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ЖАНРЫ

Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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Juve se demandait quel pouvait bien ^etre le motif de cette attention subite qui se portait dans une direction d'etermin'ee.

Il 'ecoutait les conversations, il entendait s’'echanger certains propos bizarres :

— Je crois que je vais avoir bien peur ! articulait une jeune fille qui pincait jusqu’au sang le bras de son voisin, un jeune homme, son amoureux probablement.

Un vieux paysan, au chef branlant, secouait la t^ete et souriait de l’air d'esabus'e et ironique des gens qui ont vu bien des choses.

Il 'etait `a c^ot'e de Juve, et famili`erement, le prit `a t'emoin :

— Croyez-vous, tout de m^eme, que cette jeunesse est na"ive ! Parce que le bruit en a couru hier dans les cabarets, ils s’imaginent qu’ils vont le voir, comme ca, `a l’heure dite, comme s’il avait d’ailleurs exist'e !

— 'Evidemment ! fit Juve, qui voulait avoir l’air de comprendre et qui ne comprenait pas…

L’employ'e du train allait donner le signal du d'epart, mais il se heurta `a une protestation indign'ee de tous les voyageurs.

— Attendez donc cinq minutes ! lui criait-on. Voil`a le soleil qui baisse… il est tout pr`es du pic le plus 'elev'e, et nous n’allons pas tarder `a le voir…

Et c’'etait alors des petits cris de femmes apeur'ees, des ricanements b^etes de gens qui ont un peu peur, des chuchotements de tous c^ot'es…

— Le voil`a ! le voil`a ! criait-on.

Et tous les regards se portaient dans la direction du sommet d’une montagne que Juve savait ^etre le Casque-de-N'eron.

Le conducteur du train n’avait pas donn'e le signal du d'epart, et il 'etait lui-m^eme, oubliant son r^ole officiel, parmi les plus excit'es `a l’id'ee de ce que l’on allait voir.

Or, les voyageurs s’'etaient 'evidemment tromp'es, car il y eut un murmure de d'esappointement qui succ'eda aux cris d’all'egresse ; on ne voyait rien, absolument rien d’anormal, sur la montagne aux cimes couronn'ees de neige, et que dorait un soleil couchant dans le faisceau lumineux de ces derniers rayons du soir.

Juve, comme les autres, regardait, et il n’osait, de peur de se faire remarquer, demander ce que l’on attendait, ce que l’on esp'erait voir.

Il allait cependant poser la question `a son voisin, le vieux paysan au chef branlant, lorsqu’une clameur immense s’'eleva de la foule des voyageurs du train-tramway :

— Le voil`a ! le voil`a !

— Cette fois il n’y a pas de doute… regardez donc comme il est grand !

— Bien s^ur, puisque c’est un g'eant…

— Comme il a l’air m'echant !

— Vous ne pouvez pas savoir, on ne voit pas sa figure…

— Et ses pieds !… Sont-y gros !… Voyez sa chaussure ; on dirait une charrette `a foin !

Cette fois, Juve, dont le regard avait suivi les regards de la foule et dont les oreilles entendaient ce qui se disait autour de lui, devint p^ale, tr`es p^ale.

Certes, il 'etait `a cent lieues de s’attendre au spectacle qu’il voyait d'esormais, spectacle assur'ement nouveau pour lui, mais qui semblait ^etre familier aux habitants de la r'egion.

Le policier, en effet, venait de voir peu `a peu se r'ev'eler la silhouette fantastique et gigantesque d’un homme aux dimensions monstrueuses, qui semblait dormir ou alors s’^etre fig'e dans le sommeil rigide de la mort, au sommet de la montagne, homme immense et gigantesque, homme qu’au premier abord on pouvait estimer long de vingt m`etres et large en proportion.

Cela, c’'etait inadmissible. Et si les populations na"ives par plaisanterie ou ignorance croyaient `a un g'eant, Juve imm'ediatement se d'eclarait `a lui-m^eme que cela ne se pouvait pas, qu’il y avait l`a simplement un myst`ere dont il ne saisissait pas nettement le secret.

Mais ce n’'etait pas cela qui avait rendu Juve si p^ale, ce n’'etait pas cela qui d'eterminait chez lui soudain une sorte de tremblement nerveux.

Le policier, comme tout le monde, apercevait pendant quelques secondes, juste le temps pendant lequel le rayon de soleil couchant l’'eclairait, le visage gigantesque du soi-disant dormeur de la montagne.

Or, le policier n’avait pu faire cette constatation sans une violente 'emotion.

Il lui semblait, en effet, qu’il connaissait les traits de ce visage, et qu’il s’agissait l`a d’un visage qui lui 'etait bien familier, du visage d’un homme qu’il avait longuement contempl'e depuis quelques jours, d’un visage auquel la mort avait donn'e une effrayante rigidit'e…

Qu’est-ce que tout cela signifiait ?

Que pouvait-il bien s’^etre pass'e ?

C’'etait le lendemain, il pouvait ^etre une heure de l’apr`es-midi, et, tandis que dans Grenoble les uns allaient et venaient anim'es, actifs, joyeux, sur le flanc escarp'e du Casque-de-N'eron, deux hommes qui 'etaient reli'es l’un `a l’autre par une corde grimpaient p'eniblement.

Ils 'etaient en route depuis l’aube, et s’ils avaient fait peu de chemin, ils n’en 'etaient pas moins d'ej`a fatigu'es. L’un d’eux, un homme au visage ras'e, `a la carrure robuste, lorsqu’il fut parvenu `a un petit cirque creus'e dans une anfractuosit'e de roche, se laissa choir sur un bloc de pierre, et souffla bruyamment.

Son compagnon, un gaillard au teint basan'e, aux allures de paysan, venait s’asseoir `a c^ot'e de lui. Il d'efit d’un geste las le sac qu’il portait sur les 'epaules et le posa `a terre.

Puis ayant consid'er'e en silence son compagnon qui demeurait taciturne et absorb'e, il se d'ecida cependant `a lui adresser la parole :

— Alors, comme ca, monsieur Robert, c’est pour votre plaisir que vous faites des ascensions ?

— Pour mon plaisir uniquement, r'epliqua l’homme auquel s’adressait cette question.

— Ah tr`es bien ! poursuivit le campagnard qui, en raison de son accoutrement, avait l’air d’un guide de montagne.

C’en 'etait un, en effet. Celui-ci reprit :

— Et monsieur a l’habitude de visiter comme ca les beaux paysages ?

— Oui, mon ami, oui !

Le guide h'esitait encore `a parler, il s’y d'ecida n'eanmoins :

— Il y a dans la r'egion de plus jolies montagnes que celles-ci, et plus faciles `a escalader. Je ne comprends pas que monsieur ait voulu faire le Casque-de-N'eron, du moment qu’il pouvait aller au Grand-Som, `a Beldone, ou partout ailleurs, `a son gr'e.

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