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ЖАНРЫ

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LII

LE BEAU NAVIRE

Je veux te raconter, ^o molle enchanteresse! Les diverses beaut'es qui parent ta jeunesse; Je veux te peindre ta beaut'e, O`u l'enfance s'allie `a la maturit'e. Quand tu vas balayant l'air de ta jupe large, Tu fais l'effet d'un beau vaisseau qui prend le large, Charg'e de toile, et va roulant Suivant un rythme doux, et paresseux, et lent. Sur ton cou large et rond, sur tes 'epaules grasses, Ta t^ete se pavane avec d''etranges gr^aces; D'un air placide et triomphant Tu passes ton chemin, majestueuse enfant. Je veux te raconter, ^o molle enchanteresse! Les diverses beaut'es qui parent ta jeunesse; Je veux te peindre ta beaut'e, O`u l'enfance s'allie `a la maturit'e. Ta gorge qui s'avance et qui pousse la moire, Ta gorge triomphante est une belle armoire Dont les panneaux bomb'es et clairs Comme les boucliers accrochent des 'eclairs; Boucliers provoquants, arm'es de pointes roses! Armoire `a doux secrets, pleine de bonnes choses, De vins, de parfums, de liqueurs Qui feraient d'elirer les cerveaux et les coeurs! Quand tu vas balayant l'air de ta jupe large, Tu fais l'effet d'un beau vaisseau qui prend le large, Charg'e de toile, et va roulant Suivant un rythme doux, et paresseux, et lent. Tes nobles jambes, sous les volants qu'elles chassent, Tourmentent les d'esirs obscurs et les agacent, Comme deux sorci`eres qui font Tourner un philtre noir dans un vase profond. Tes bras, qui se joueraient des pr'ecoces hercules, Sont des boas luisants les solides 'emules, Faits pour serrer obstin'ement, Comme pour l'imprimer dans ton coeur, ton amant. Sur ton cou large et rond, sur tes 'epaules grasses, Ta t^ete se pavane avec d''etrange gr^aces; D'un air placide et triomphant Tu passes ton chemin, majestueuse enfant.

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LIII

L'INVITATION AU VOYAGE

Mon enfant, ma soeur, Songe `a la douceur D'aller l`a-bas vivre ensemble! Aimer `a loisir, Aimer et mourir Au pays qui te ressemble! Les soleils mouill'es De ces ciels brouill'es Pour mon esprit ont les charmes Si myst'erieux De tes tra^itres yeux, Brillant `a travers leurs larmes. L`a, tout n'est qu'ordre et beaut'e, Luxe, calme et volupt'e. Des meubles luisants, Polis par les ans, D'ecoreraient notre chambre; Les plus rares fleurs M^elant leurs odeurs Aux vagues senteurs de l'ambre, Les riches plafonds, Les miroirs profonds, La splendeur orientale, Tout y parlerait `A l'^ame en secret Sa douce langue natale. L`a, tout n'est qu'ordre et beaut'e, Luxe, calme et volupt'e. Vois sur ces canaux Dormir ces vaisseaux Dont l'humeur est vagabonde; C'est pour assouvir Ton moindre d'esir Qu'ils viennent du bout du monde. — Les soleils couchants Rev^etent les champs, Les canaux, la ville enti`ere, D'hyacinthe et d'or; Le monde s'endort Dans une chaude lumi`ere. L`a, tout n'est qu'ordre et beaut'e, Luxe, calme et volupt'e.

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LIV

L'IRR'EPARABLE

Pouvons-nous 'etouffer le vieux, le long Remords, Qui vit, s'agite et se tortille, Et se nourrit de nous comme le ver des morts, Comme du ch^ene la chenille? Pouvons-nous 'etouffer l'implacable Remords? Dans quel philtre, dans quel vin, dans quelle tisane, Noierons-nous ce vieil ennemi, Destructeur et gourmand comme la courtisane, Patient comme la fourmi? Dans quel philtre? — dans quel vin? — dans quelle tisane? Dis-le, belle sorci`ere, oh! Dis, si tu le sais, `A cet esprit combl'e d'angoisse Et pareil au mourant qu''ecrasent les bless'es, Que le sabot du cheval froisse, Dis-le, belle sorci`ere, oh! dis, si tu le sais, `A cet agonisant que le loup d'ej`a flaire Et que surveille le corbeau, `A ce soldat bris'e! S'il faut qu'il d'esesp`ere D'avoir sa croix et son tombeau; Ce pauvre agonisant que d'ej`a le loup flaire! Peut-on illuminer un ciel bourbeux et noir? Peut-on d'echirer des t'en`ebres Plus denses que la poix, sans matin et sans soir, Sans astres, sans 'eclairs fun`ebres? Peut-on illuminer un ciel bourbeux et noir? L'esp'erance qui brille aux carreaux de l'Auberge Est souffl'ee, est morte `a jamais! Sans lune et sans rayons, trouver o`u l'on h'eberge Les martyrs d'un chemin mauvais! Le Diable a tout 'eteint aux carreaux de l'auberge! Adorable sorci`ere, aimes-tu les damn'es? Dis, connais-tu l'irr'emissible? Connais-tu le Remords, aux traits empoisonn'es, `A qui notre coeur sert de cible? Adorable sorci`ere, aimes-tu les damn'es? L'Irr'eparable ronge avec sa dent maudite Notre ^ame, piteux monument, Et souvent il attaque, ainsi que le termite, Par la base le b^atiment. L'Irr'eparable ronge avec sa dent maudite! — J'ai vu parfois, au fond d'un th'e^atre banal Qu'enflammait l'orchestre sonore, Une f'ee allumer dans un ciel infernal Une miraculeuse aurore; J'ai vu parfois au fond d'un th'e^atre banal Un ^etre, qui n''etait que lumi`ere, or et gaze, Terrasser l''enorme Satan; Mais mon coeur, que jamais ne visite l'extase, Est un th'e^atre o`u l'on attend Toujours, toujours en vain, l'^Etre aux ailes de gaze!

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LV

CAUSERIE

Vous ^etes un beau ciel d'automne, clair et rose! Mais la tristesse en moi monte comme la mer, Et laisse, en refluant, sur ma l`evre morose Le souvenir cuisant de son limon amer. — Ta main se glisse en vain sur mon sein qui se p^ame; Ce qu'elle cherche, amie, est un lieu saccag'e Par la griffe et la dent f'eroce de la femme. Ne cherchez plus mon coeur; les b^etes l'ont mang'e. Mon coeur est un palais fl'etri par la cohue; On s'y so^ule, on s'y tue, on s'y prend aux cheveux! — Un parfum nage autour de votre gorge nue!… ^O Beaut'e, dur fl'eau des ^ames, tu le veux! Avec tes yeux de feu, brillants comme des f^etes, Calcine ces lambeaux qu'ont 'epargn'es les b^etes!

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LVI

CHANT D'AUTOMNE

I
Bient^ot nous plongerons dans les froides t'en`ebres; Adieu, vive clart'e de nos 'et'es trop courts! J'entends d'ej`a tomber avec des chocs fun`ebres Le bois retentissant sur le pav'e des cours.
Tout l'hiver va rentrer dans mon ^etre: col`ere, Haine, frissons, horreur, labeur dur et forc'e, Et, comme le soleil dans son enfer polaire, Mon coeur ne sera plus qu'un bloc rouge et glac'e. J''ecoute en fr'emissant chaque b^uche qui tombe; L''echafaud qu'on b^atit n'a pas d''echo plus sourd. Mon esprit est pareil `a la tour qui succombe Sous les coups du b'elier infatigable et lourd. Il me semble, berc'e par ce choc monotone, Qu'on cloue en grande h^ate un cercueil quelque part. Pour qui? — c''etait hier l''et'e; voici l'automne! Ce bruit myst'erieux sonne comme un d'epart.
II
J'aime de vos longs yeux la lumi`ere verd^atre, Douce beaut'e, mais tout aujourd'hui m'est amer, Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l'^atre, Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer.
Et pourtant aimez-moi, tendre coeur! Soyez m`ere M^eme pour un ingrat, m^eme pour un m'echant; Amante ou soeur, soyez la douceur 'eph'em`ere D'un glorieux automne ou d'un soleil couchant. Courte t^ache! La tombe attend; elle est avide! Ah! Laissez-moi, mon front pos'e sur vos genoux, Go^uter, en regrettant l''et'e blanc et torride, De l'arri`ere-saison le rayon jaune et doux!

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LVII

`A UNE MADONE

EX-VOTO DANS LE GO^UT ESPAGNOL
Je veux b^atir pour toi, Madone, ma ma^itresse, Un autel souterrain au fond de ma d'etresse, Et creuser dans le coin le plus noir de mon coeur, Loin du d'esir mondain et du regard moqueur, Une niche, d'azur et d'or tout 'emaill'ee, O`u tu te dresseras, Statue 'emerveill'ee. Avec mes Vers polis, treillis d'un pur m'etal Savamment constell'e de rimes de cristal, Je ferai pour ta t^ete une 'enorme Couronne; Et dans ma Jalousie, ^o mortelle Madone, Je saurai te tailler un Manteau, de facon Barbare, roide et lourd, et doubl'e de soupcon, Qui, comme une gu'erite, enfermera tes charmes; Non de Perles brod'e, mais de toutes mes Larmes! Ta Robe, ce sera mon D'esir, fr'emissant, Onduleux, mon D'esir qui monte et qui descend, Aux pointes se balance, aux vallons se repose, Et rev^et d'un baiser tout ton corps blanc et rose. Je te ferai de mon Respect de beaux Souliers De satin, par tes pieds divins humili'es, Qui, les emprisonnant dans une molle 'etreinte, Comme un moule fid`ele en garderont l'empreinte. Si je ne puis, malgr'e tout mon art diligent, Pour Marchepied tailler une Lune d'argent, Je mettrai le Serpent qui me mord les entrailles Sous tes talons, afin que tu foules et railles, Reine victorieuse et f'econde en rachats, Ce monstre tout gonfl'e de haine et de crachats. Tu verras mes Pensers, rang'es comme les Cierges Devant l'autel fleuri de la Reine des Vierges, 'Etoilant de reflets le plafond peint en bleu, Te regarder toujours avec des yeux de feu; Et comme tout en moi te ch'erit et t'admire, Tout se fera Benjoin, Encens, Oliban, Myrrhe, Et sans cesse vers toi, sommet blanc et neigeux, En Vapeurs montera mon Esprit orageux. Enfin, pour compl'eter ton r^ole de Marie, Et pour m^eler l'amour avec la barbarie, Volupt'e noire! Des sept P'ech'es capitaux, Bourreau plein de remords, je ferai sept couteaux Bien affil'es, et comme un jongleur insensible, Prenant le plus profond de ton amour pour cible, Je les planterai tous dans ton Coeur pantelant, Dans ton Coeur sanglotant, dans ton Coeur ruisselant!

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LVIII

CHANSON D'APR`ES-MIDI

Quoique tes sourcils m'echants Te donnent un air 'etrange Qui n'est pas celui d'un ange, Sorci`ere aux yeux all'echants, Je t'adore, ^o ma frivole, Ma terrible passion! Avec la d'evotion Du pr^etre pour son idole. Le d'esert et la for^et Embaument tes tresses rudes, Ta t^ete a les attitudes De l''enigme et du secret. Sur ta chair le parfum r^ode Comme autour d'un encensoir; Tu charmes comme le soir, Nymphe t'en'ebreuse et chaude. Ah! Les philtres les plus forts Ne valent pas ta paresse, Et tu connais la caresse Qui fait revivre les morts! Tes hanches sont amoureuses De ton dos et de tes seins, Et tu ravis les coussins Par tes poses langoureuses. Quelquefois, pour apaiser Ta rage myst'erieuse, Tu prodigues, s'erieuse, La morsure et le baiser; Tu me d'echires, ma brune, Avec un rire moqueur, Et puis tu mets sur mon coeur Ton oeil doux comme la lune. Sous tes souliers de satin, Sous tes charmants pieds de soie, Moi, je mets ma grande joie, Mon g'enie et mon destin, Mon ^ame par toi gu'erie, Par toi, lumi`ere et couleur! Explosion de chaleur Dans ma noire Sib'erie!

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LIX

SISINA

Imaginez Diane en galant 'equipage, Parcourant les for^ets ou battant les halliers, Cheveux et gorge au vent, s'enivrant de tapage, Superbe et d'efiant les meilleurs cavaliers! Avez-vous vu Th'eroigne, amante du carnage, Excitant `a l'assaut un peuple sans souliers, La joue et oeil en feu, jouant son personnage, Et montant, sabre au poing, les royaux escaliers? Telle la Sisina! Mais la douce guerri`ere `A l'^ame charitable autant que meurtri`ere; Son courage, affol'e de poudre et de tambours, Devant les suppliants sait mettre bas les armes, Et son coeur, ravag'e par la flamme, a toujours, Pour qui s'en montre digne, un r'eservoir de larmes.

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LX

FRANCISCAE MEAE LAUDES

Novis te cantabo chordis, O novelletum quod ludis In solitudine cordis. Esto sertis implicata, O femina delicata Per quam solvuntur peccata! Sicut beneficum Lethe, Hauriam oscula de te, Quae imbuta es magnete. Quum vitiorum tempestas Turbabat omnes semitas, Apparuisti, Deitas, Velut stella salutaris In naufragiis amaris… Suspendam cor tuis aris! Piscina plena virtutis, Fons aeternae juventutis, Labris vocem redde mutis! Quod erat spurcum, cremasti; Quod rudius, exaequasti; Quod debile, confirmasti. In fame mea taberna, In nocte mea lucerna, Recte me semper guberna. Adde nunc vires viribus, Dulce balneum suavibus Unguentatum odoribus! Meos circa lumbos mica, O castitatis lorica, Aqua tincta seraphica; Patera gemmis corusca, Panis salsus, mollis esca, Divinum vinum, Francisca!

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LXI

`A UNE DAME CR'EOLE

Au pays parfum'e que le soleil caresse, J'ai connu, sous un dais d'arbres tout empourpr'es Et de palmiers d'o`u pleut sur les yeux la paresse, Une dame cr'eole aux charmes ignor'es. Son teint est p^ale et chaud; la brune enchanteresse A dans le cou des airs noblement mani'er'es; Grande et svelte en marchant comme une chasseresse, Son sourire est tranquille et ses yeux assur'es. Si vous alliez, Madame, au vrai pays de gloire, Sur les bords de la Seine ou de la verte Loire, Belle digne d'orner les antiques manoirs, Vous feriez, `a l'abri des ombreuses retraites, Germer mille sonnets dans le coeur des po`etes, Que vos grands yeux rendraient plus soumis que vos Noirs.

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LXII

MOESTA ET ERRABUNDA

Dis-moi, ton coeur parfois s'envole-t-il, Agathe, Loin du noir oc'ean de l'immonde cit'e, Vers un autre oc'ean o`u la splendeur 'eclate, Bleu, clair, profond, ainsi que la virginit'e? Dis-moi, ton coeur parfois s'envole-t-il, Agathe? La mer, la vaste mer, console nos labeurs! Quel d'emon a dot'e la mer, rauque chanteuse Qu'accompagne l'immense orgue des vents grondeurs, De cette fonction sublime de berceuse? La mer, la vaste mer, console nos labeurs! Emporte-moi, wagon! Enl`eve-moi, fr'egate! Loin! Loin! Ici la boue est faite de nos pleurs! — Est-il vrai que parfois le triste coeur d'Agathe Dise: Loin des remords, des crimes, des douleurs, Emporte-moi, wagon, enl`eve-moi, fr'egate? Comme vous ^etes loin, paradis parfum'e, O`u sous un clair azur tout n'est qu'amour et joie, O`u tout ce que l'on aime est digne d'^etre aim'e, O`u dans la volupt'e pure le coeur se noie! Comme vous ^etes loin, paradis parfum'e! Mais le vert paradis des amours enfantines, Les courses, les chansons, les baisers, les bouquets, Les violons vibrant derri`ere les collines, Avec les brocs de vin, le soir, dans les bosquets, — Mais le vert paradis des amours enfantines, L'innocent paradis, plein de plaisirs furtifs, Est-il d'ej`a plus loin que l'Inde et que la Chine? Peut-on le rappeler avec des cris plaintifs, Et l'animer encor d'une voix argentine, L'innocent paradis plein de plaisirs furtifs?
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