L'agent secret (Секретный агент)
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— Cela va sans dire, r'epliqua l’un des arrivants… Vous pouvez ^etre assur'e, baron, que mon ami Fandor et moi-m^eme, nous ne nous serions pas permis…
— Mais je sais, je sais, monsieur Juve, dit le baron. D’ailleurs, je vous attendais…
— Nous nous en serions voulu aussi de ne point venir vous apporter d`es ce soir les f'elicitations auxquelles vous avez droit !
— Vraiment, s’'ecria de Naarboveck, vous parlez du mariage de Wilhelmine ?
Juve secoua la t^ete :
— Non, baron, je r'eserve ces compliments `a M. de Loubersac et `a M lleTh'er`ese… pardon, M lleWilhelmine.
— Que voulez-vous donc dire, monsieur Juve ?
— Je veux dire… Je veux dire, mon cher baron, que j’ai r'ecemment appris votre nouvelle fonction. Vous voici donc, d`es ce soir, repr'esentant du royaume de Hesse-Weimar ?… J’imagine, monsieur l’ambassadeur, que vous ^etes satisfait de cette nomination ?
— Elle comporte, en effet, quelques avantages…
— Comment donc ! Vous n’ignorez pas que vous voil`a de la sorte d'efinitivement accr'edit'e dans les milieux officiels… de plus vous jouissez de l’inviolabilit'e.
— En effet, monsieur, je jouis de l’inviolabilit'e. Avantage appr'eciable, n’est-ce pas ?
— Tr`es appr'eciable ! reconnut Juve.
Mais le flot des arrivants s'epara les interlocuteurs. Le ma^itre de maison s’'echappa, regagnant le fond du salon, tandis que Fandor tirait le policier par la manche et dans l’angle d’une fen^etre, le questionnait `a voix basse :
— Juve ! Juve ! que signifie cette com'edie ?
— H'elas, Fandor, ce n’est pas une com'edie !…
— De Naarboveck est ambassadeur ?
— … Du royaume de Hesse-Weimar, oui, Fandor ; il l’est depuis huit jours, depuis le soir o`u nous avons failli l’arr^eter dans l’atelier de la rue Lepic… o`u tu as failli toi-m^eme rester sur le carreau…
— Et il est inviolable ?
— Naturellement. Conform'ement aux conventions internationales, tout repr'esentant accr'edit'e est inviolable… quel que soit l’endroit o`u il se trouve. `A plus forte raison dans l’immeuble de l’ambassade… mais tout n’est pas fini… excuse-moi, j’ai `a faire !
Brusquement, le policier quitta Fandor, se faufila au milieu des innombrables habits noirs et des femmes d'ecollet'ees.
Juve s’approcha d’un invit'e isol'e dans l’assistance. C’'etait un homme fort distingu'e, jeune encore, de trente-cinq ans environ, il portait une moustache blonde soigneusement fris'ee, avec les pointes retrouss'ees `a l’allemande. Juve s’inclina devant lui, murmurait avec une profonde d'ef'erence :
— Ah ! merci d’^etre venu, merci, Majest'e !…
— Je suis ici, monsieur, le prince Louis de Kalbach, respectez mon incognito et faites vite, je vous prie. Ma pr'esence `a Paris est ignor'ee de tous, je d'esire qu’il en soit ainsi, j’ai comme vous savez l’heureuse chance de n’^etre point connu de mon… de cet… individu…
Juve allait r'epondre mais quelqu’un le tirait par le bras. Le policier se retourna.
Il vit le lieutenant de Loubersac qui, le visage radieux :
— Ah ! monsieur Juve, que je suis heureux de vous rencontrer !… mais j’allais oublier !… pr'ecis'ement M. L'epine vous cherchait tout `a l’heure…
— Parfait, mon lieutenant, r'epliqua l’inspecteur de la S^uret'e, je vais le voir `a l’instant, mais j’en profite pour vous f'eliciter…
Le policier rejoignit le populaire pr'efet de police qui se tenait `a l’'ecart, sur la galerie dominant le hall.
M. L'epine, en d'epit du sourire aimable qu’il affectait, 'etait soucieux.
— Juve, interrogea-t-il, ^etes-vous de service ici ?…
— Oui et non, monsieur le pr'efet…
M. L'epine ouvrit de grands yeux.
Mais Wilhelmine de Naarboveck surgit soudain : Rayonnante de beaut'e, de bonheur, elle apercut le policier et, l’attirant dans le salon :
— Monsieur, fit-elle, en bonne ma^itresse de maison je m’apercois que vous ne dansez pas, voulez-vous me permettre de vous pr'esenter `a quelques charmantes jeunes filles ?
— Sapristi, pensa Juve, ca n’est ni le moment… ni de mon ^age…
Cependant, le pr'efet se tiraillait la barbiche, signe pr'ecurseur d’une certaine nervosit'e. Il attira de nouveau le policier dans un coin 'ecart'e et sans pr'eambule, demanda :
— Juve, `a quoi pense donc la S^uret'e ?
— Je l’ignore, monsieur le pr'efet…
— Comment ! poursuivit celui-ci ; il y a dans ces salons un visiteur qui ne m’a pas 'et'e signal'e et cependant… Ignorez-vous donc, vous aussi, Juve, que le baron de Naarboveck recoit ce soir un roi ?…
— Ca, d'eclara Juve, je le sais…, Frederick-Christian II…
— Vous le savez, vous le savez, grommela-t-il, et l’administration l’ignore… enfin ! Mais puisque vous savez tant de choses, que vient-il faire ici, ce roi ?…
— Il vient me voir ! d'eclara Juve…
— Juve, vous ^etes fou…
— Non, monsieur le pr'efet, voyez plut^ot…
Le policier rompant soudain l’entretien s’'ecarta de M. L'epine, s’approcha du souverain et lui dit quelques mots `a voix basse…
Or, le pr'efet de police vit, non sans un indescriptible 'etonnement, le roi 'ecouter attentivement les propos du policier, puis hocher la t^ete, sortir du salon et gagner la galerie sur laquelle s’ouvraient diff'erentes pi`eces dont la deuxi`eme, la plus 'eloign'ee, 'etait la biblioth`eque.
Mais Juve qui avait discr`etement regard'e l’heure `a sa montre, eut un tressaillement. Le policier se composa un visage s'ev`ere et avec l’allure d’un homme qui prend une d'ecision irr'evocable, chercha des yeux le baron de Naarboveck. Lorsqu’il l’eut d'ecouvert, il alla `a lui et proposa :
— Monsieur de Naarboveck, voulez-vous que nous causions un instant ? non pas ici…
— Dans ma biblioth`eque ? proposa de Naarboveck. Vous y tenez, monsieur ?