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ЖАНРЫ

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LUI. Celle qui fait commerce de son amour.

ELLE. C’est donc par 'economie que vous pr'ef'erez les honn^etes filles?

LUI. Ne me provoque pas.

ELLE. Entendu. Donc, selon vous, je suis une fille des rues?

LUI. Quoi d’autre?

ELLE. Est-ce que je vous racole dans la rue?

LUI. Dans la rue, au restaurant, quelle diff'erence? Ce qui compte, c’est l’argent.

ELLE. Je vous ai demand'e de l’argent?

LUI. (de mauvais gr'e). Pas encore.

ELLE. Dites, et si une femme trompe son mari gratuitement, elle est honn^ete?

LUI. (ne sachant que r'epondre). L^ache-moi.

ELLE. Et si je passe la nuit avec vous sans me faire payer, je serai une fille honn^ete?

LUI. Je t’ai dit de me l^acher.

ELLE. En somme, vous me repoussez.

LUI. Oui.

ELLE. Pourquoi?

LUI. Je crains qu’apr`es cette nuit enflamm'ee je doive aller chez le m'edecin et alors elle deviendra effectivement inoubliable.

ELLE. Vous le craignez r'eellement ou vous vouliez simplement m’insulter?

LUI. Je le crains r'eellement.

ELLE. Et moi qui croyais que c’'etait l’honn^etet'e qui vous retenait de la tentation.

LUI. Et aussi l’honn^etet'e.

ELLE. C’est tr`es louable. Comme l’'ecrivait d'ej`a Horace :

«Fuis toutes les jouissances car la jouissance est au prix de la souffrance».

LUI. (Il ne peut cacher son 'etonnement.). C’est la premi`ere fois que je rencontre une femme de petite vertu qui cite Horace.

ELLE. Et vous en rencontrez souvent des femmes pareilles?

LUI. Ca, c’est mon affaire.

ELLE. Et vous, vous avez vu beaucoup d’ing'enieurs citant Horace? Ou des m'edecins?

LUI. Pour ^etre honn^ete, pas beaucoup. Pas du tout. D’o`u tenez-vous ces r'ef'erences?

ELLE. Je les moissonne chez mes clients. Car parmi eux, on en trouve aussi de tout `a fait cultiv'es. (Pos'ement.) Parfois m^eme hautement dipl^om'es.

LUI. (lui jetant un regard inquisiteur). Vous savez des choses sur moi?

ELLE. Peut-^etre.

LUI. Je vois, avec vous il faut ^etre sur ses gardes. Et vous n’avez pas votre langue dans la poche.

ELLE. H'elas, je n’ai pas de poche. Seulement un petit sac.

LUI. (`A nouveau, il la regarde attentivement.). Je n’arrive pas `a vous cerner.

ELLE. Je pense que ca n’en vaut pas la peine. Vous le regretteriez.

LUI. Vous ne ressemblez pas `a une prostitu'ee ordinaire.

ELLE. Je vois que vous avez une riche exp'erience. Malgr'e votre froideur, votre fermet'e et votre d'ego^ut vous arrivez `a savoir `a quoi ressemblent les prostitu'ees.

LUI. Je vais au cin'ema.

ELLE. Ne vous diminuez pas. Dites-moi plut^ot `a quoi ressemblent et comment se conduisent les belles de nuit.

LUI. Je ne sais pas… Sans doute avec plus de sans-g^ene.

ELLE. Sans doute, vouliez-vous dire avec « plus de rentre-dedans ». Disons, comme ca. (Elle s’assoit en croisant les jambes, met `a nu une 'epaule, remonte tr`es haut sa robe et allume une cigarette imaginaire.) C’est ressemblant?

LUI. (souriant involontairement). Il y a de ca.

ELLE. Ca vous pla^it?

LUI. Oui et non. Ca repousse… mais ca attire aussi.

ELLE. Merci pour cet aveu sinc`ere.

LUI. (lui versant `a boire). Un peu de vodka?

ELLE. Pourquoi? Dans les films ces filles-l`a boivent toujours de la vodka? Je vais rarement au cin'ema, mais je croyais que leur occupation principale 'etait tout autre.

LUI. Vous n’^etes pas oblig'ee de boire. Pour ^etre honn^ete, je ne l’aime pas non plus moi-m^eme.

ELLE. Eh bien, que pensez-vous des femmes qui font le plus vieux m'etier du monde?

LUI. (Il hausse les 'epaules.). Je ne sais pas. Elles existent, c’est donc qu’elles sont n'ecessaires `a quelqu’un.

ELLE. Mais pas `a vous.

LUI. Pas `a moi.

ELLE. Qu’est-ce qu’elles vous ont fait pour vous irriter `a ce point?

LUI. Elles se donnent `a tous venants.

ELLE. Pourquoi ne pourraient-elles pas donner du plaisir `a ceux qui en ont besoin? Je dirais m^eme que c’est notre devoir de femme. (Avec une solennit'e moqueuse :) Platon d'ej`a affirmait que nous devons vivre non seulement pour nous-m^emes, mais pour partie appartenir `a la soci'et'e, pour partie aux amis.

LUI. Mais vous vous ^etes forg'e un joli savoir.

ELLE. La vie est un bon forgeron, qui apprend `a battre le verbe quand il le faut.

LUI. Tu as beau dire, se vendre est immoral.

ELLE. Dans une certaine mesure, nous vendons tous notre temps, nos services et notre travail. Selon vous, si une femme travaille `a la cha^ine, courbe l’'echine sur un chantier ou b^eche la terre, c’est plus moral? Car celles que vous attaquez ainsi ne sont pas des oisives, elles travaillent. En Am'erique, on appelle de telles dames des sexual workers, des travailleuses du sexe et elles sont syndiqu'ees. En Hollande, on les nomme plus po'etiquement - Froelischsm"adchen -

« les filles de joie ». Chez nous, de quels noms ne les gratifie-t-on pas, sans parler encore du vocabulaire obsc`ene.

LUI. Selon vous, elles ne m'eritent pas de tels sobriquets?

ELLE. Alors, que m'eritent les hommes qui b'en'eficient de leurs services?

LUI. Voyons, il y a une diff'erence.

ELLE. Bien s^ur, qu’il y a une diff'erence. Les femmes publiques, elles font ca, au moins, pour gagner leur vie. Les hommes, par concupiscence et d'ebauche.

LUI. J’esp`ere que ce n’est pas moi que tu vises?

ELLE. Non, pas vous. Bien s^ur, que non. Vous ^etes irr'eprochable. (Elle se l`eve et prend son sac `a main.) Je crois que je ne vais plus vous imposer ma pr'esence. Je vous ai un peu chambr'e, c’est bon. Votre manuscrit se languit de vous. Portez-vous bien.

LUI. Attendez… O`u allez-vous?

ELLE. J’en ai suffisamment entendu.

LUI. Je ne vous chasse pas, vous savez.

ELLE. Et qui a mis les points sur les i et mis les choses au clair?

LUI. Eh bien, j’ai 'et'e un peu brusque.

ELLE. Vrai, vous n’^etes pas f^ach'e?

LUI. Non. Pour quelle raison? Je dois l’avouer, seul je me sentais assez cafardeux. Dehors, c’est l’automne, la nuit est ex'ecrable, il fait froid, il vente…

ELLE. Allez vous coucher, alors.

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