, m`ere d’un petit garcon qui d'ej`a devenait un jeune homme, de Charles Rambert…

» Puis, au cours d’un voyage que faisait mon 'epoux dans les colonies, o`u il avait de gros int'er^ets, j’apprenais tout d’un coup que les malheurs les plus effrayants s’'etaient abattus sur ma t^ete.

» Mon mari ne donnait plus signe de vie, il ne r'epondait plus `a mes lettres, `a mes d'ep^eches ; puis un jour, oh ! ce jour fatal que je n’oublierai jamais, quelqu’un, un imposteur, se pr'esentait devant moi et me disait :

» — Madame, `a dater de ce jour, 'Etienne Rambert c’est moi !

» — C’est vous ? m’'ecriai-je, vous ^etes fou, vous ^etes un mis'erable !

» L’homme restait, s’imposait, l’homme 'etait un monstre, qui, apr`es s’^etre empar'e de mon mari, l’avoir fait dispara^itre, prenait sa personnalit'e, sa place, jusque dans le coin le plus intime de son foyer. Oui, cet homme voulait me persuader, `a moi, `a moi-m^eme, qu’il 'etait mon 'epoux, que j’'etais sa femme, qu’il 'etait le p`ere de mon enfant !

» J’ai protest'e, je me suis plainte ; puis, peu `a peu terroris'ee par la menace perp'etuelle de cet homme, j’ai voulu, au lieu de me r'evolter, essayer de ruser avec lui.

» J’ai feint d’admettre la fable ridicule qu’il avait imagin'ee, et j’ai jou'e la plus atroce com'edie qu’il soit possible `a une honn^ete femme de jouer…

» Tout cela, c’'etait pour mon enfant, pour Charles Rambert, et je me disais qu’un jour on parviendrait `a d'emasquer cet imposteur, `a le confondre aux yeux de tous !

» J’avais toutefois, par moments, des r'evoltes terribles, et d`es lors, exasp'er'ee, je lui criais ma haine, en m^eme temps que je clamais mon d'esespoir.

» Alors, monsieur, alors mon ami, il s’est pass'e quelque chose de plus affreux que tout ! Ce mis'erable, voyant qu’il ne parviendrait jamais `a faire de moi la complice de son 'epouvantable subterfuge, et redoutant que la v'erit'e ne parv^int `a se faire jour, me faisait enfermer dans une maison de sant'e, d'eclarant que j’'etais folle, et pr'etendant que ma folie consistait `a ne pas vouloir reconna^itre mon mari !

» Et je suis rest'ee dix ans… oui, dix ans au cabanon ! et cent fois pour une, ma raison a failli sombrer, dans la promiscuit'e des fous !

De grosses gouttes de sueur perlaient au front de Juve, cependant qu’il entendait ce r'ecit.

Ce que disait cette myst'erieuse M me Verdon, qui venait de reconna^itre qu’elle s’appelait en r'ealit'e Alice Rambert, n’'etait pas inconnu du policier.

Il y avait longtemps, quinze ans, que Juve avait 'et'e mis au courant d’une semblable histoire ?

Certes, il n’avait jamais entendu parler de cette M me Rambert, mais il avait connu, fort bien connu, l’enfant dont elle d'eplorait la perte.

Or, cet enfant, Charles Rambert, il vivait, il vivait toujours.

Juve le savait mieux que personne, Juve l’avait adopt'e, fait sien, il 'etait devenu le compagnon de lutte de l’inspecteur, il avait avec lui v'ecu son existence aventureuse ; cet enfant, ce Charles Rambert, c’'etait J'er^ome Fandor !…

Ainsi donc, M me Verdon se trouvait ^etre la m`ere de Fandor, mais Juve 'etait si abasourdi, si stup'efait de ce qu’il apprenait qu’`a deux ou trois reprises, haletant d’'emotion, il poussait des cris inarticul'es !

Поделиться с друзьями: