Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
Шрифт:
Il dit comment il avait 'et'e amen'e `a d'ecouvrir une m'edaille, une m'edaille personnelle, affirma-t-il, dans la tuyauterie de la locomotive. Comment cette tuyauterie de locomotive encrass'ee de chaux l’avait conduit `a l’examen du r'eservoir d’eau servant `a l’alimentation des chaudi`eres. Comment, dans ce r'eservoir, enfin, on avait d'ecouvert des vestiges humains, un squelette, des ossements, un cadavre pour tout dire.
Et d’une voix qui malgr'e lui tonnait, d’une voix qui s’enflait, car il se prenait `a la passionnante aventure dont il contait les p'erip'eties, Juve conclut :
— Monsieur le procureur, je ne suis qu’un policier d'esarm'e quand je n’agis point en vertu d’un mandat. Pour tout homme de bonne foi, il est 'evident que Fant^omas est l’auteur pr'esum'e du crime dont j’ai retrouv'e les traces `a Bess'e-sur-Braye. Monsieur le procureur, vous pouvez, vous, proc'eder `a l’arrestation d’un coupable d`es lors que vous le surprenez en flagrant d'elit. Monsieur le procureur, Fant^omas est actuellement en 'etat de crime, arr^etez-le.
Juve, toutefois, se h^ata trop de conclure.
Si lumineusement, indiscutablement, il avait convaincu M. Anselme Roche de son identit'e, M. Anselme Roche n’avait encore rien compris `a ce que Juve lui disait ^etre la personnalit'e de Fant^omas.
— Mais enfin, interrogeait d’une voix blanche, b'egayante, le procureur g'en'eral, mais enfin, qui donc accusez-vous d’^etre Fant^omas ? O`u est le bandit ?
Juve, pour toute r'eponse, se leva :
— Venez, monsieur le procureur. Fant^omas est ici. Dans ce Palais de Justice.
— Vous ^etes fou.
— Dans le cabinet du juge d’instruction.
M. Anselme Roche, qui d’abord s’'etait machinalement lev'e pour suivre Juve, s’immobilisa brusquement :
— Dans le cabinet du juge d’instruction, Juve, Juve, c’est impossible. Vous vous trompez. J’ai vu de mes yeux vu M. Pradier renvoyer tout `a l’heure les pr'evenus qu’il interrogeait. Il est maintenant seul. Fant^omas n’est pas avec lui.
— Je vous en prie, monsieur le procureur, venez. Je vous ai dit que Fant^omas est dans le cabinet du juge d’instruction, je ne m’en d'edis pas. Je ne parle pas au hasard. Je sais.
Juve avait l’accent d’une conviction si assur'ee que M. Anselme Roche ne r'epondit plus rien.
— M. Pradier est seul, murmurait-il, M. Pradier est seul.
Il r'ep'etait cela, le pauvre procureur, d’un ton hallucin'e, comme une litanie, sans avoir m^eme conscience de ce qu’il disait. Juve l’entra^ina. Dans le couloir, les deux gendarmes qui avaient amen'e le Roi des Policiers stationnaient encore. Juve demanda au magistrat, qui marchait sur ses talons :
— Le couloir n’a pas d’issue, n’est-ce pas ? Les fen^etres sont grill'ees ? Il est impossible que l’on s’'evade ?
— Impossible, impossible, r'ep'eta comme un 'echo M. Anselme Roche.
— Tr`es bien.
Juve se tourna vers les gendarmes :
— Vous allez demeurer l`a o`u vous ^etes et ne laisser sortir personne. Vous m’entendez, gendarmes, personne, avant que M. le procureur ou moi nous vous ayons donn'e d’autres ordres.
Juve ne s’occupa point de la stup'efaction des gendarmes devant cet inconnu qui leur parlait ainsi, tandis que, quelques minutes auparavant, ils le consid'eraient comme un malfaiteur dangereux.
— Venez, r'ep'eta le policier.
Et, tenant le procureur par le bras, le tenant d’une 'etreinte nerveuse, il le poussa vers le cabinet du juge d’instruction. Devant la porte, Juve s’arr^etait. C’'etait tout bas qu’il soufflait au magistrat :
— Fant^omas est l`a, rappelez-vous qu’il est capable de tout. Ne vous laissez prendre `a aucune de ses ruses. Fant^omas est l`a. Nous allons l’arr^eter. Attention.
Juve frappa. De l’int'erieur du cabinet, une voix r'epondit, tr`es calme :
— Entrez.
Juve avait `a peine ouvert la porte, que d'ej`a M. Anselme Roche b'egayait `a mi-voix :
— Vous voyez bien que M. Pradier est seul.
Juve ne parut m^eme pas l’avoir entendu.
`A sa main droite brillait quelque chose qui 'etait un revolver, il le braquait sur le juge d’instruction, cependant que, d’une voix haineuse, il criait :
— Fant^omas, rendez-vous. Au nom de la loi je vous arr^ete. Je vous arr^ete en France. Voil`a la revanche du drame de Feignies.
Juve s’attendait `a quelque r'esistance.
Il devait ^etre surpris par l’attitude du bandit.
`A son arriv'ee, purement et simplement, il s’'etait lev'e. Il n’'etait pas arm'e. Il ne t'emoigna d’aucune col`ere. C’est d’un ton abattu presque qu’il r'epondit :
— Vous avez raison, Juve. Vous prenez aujourd’hui votre revanche. Soit, je me rends. Arr^etez-moi.
Docilement, l’Insaisissable fit un pas en avant.
Mais toute cette sc`ene 'etait incompr'ehensible pour le malheureux procureur g'en'eral. D’abord il s’'etait tu, maintenant cet honn^ete homme eut un grand cri d’indignation :
— Ah c`a, hurla-t-il, mais enfin, monsieur Pradier… monsieur le juge. Vous ^etes donc Fant^omas ?
C’'etait une phrase bien naturelle, bien simple, que celle du malheureux procureur, elle d'echa^ina pourtant l’ironie et l’amusement des deux principaux acteurs du drame tragique qui se jouait. Juve haussa les 'epaules. Pour Fant^omas, en d'epit de la gravit'e de sa situation, il 'eclata de rire. Affectant de traiter Juve d’'egal `a 'egal, en ami presque, Fant^omas r'epondit :
— Monsieur le procureur, vous ^etes un imb'ecile. Il n’y a plus de Pradier ici. Aussi bien, j’en ai assez de porter la robe. J’'etouffais dans le cadre 'etroit des lois et du Code. Allons, comprenez donc. Au moment o`u on l’arr^ete, o`u une main l’empoigne au collet, Fant^omas reprend sa libert'e, redevient le bandit qu’il est r'eellement et qu’il est fier d’^etre. M. le juge, dites-vous, M. Pradier ? Pauvre magistrat d’intelligence 'etroite. Mais comprenez donc la facon dont je me suis jou'e de vous, la piti'e m^eme que ressent `a votre 'egard Juve, qui vous fait marcher comme une marionnette, comme un polichinelle que vous ^etes. Allons, monsieur le procureur, puisque vous ne voyez que Pradier, que juge d’instruction, puisque encore maintenant votre timidit'e s’affole, je vais vous ouvrir les yeux et, perdu pour perdu, abattre mes cartes et finir en beaut'e. Vraiment, vous ne voyez que Pradier ? Pradier tout seul ? Vous voulez voir Fant^omas ? Regardez-le :