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ЖАНРЫ

Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
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— D'ebrouillez-vous, Croupan, allez vous entendre avec M. le greffier en chef, je vous donne une heure pour me les rapporter.

Et le brave homme, se faufilant `a pas rapides et menus dans les couloirs du Palais de Justice, marmottait en levant les bras au ciel :

— Quelle maison, mon Dieu, quelle maison, plus ca va, et plus le Tribunal a l’air d’un asile d’ali'en'es.

Fant^omas, rest'e seul dans son cabinet, regarda fi'evreusement sa montre.

— Trois heures et demie, fit-il, en se mordant la l`evre, et la marquise qui n’est pas encore l`a. Va-t-elle venir ? Hier, d'ej`a, elle devait me rencontrer, puis, c’'etait ce matin, ce matin c’'etait encore remis `a cet apr`es-midi, pourvu que… Mais non, c’est certain. Elle va venir, et elle va venir maintenant, d’une minute `a l’autre.

Fant^omas pr^eta l’oreille.

De tous c^ot'es, on percevait des rumeurs insolites dans le Palais habituellement paisible et silencieux. Et en effet le tribunal tout entier 'etait agit'e, troubl'e. Les coups de th'e^atre se succ'edaient ininterrompus. On avait d’abord eu la veille la surprise d’apprendre que le fameux extrad'e annonc'e de Louvain s’'etait 'evad'e `a la gare de Connerr'e. Puis, ce matin m^eme, une autre nouvelle plus inattendue, plus confondante encore, avait abasourdi la magistrature locale tout enti`ere. On avait inform'e le Parquet que l’extrad'e arrivait par le prochain train, qu’il 'etait bel et bien entre les mains des gendarmes charg'es de le conduire, qu’il avait pass'e la nuit `a la prison du Mans, qu’avant la fin de la journ'ee il arriverait `a Saint-Calais.

D`es lors, Fant^omas avait 'eprouv'e une effroyable inqui'etude. Les 'ev'enements se liguaient contre lui et plus il allait, plus il prolongeait son s'ejour `a Saint-Calais, plus il paraissait enferm'e dans un d'edale qui se compliquait au fur et `a mesure. Ah que ne pouvait-il fuir, dispara^itre en emportant les fortunes que le hasard combin'e avec son adresse lui avait permis de r'eunir autour de lui. Mais qu’il ne pouvait pas encore effectivement tenir entre ses mains.

Certes, Fant^omas avait devant lui, sous les yeux, la petite bo^ite cachet'ee de cire dans laquelle se trouvaient les bijoux d'erob'es par Ribonard au bijoutier Chamb'erieux. Certes, ces bijoux repr'esentaient une fortune. Elle ne suffisait pas `a la cupidit'e de Fant^omas et s’il partait incessamment, comme il l’avait d'ecid'e, il pr'etendait au pr'ealable avoir fait main basse sur l’argent du marquis de Tergall et sur la fortune que sa veuve semblait si dispos'ee `a lui abandonner. Le jeu 'etait dangereux. Fant^omas se rendait compte que le d'esir qu’il avait exprim'e d’avoir imm'ediatement `a sa disposition ce qu’il appelait :

« les pi`eces `a conviction » du proc`es Chamb'erieux-Tergall avait 'etonn'e le commis-greffier. Le soupconnait-on par hasard de quelque chose ? Non, cela n’'etait pas possible, rien n’avait encore transpir'e de sa supercherie, mais Fant^omas ne s’illusionnait pas et se rendait fort bien compte que d’un moment `a l’autre il pouvait ^etre d'ecouvert. Lorsqu’il 'etait revenu au Palais, apr`es un rapide d'ejeuner, il avait fait une rencontre qui l’'emouvait au plus haut point. Deux hommes 'etaient dissimul'es dans un couloir obscur, peut-^etre n’avaient-ils pas vu le faux Pradier, mais celui-ci les avait apercus dans la p'enombre et les avait reconnus. Or, ces deux hommes n’'etaient autres que L'eon et Michel. Que faisaient-ils l`a, les inspecteurs de la S^uret'e, qui n’'etaient plus d'eguis'es en gendarmes comme la veille ?

Un instant Fant^omas bl^emit. La question se posait nette `a son esprit :

— Si je suis `a l’heure actuelle d'emasqu'e, d'ecouvert, dois-je me consid'erer comme pris ?

Le formidable bandit jetait un regard circulaire autour du cabinet paisible et tranquille dans lequel, depuis quelques semaines, il avait v'ecu une si extraordinaire existence. Les murs en 'etaient robustes et 'epais, l’unique fen^etre donnait sur une cour int'erieure. Fant^omas machinalement s’en approcha.

— Il y a deux 'etages, remarqua-t-il, avant d’arriver au sol, et ce sol c’est celui d’une cour, d’une cour ferm'ee de tous c^ot'es. Quant aux toits, ils sont inaccessibles.

Impossible de songer `a s’enfuir par l`a le cas 'ech'eant, au surplus, d’ailleurs…

Fant^omas n’achevait pas de formuler sa pens'ee, mais elle se devinait, car le bandit avait remarqu'e qu’`a l’int'erieur de la cour se trouvaient des hommes, des ouvriers qui, assur'ement, ne manqueraient pas de signaler si quelque chose d’anormal se produisait dans leur voisinage. Mais Fant^omas reprenait courage.

— Non, se dit-il, il n’y a rien `a craindre, j’ai encore devant moi une bonne heure au moins, apr`es quoi, peu m’importe.

Un coup discret fut frapp'e `a la porte du cabinet.

— Entrez, fit Fant^omas.

C’'etait la marquise de Tergall, v^etue de noir, dont le visage fatigu'e par les 'emotions et la p^aleur accroissaient encore la distinction. Ses traits 'etaient presque enti`erement dissimul'es par un long voile de cr^epe.

Fant^omas courut `a elle, les deux mains tendues :

— Ma ch`ere soeur, entrez je vous en prie, asseyez-vous.

Mais la marquise ne r'epondait point `a l’'etreinte cordiale que spontan'ement lui offrait celui qu’elle prenait pour son fr`ere.

— Vous refusez ma main ? interrogea Fant^omas, surpris.

La marquise h'esitait encore un instant, puis, prenant une r'esolution, elle abandonnait ses doigts fr^eles et tremblants `a l’'etreinte du faux magistrat.

— Qu’avez-vous donc ? interrogea celui-ci, vous paraissez m’en vouloir ?

Antoinette de Tergall, apr`es ce premier mouvement d’irr'esolution, s’'etait ressaisie. La jeune femme releva son voile et fixant ses grands yeux sur ceux du bandit, elle r'epliqua :

— Eh bien oui, franchement, je vous en voulais…

— Pourquoi donc, Antoinette ?

— Charles, je m’en vais vous le dire.

« Oh, murmura la marquise d’une voix entrecoup'ee de sanglots contenus, vous m’en voudrez peut-^etre mais il faut que je vous exprime ma pens'ee, toute ma pens'ee. Charles, vous m’avez tromp'ee et je me suis m'eprise sur votre compte.

La marquise, cependant, pr'ecisa :

— Lorsque mon pauvre mari est mort, dit-elle, vous m’avez certes mon cher fr`ere, pr^et'e votre appui, votre concours dans les douloureuses circonstances au milieu desquelles je me trouvais, mais vous m’avez 'egalement irr'em'ediablement bless'ee dans mon amour-propre et dans mon honneur. Vous m’avez soupconn'ee, moi sa femme, moi votre soeur, presque accus'ee d’avoir assassin'e Maxime, mon mari. Et tout d’abord, j’'etais tellement d'esorient'ee, tellement affol'ee, que je n’ai su que vous r'epondre, que je me suis content'ee de g'emir, de pleurer, d’accepter ce que vous me proposiez. J’ai m^eme fait pis, Charles, je vous ai suppli'e de ne point r'ev'eler `a notre entourage nos liens de parent'e, afin que vous puissiez rester le magistrat charg'e d’enqu^eter sur la mort myst'erieuse de mon pauvre mari. Depuis, je me suis ressaisie. Charles, reprenait la marquise, vous m’avez entendue et comprise, n’est-ce pas, je me suis ressaisie, j’ai r'efl'echi et j’ai compris. Il faut que la lumi`ere soit faite sur cette affaire, sur la mort affreuse de mon pauvre Maxime. Je ne veux b'en'eficier ni de votre sympathie blessante, ni de l’obscurit'e, ni du doute. La v'erit'e doit 'eclater, elle 'eclatera. Charles, nous allons dire `a tout le monde qui nous sommes, vous vous dessaisirez de l’instruction, on nommera un autre juge `a votre place et si celui-l`a croit bon de m’interroger sur la mort de mon mari, je serai heureuse de lui r'epondre.

Fant^omas essaya de protester :

— Antoinette, vous n’y pensez pas. Songez au scandale, songez…

— Non, fit-elle, n’insistez pas. Ma d'ecision est irr'evocable.

— Eh bien, dit Fant^omas, il sera fait selon votre volont'e.

La marquise, cependant, avait ouvert son sac `a main, en avait tir'e un gros portefeuille tout bourr'e de titres et de billets de banque dont la seule vue alluma un 'eclair de convoitise dans les yeux de Fant^omas.

— Que signifie cela, ma ch`ere Antoinette ? Quel est cet argent ?

— Le v^otre, d'eclara la marquise. Avant de faire conna^itre au public, au monde, nos relations de parent'e, avant de savoir ce qu’il adviendra de vous et de moi, j’ai tenu `a ce qu’Antoinette se lib'er^at de sa dette envers son fr`ere Charles. Notre m`ere m’a laiss'e un million, dont la moiti'e vous appartient… Cette moiti'e, vous la trouverez dans ce portefeuille, et maintenant nous sommes quittes.

— Antoinette, murmura Fant^omas qui mourait d’envie de prendre imm'ediatement le portefeuille, mais qui n’osait cependant le faire trop rapidement.

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