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ЖАНРЫ

L'agent secret (Секретный агент)
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Le pr'esident du Conseil venait de s’adresser directement `a Fandor.

Il le regardait de ses yeux clairs, un peu p^ales, v'eritables yeux de porcelaine qui ne laissaient deviner aucune pens'ee, aucun sentiment.

Fandor se dressa et attendit.

Le colonel, qui n’'etait pas un magistrat de profession, avait sous les yeux un formulaire imprim'e, guide indispensable de tout pr'esident de Conseil de guerre.

***

Une heure s’'etait 'ecoul'ee.

Juve, `a la barre des t'emoins, achevait sa d'eposition.

D`es le d'ebut de l’interrogatoire de Fandor, on s’'etait rendu compte qu’il 'etait impossible de l’effectuer efficacement sans avoir au pr'ealable identifi'e la personne qui comparaissait en qualit'e d’accus'e devant les magistrats militaires.

Or, le seul t'emoin qui pouvait sur ce chef fournir des d'etails pr'ecis `a la justice et confirmer ou d'etruire les d'eclarations de Fandor, c’'etait Juve.

On avait donc, `a peine l’audience commenc'ee, pri'e le policier de venir `a la barre des t'emoins d'eclarer ce qu’il savait.

Oh ! Juve en savait long sur Fandor et, tout en taisant les d'etails qui lui paraissaient superflus, il avait rapidement fait l’historique de sa carri`ere aventureuse sans toutefois dire au Conseil que J'er^ome Fandor s’appelait Charles Rambert. Enfin, devenant enthousiaste et grandiloquent, le policier avait fait `a son auditoire l’'eloge le plus chaleureux de son ami. Toutefois, cela ne r'epondait pas nettement aux pr'ecisions de l’enqu^ete, et les r'ev'elations de Juve, tenues 'evidemment pour certaines, ne simplifiaient point le probl`eme, tout au moins en ce qui concernait ces inculpations graves d’espionnage et de trahison, l’accusation plus grave encore d’assassinat, qui pesaient sur l’inculp'e.

Et le colonel-pr'esident, se laissant aller `a montrer son caract`ere naturel, celui d’un homme primesautier, vif, sinc`ere et cat'egorique, ne pouvait s’emp^echer de s’'ecrier, alors que Juve achevait ce pan'egyrique :

— Tout cela est tr`es bien, messieurs, tr`es bien… mais l’affaire se complique de plus en plus, et qui donc viendra la d'ebrouiller ?

Soudain, rompant le silence on entendit dans la salle :

— Moi !

Les membres du Conseil se regard`erent interdits. Le colonel-pr'esident fronca les sourcils et, scrutant de ses yeux clairs l’auditoire houleux :

— Qui a parl'e ?

— Moi !

Cependant, fendant avec peine l’assistance, quelqu’un se rapprochait du tribunal militaire et contournant le po^ele qui marque le milieu de la salle, p'en'etrait dans l’enceinte r'eserv'ee aux t'emoins.

Un murmure d’'emotion monta de la foule.

— Silence ! hurla le colonel, qui n’avait pas perdu la t^ete et qui, promenant un regard courrouc'e sur le public, ajouta, menacant :

— Je vous pr'eviens qu’`a la moindre manifestation, favorable ou non, je fais imm'ediatement 'evacuer la salle.

Cependant, le colonel, ayant obtenu un calme relatif, regardait la personne qui venait de s’approcher de la barre des t'emoins et `a laquelle Juve, s’'ecartant un peu, par discr'etion et aussi sans doute par galanterie, avait laiss'e la premi`ere place, face au tribunal de justice militaire.

C’'etait une jeune femme 'el'egamment v^etue d’un grand manteau de fourrure noir. Un voile sombre dissimulait ses traits, toutefois la transparence de ce voile permettait d’apercevoir un visage d’une 'etrange p^aleur.

— C’est vous qui avez dit :

« moi » ? interrogea le colonel.

— Oui, monsieur, en effet.

— Qui ^etes-vous, madame ?

— Je m’appelle Berthe, M lleBerthe, je suis plus connue sous le sobriquet de Bobinette !

En d'epit des menaces du pr'esident, les chuchotements recommenc`erent dans la salle.

Lorsqu’on fut remis de la premi`ere 'emotion occasionn'ee par l’intervention inattendue de Bobinette, le colonel l’interrogea :

— Que pr'etendez-vous faire, mademoiselle, et pourquoi vous ^etes-vous permis d’interrompre l’audience ?

— Vous avez demand'e, monsieur, qui d'ebrouillerait cette malheureuse affaire, et j’ai r'epondu :

« moi ». Car je suis pr^ete `a tout vous dire. Cela, non seulement c’est un devoir que m’impose ma conscience, mais c’est le voeu le plus cher que je puisse formuler `a l’heure actuelle.

L’avis'e d'efenseur de Fandor, M eDurul-Berton, soupconnant les h'esitations des membres du Conseil intervint avec autorit'e :

— Monsieur le pr'esident, d'eclara-t-il en se levant, j’ai l’honneur de solliciter l’audition imm'ediate de ce t'emoin b'en'evole.

Et, pour rassurer le colonel, l’avocat ajoutait :

— C’est votre droit absolu, monsieur le pr'esident, vous pouvez ordonner cette audition en vertu de votre pouvoir discr'etionnaire…

— Et si je m’y oppose ? grogna de derri`ere son bureau le commandant Dumoulin, qui jetait un coup d’oeil hargneux au d'efenseur, son adversaire.

— Si vous vous y opposez, monsieur le commissaire du gouvernement, j’aurai l’honneur de d'eposer imm'ediatement sur le bureau du tribunal des conclusions tendant `a ce qu’il soit statu'e s'eance tenante sur le cas.

Le colonel, plein d’animation, discuta avec ses assesseurs. Ceux-ci tomb`erent d’accord pour ne pas susciter d’incidents de proc'edure. Le colonel approuva :

— Nous entendrons donc ce t'emoin.

Puis, s’adressant `a Bobinette :

— Vous avez la parole, mademoiselle ; mais, auparavant, jurez de dire la v'erit'e, toute la v'erit'e, rien que la v'erit'e. Levez la main droite, et dites : « Je le jure. »

— Je le jure.

Timide au d'ebut, troubl'ee par l’'emotion, mais peu `a peu s’enhardissant, haussant le ton de sa voix. M lleBerthe faisait `a l’auditoire, curieusement attentif, tout d’abord le r'ecit de son enfance.

Elle 'etait fille du peuple, mais bien 'elev'ee, honn^etement. Puis, peu `a peu, au fur et `a mesure qu’elle grandissait, les tentations de toutes sortes l’avaient arrach'ee du droit chemin. Intelligente et d'esireuse de s’instruire, Bobinette, qui avait recu une 'education soign'ee, sup'erieure `a celle de ses compagnes, avait fait de v'eritables 'etudes masculines, obtenu le dipl^ome de bacheli`ere et pris ses inscriptions d’'etudiante `a la Facult'e de m'edecine. Malheureusement, la promiscuit'e des h^opitaux, l’innombrable vari'et'e de gens que l’on y rencontre et aussi le besoin d’argent devaient d'etourner Bobinette des saines satisfactions du travail… Apr`es quelques ann'ees entrem^el'ees de s'erieuses 'etudes et d’`eres de paresse, elle devait renoncer `a obtenir le dipl^ome de docteur et se contenter de son m'etier d’infirmi`ere.

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