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ЖАНРЫ

Том 7. О развитии революционных идей в России
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Mais en prose l'activit'e redoubla et prit une autre direction.

Gogol, sans ^etre du peuple comme Koltzoff, par sa condition, l'est par ses go^uts et par la tournure de son esprit. Gogol est compl`etement ind'ependant de l'influence 'etrang`ere; il ne connaissait aucune litt'erature, lorsqu'il s''etait d'ej`a fait un nom. H sympathisait plut^ot avec la vie du peuple qu'avec celle de la cour, ce qui est naturel de la part d'un Petit-Russien.

Le Petit-Russien, m^eme anobli, ne rompt jamais aussi brusquement avec le peuple que le fait un Russe. Il aime son pays, son idiome, les traditions de la cosaquerie et des hetmans. L'ind'ependance de l'Ukraine, sauvage et guerri`ere, mais r'epublicaine et d'emocratique, s''etait maintenue `a travers les si`ecles jusqu'`a Pierre Ier. Les Petits-Russiens tracass'es par les Polonais, les Turcs et les Moscovites, entra^in'es dans une guerre 'eternelle contre les Tartares de la Crim'ee, n'ont jamais succomb'e. La Petite-Russie, ens'unissant volontairement `a la Grande, stipula des droits consid'erables en sa faveur. Le tzar Alexis jura de les observer. Pierre Ier, pr'etextant la trahison de Mazeppa, ne laissa debout qu'un simulacre de ces privil`eges; Elisabeth et Catherine y introduisirent le servage. Le pauvre pays protestait, mais comment pouvait-il s'opposer `a cette avalanche fatale qui roulait du Nord jusqu'`a la Mer Noire, et couvrait tout ce qui portait le nom russe du m^eme linceul d'un esclavage uniforme et glac'e? L'Ukraine subit le sort de Novgorod, de Pskov, mais beaucoup plus tard, et un seul si`ecle de servitude n'a pu effacer tout ce qu'il y avait d'ind'ependant et de po'etique dans ce brave peuple. Il y a l`a plus de d'eveloppement individuel, plus de teinte locale que chez nous; chez nous, un malheureux uniforme couvre indistinctement toute la vie populaire. Les hommes naissent pour se courber devant une fatalit'e injuste, et meurent sans traees, laissant leurs enfants recommencer la m^eme vie d'esesp'erante. Notre peuple ne conna^it pas son histoire, tandis que chaque village en Petite-Russie a sa 1’'egende. Le peuple russe ne se souvient que de Pougatcheff et de 1812. Les nouvelles par lesquelles d'ebuta Gogol forment une s'erie de' tableaux de moeurs et de paysages de la Petite-Russie d'une beaut'e r'eelle, pleine de ga^it'e, de gr^ace, de mouvement et d'amour. Des nouvelles pareilles sont impossibles dans la Grande-Russie, faute de sujet, d'original. Chez nous, les sc`enes populaires prennent de suite une face sombre et tragique qui oppresse le lecteur; Je dis tragique, seulement dans le sens de Laocoon. C'est le tragique d'un destin auquel l'homme succombe sans lutte. La douleur se change en rage et en d'esolation, le rire en ironie am`ere et haineuse. Qui peut lire sans fr'emir d'indignation et de honte le roman magnifique Anton Gor'emyka,et le chef-d'oeuvre de J. Tourgu'eneff R'ecits du Chasseur?

A mesure que Gogol sort de la Petite-Russie et s'approche de la Russie centrale, les images na"ives et gracieuses disparaissent. Plus de h'eros demi-sauvage dans le genre de Tarass Boulba [13] plus de vieillard d'ebonnaire et patriarcal qu'il a si bien d'epeint dans les Gens d'autrefois. Sous le ciel moscovite, tout en lui devient sombre, brumeux, hostile. Il rit toujours, il rit m^eme plus qu'auparavant, mais c'est d'un autre rire, et il n'y a que les gens d'une grande duret'e de coeur ou. d'une grande simplicit'e d'^ame qui se soient laiss'es prendre `a ce rire. Passant de ses Petits-Russiens et Cosaques aux Russes, Gogol laisse de c^ot'e le peuple, et s'arr^ete `a ses deux ennemis les plus acharn'es: le fonctionnaire et le seigneur. Jamais personne n'a fait avant lui, sur le tchinovnik russe, un cours si complet d'anatomie pathologique. Le rire sur les l`evres, il p'en`etre sans m'enagement dans les replis les plus cach'es de cette ^ame impure et maligne. La com'edie de Gogol le R'eviseur, son roman les Ames Mortes, sont une terrible confession de la Russie contemporaine et qui font pendant aux r'ev'elations de Kochikhine au XVIIe si`ecle [14] .

13

Tarass Boulba, les Gens d'autrefois et encore quelques nouvellesde Gogol sont traduites en francais par M. Viardot. Il y a une traductionallemande des Ames Mortes.

14

Un diplomate russe du temps d'Alexis, p`ere de Pierre I, qui avait'emigr'e en Su`ede craignant les pers'ecutions du tzar et qui a 'et'e d'ecapit'e`a Stockholm pour un assassinat.

L'empereur Nicolas se p^amait de rire en assistant aux repr'esentations du R'eviseur!!!

Le po`ete, d'esesp'er'e de n'avoir produit que cette auguste hilarit'e et le rire suffisant des employ'es, parfaitement identiques avec ceux qu'il a repr'esent'es, quoique plus prot'eg'es par la censure, crut devoir expliquer, dans une introduction, que sa com'edie est non seulement tr`es risible mais encore tr`es triste –

«qu'il y a des larmes chaudes derri`ere son sourire».

Apr`es le R'eviseur, Gogol se tourna vers la noblesse campagnarde, et mit au grand jour cette population inconnue qui se tient derri`ere les coulisses, loin des chemins et des grandes villes, enfouie au fond des campagnes, cette Russie de gentill^atr`es, qui, sans bruit, tout au soin de leurs terres, couvent une corruption plus profonde que celle de l'Occident. Nous les v^imes, enfin, gr^ace `a Gogol, quitter leurs manoirs, leurs maisons seigneuriales, et d'efiler devant nous sans masque, sans fard, toujours ivres et voraces, esclaves du pouvoir sans dignit'e, et tyrans de leurs serfs sans compassion; sucant la vie et le sang du peuple avec le naturel et la na"ivet'e de l'enfant qui se nourrit du sein de sa m`ere.

Les Ames Mortes secou`erent toute la Russie.

Une pareille accusation 'etait n'ecessaire `a la Russie contemporaine. C'est l'histoire de la maladie faite de main de ma^itre. La po'esie de Gogol est un cri de terreur et de honte, que pousse un homme d'egrad'e par la vie banale, et qui voit tout `a coup dans une glace ses traits abrutis. Mais pour qu'un cri pareil puisse s''echapper d'une poitrine, il faut qu'il y ait des parties saines et une grande force de r'ehabilitation. Celui qui avoue franchement ses faiblesses et ses d'efauts, sent qu'ils ne forment pas la substance de son ^etre, qu'ils ne l'absorbent pas enti`erement, qu'il y a encore en lui quelque chose qui 'echappe et r'esiste `a la chute; qu'il peut encore racheter le pass'e, et, non seulement relever la t^ete, mais devenir, comme dans la trag'edie de Byron, Sardanapal h'eros de Sardanapal eff'emin'e.

L`a, nous nous trouvons derechef face `a face avec cette grande question: o`u sont les preuves que le peuple russe puisse se relever et quelles sont les preuves du contraire? Cette question, ainsi que nous l'avons vu, avait pr'eoccup'e tous les hommes pensants, sans qu'aucun d'eux ait trouv'e une solution.

Pol'evo"i qui encourageait les autres, ne croyait en rien; se serait-il autrement laiss'e d'ecourager si vite et aurait-il pass'e `a l'ennemi, au premier revers? La Biblioth`eque de lecture sauta `a pieds joints par-dessus ce probl`eme, tourna la question sans faire un effort pour la r'esoudre. La solution de Tchaada"ieff n'en est pas une.

La po'esie, la prose, l'art et l'histoire nous montraient la formation et le d'eveloppement de ce milieu absurde, de ces moeurs blessantes, de ce pouvoir monstrueux, mais personne ne faisait voir d'issue. Fallait-il donc s'acclimater, comme le fit plus tard Gogol, ou courir au-devant de sa perte comme Lermontoff? R 'etait impossible de nous acclimater; il nous r'epugnait de p'erir; quelque chose disait au fond de notre coeur qu'il 'etait trop t^ot de s'en aller, il semblait qu'il y avait encore des ^ames vivantes derri`ere les ^ames mortes.

Et les questions reparaissaient avec plus d'intensit'e, tout ce qui esp'erait encore demandait une solution `a tout prix.

Apr`es l'ann'ee 1840, deux opinions absorb`erent l'attention publique. De la controverse scolastique elles pass`erent bient^ot dans la litt'erature, et de l`a, dans la soci'et'e.

Nous parlons du panslavisme moscovite et de l'europ'eisme russe.

La lutte entre ces deux opinions est close par la r'evolution de 1848. Ce fut la derni`ere pol'emique anim'ee qui e^ut occup'e le public, et par cela m^eme elle a une certaine gravit'e. Nous lui consacrerons en cons'equence le chapitre suivant.

VI

Vi panslavisme moscovite et europ'eisme Russe

Le temps de la r'eaction contre la r'eforme de Pierre Ier 'etait venu,non seulement pour le gouvernement, qui reculait devant son propre principe-et reniait la civilisation occidentale, au nom de laquelle Pierre Ier avait foul'e aux pieds la nationalit'e, mais encore pour les hommes que le gouvernement avait d'etach'es du peuple, sous pr'etexte de civilisation, et qu'il commenca `a pendre lorsqu'ils furent civilis'es.

Le retour aux id'ees nationales conduisait naturellement `a une question dont le simple 'enonc'e contenait d'ej`a la r'eaction contre la p'eriode de P'etersbourg. Ne faut-il pas ohercher une issue `a la d'eplorable situation dans laquelle nous nous voyons, en nous rapprochant du peuple que nous m'eprisons sans le conna^itre? Ne fallait-il pas revenir `a un ordre de choses plus conforme au caract`ere slave et quitter la voie de la civilisation exotique et forc'ee? Question grave et d'un int'er^et actuel. Mais `a peine fut-elle pos'ee, qu'il se trouva un groupe d'hommes, qui, donnant de suite une solution positive, form`erent un syst`eme exclusif dont ils firent, non seulement une doctrine, mais une religion. La logique de la r'eaction est rapide comme celle des r'evolutions.

La plus grande erreur des Slavophiles fut d'avoir vu une r'eponse dans la question m^eme, et d'avoir confondu la possibilit'e avec la r'ealit'e. Ils pressentaient qu'ils 'etaient sur le chemin qui m`ene `a de grandes v'erit'es et qui doit changer notre mani`ere d'envisager les 'ev'enements contemporains. Mais, au lieu d'aller en avant et de travailler, ils s'en tenaient `a ce pressentiment.

De cette mani`ere, en faussant les faits, ils ont fauss'e leur propre entendement. Leur jugement n''etait plus libre, ils ne voyaient plus de difficult'es, tout leur paraissait r'esolu, tranch'e. Ils ne cherchaient pas la v'erit'e mais des objections `a leurs antagonistes.

Les passions se m^el`erent `a la pol'emique. Les Slavophiles exalt'es se ru`erent avec acharnement sur toute la p'eriode de P'etersbourg, sur tout ce qu'a fait Pierre le Grand, et enfin, sur tout ce qui 'etait.europ'eis'e, civilis'e. On peut comprendre et justifier cet entra^inement comme un acte d'opposition, mais par malheur, cette opposition alla trop loin, et se vit alors, d'une mani`ere 'etrange, plac'ee du c^ot'e du gouvernement contre ses propres aspirations `a la libert'e.

Apr`es avoir d'ecid'e a priori que tout ce qui 'etait venu des Allemands ne valait rien, que tout ce qui avait 'et'e introduit par Pierre Ier 'etait d'etestable, les Slavophiles revinrent `a l'admiration des formes 'etroites de l'Etat moscovite et, abdiquant leur propre raison et leurs propres lumi`eres, ils coururent s'abriter avec ferveur sous la croix de l''eglise grecque. Nous autres ne pouvions leur conc'eder de pareilles tendances, d'autant plus que les Slavophiles s'abusaient 'etrangement sur l'organisation de l'Etat moscovite et pr^etaient `a l'orthodoxie grecque une importance qu'elle n'a jamais eue. Remplis d'indignation contre le despotisme, ils arrivaient `a un esclavage politique et moral; avec toutes les sympathies pour la nationalit'e slave, ils sortaient, par une porte oppos'ee, de cette m^eme nationalit'e. L'orthodoxie grecque les entra^inait vers le byzantisme, et, en effet, ils se dirigeaient rapidement vers cet ab^ime de stagnation dans lequel ont disparu les vestiges du monde ancien. Si les formes et l'esprit de l'Occident ne convenaient pas `a la Russie, qu'y avait-il de commun entre elle et l'organisation du Bas-Empire? O`u le lien organique entre les Slaves, barbares par jeunesse, et les Grecs, barbares par d'ecr'epitude s'est-il manifest'e? Et enfin qu'est-ce que cette Byzance si ce n'est Rome, la Rome de la d'ecadence, Rome sans r'eminiscences glorieuses, sans remords? Quels nouveaux principes Byzance a-t-elle apport'es `a l'histoire? Est-ce l'orthodoxie grecque? Mais elle n'est que le catholicisme apathique; les principes sont tellement les m'emos, qu'il a fallu sept si`ecles de controverses et de dissensions pour faire croire `a des diff'erences de principes. Est-ce l'organisation sociale? Mais elle 'etait basse dans l'empire oriental sur l'autorit'e absolue, sur l'obeissance pass^ive,sur l'absorption compl`ete de l'individu par l'Etat, de l'Etat par l'empereur.

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