Чтение онлайн

ЖАНРЫ

L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
Шрифт:

Et Juve rentra dans la salle d’audience au moment pr'ecis o`u le pr'esident de la Cour d’Assises se levait pour prononcer le verdict.

Le policier qui venait de se tenir de beaux raisonnements, pour se prouver que le sort d’OEil-de-Boeuf lui importait peu, ne put s’emp^echer de fr'emir, aussi bl^eme que l’accus'e, tandis que le pr'esident lisait, d’une voix monotone et indistincte, tous les consid'erants de l’arr^et et qu’il terminait soudain par la phrase fatale :

« En cons'equence, la Cour condamne l’accus'e OEil-de-Boeuf `a avoir la t^ete tranch'ee en place publique… »

OEil-de-Boeuf s’'ecroula sur son banc.

Juve se mordit les l`evres jusqu’au sang.

Il semblait, en v'erit'e, que le grand policier, de m^eme que le condamn'e, e^ut `a subir la rigueur des lois.

21 – UN BOURGEOIS TRANQUILLE

Derri`ere le viaduc du Point-du-Jour, imm'ediatement apr`es la grille de l’octroi qui va des bords de la Seine aux foss'es des fortifications, les quais prennent un aspect tout sp'ecial avec leur enfilade de guinguettes, leurs 'etablissements de plaisir `a bon march'e, la criaillerie musicale des chevaux de bois qui tournent, des orph'eons qui font danser, des orgues de Barbarie qui, continuellement, ont le courage de moudre une sempiternelle

« Valse Bleue ». Il y a l`a le d'ep^ot des « bateaux-mouches », des « hirondelles ». Il y a aussi de nombreux canots o`u s’installent d’innombrables p^echeurs, il y a m^eme, de temps `a autre quelques petits voiliers qui demeurent en panne, faute de vent, et dont le navigateur s’obstine par dignit'e `a ne point gagner l’^ile de Billancourt en faisant force de rames.

Endroit champ^etre qui sent son faubourg d’une lieue, bals musettes o`u l’on n’oserait s’aventurer sans armes, cirques de plein air, photographes ambulants, tout concourt `a faire de ce coin de la banlieue le rendez-vous aim'e du peuple badaud de Paris, du gavroche qui paie une journ'ee de plein air `a son amie, la grisette, de l’apache qui offre deux heures de repos `a sa « marmite ».

— H'e, l`a-bas, si qu’on s’envoyait deux ronds de frites ?

Au long du quai, marchant avec amour sur l’herbe br^ul'ee du remblai, – une herbe jaune et sale, couverte de poussi`ere, gr^ace au fr'equent passage des automobiles qui n’'eprouvent aucune g^ene `a transformer la route du bord de l’eau en piste d’essai – un groupe compact s’avancait.

Il y avait l`a des hommes et des femmes, les uns ^ag'es, les autres tout jeunes, quelques-uns gais, quelques autres tristes, tous marchant de ce pas lourd et tra^inard qui est le pas habituel des ouvriers lorsqu’ils ne se rendent plus `a l’atelier, lorsqu’ils marchent droit devant eux, pour se promener, pour s’amuser, et qu’en r'ealit'e ils s’ennuient profond'ement, ne sachant que faire, d'esoeuvr'es, sans but, sans direction bien pr'ecise.

— Si qu’on s’offrait deux ronds de frites, reprit le jeune homme maigre, qui, ayant remont'e le remblai, semblait humer avec d'elices les relents empest'es s’'echappant d’un po^elon o`u une marchande faisait cuire, pour les verser ensuite dans de petits cornets de papier, des rondelles de pommes de terre.

— Eh bien, mon vieux Costaud, t’a pas la trouille, toi. C’est-y que tu vas payer, aussi ?

— As pas peur, Ernestine, j’suis encore l`a pour t’offrir un cornet. Si le Bedeau n’y voit pas d’inconv'enient ?

Le Bedeau n’en voyait aucun.

D’abord le sinistre apache, en principe, trouvait qu’il fallait ^etre deux fois stupide pour se montrer jaloux d’une « marmite », ensuite, comme il n’avait jamais le sou et qu’il 'etait goinfre de temp'erament, il estimait qu’un copain pouvait parfaitement payer une tourn'ee de frites sans risquer de lui porter ombrage pour autant.

Le Bedeau lui-m^eme approuva :

— Allez, hop, les autres, radinez-vous un peu par ici. Il y a justement le Costaud qui offre `a chacun deux sous de frites.

— Ah, mince, alors s’'ecria un grand d’allure renfrogn'ee et qui n’'etait autre que le Barbu, l’ancien lieutenant de Fant^omas, ah, mince, qu’est-ce qu’elle va dire la marchande quand elle va voir combien c’est qu’il faut qu’on en d'ebite de sa marchandise pour que chacun de nous en ait.

Ils 'etaient nombreux, en effet.

Toujours `a la facon d’une bande d’enfants, les poteaux se rassembl`erent autour du po^elon, et la marchande, imm'ediatement, une brave femme qui, pourtant, n’avait pas froid aux yeux, se vit litt'eralement ahurie par les plaisanteries dont on l’assaillait :

— H'e, Maman la Friture, commanda de sa voix faubourienne le Costaud, un mec que l’on aimait beaucoup dans tous les assommoirs de la Villette, faudrait voir `a voir s’il y a moyen de servir toute la compagnie ?

— Oui, criait Ernestine de sa voix piaillarde, servez-nous, Maman Friture, rapidement, et qu’il n’y ait pas de punaises, hein, dans vos patates.

Il y avait dans la compagnie un mince garconnet qui, pendant que l’on se groupait tout autour de la marchande, avait trouv'e

« tr`es farce » d’essayer de plonger sa main dans la po^ele pour y choper une pomme de terre. Il s’'etait horriblement br^ul'e.

— Bon Dieu de salaud de Prussien, hurlait-il, scandalis'e, ben vrai, Maman Friture, c’est du feu chaud dont vous vous servez.

L’'emoi un peu calm'e, le bless'e consol'e par les dames, qui, toutes, avec un bel ensemble, lui avaient offert de lui sucer les doigts, histoire d’'eviter que ca fasse une cloque, le Costaud donnait ses indications :

— Et d’abord, combien c’est ti’ qu’on est au juste ? allez, tous par rang de taille, ah, nom d’un chien, c’est comme au r'egiment, un par un, fixe, Maman Friture, je vous pr'esente la Soci'et'e.

Et le Costaud qui aimait `a rire, continuait, soulignant ses commandes de commentaires blagueurs :

— Voil`a, Maman Friture, d’abord, `a tout seigneur, tout honneur, `a celui-l`a, le vieux qui a une barbe blanche de Mathusalem et l’air joyeux d’un croque-mort, autrement dit, au Roi des Chiffonniers, car c’est lui en personne, versez double ration, quatre sous de frites, c’est moi qui r'egale. Bon, passez `a la caisse, `a un autre. Celui-l`a, Maman Friture, le p’tit qui fait une si dr^ole de grimace, et qui porte une casquette pour s’donner des airs d’'el'egance, versez-lui un sou de frites seulement. Tiens, parbleu, c’est un capitaliste et je ne les aime pas, pas vrai, Camelot ?

— Va toujours, Costaud, j’te revaudrai ca.

Celui qu’on avait appel'e le « Camelot » n’'etait autre, en effet, que ce marchand de journaux qui, plusieurs fois d'ej`a, s’'etait m^el'e `a la bande des chiffonniers campant `a la porte de Saint-Ouen. Il recut avec une mimique peu satisfaite un cornet ne contenant, en effet, qu’une demi-portion de frites.

Mais le Costaud continuait les pr'esentations :

— H'e, Maman Friture, c’est pas tout. Versez-moi quatre sous de frites, dans un seul cornet, maintenant, c’est pour les 'epoux que voici, Papa et Maman Zizi, deux ins'eparables qui font la concurrence aux tourtereaux. Ils peuvent bien bouffer ensemble.

— L`a, je continue, poursuivait le Costaud. Celle-l`a, c’est la m^ome Ernestine, deux sous de frites et demi… autrement dit, mettez-lui-en deux sous « bonne mesure », c’est une marmite, Maman Friture. Faut lui faire « bonne mesure ».

Et comme les 'eclats de rire fusaient, le Costaud exp'edia la fin de son monde :

— Deux sous de frites au Barbu, ainsi nomm'e parce qu’il est tout ras'e, maintenant, rapport `a des ennuis qu’il a eus avec un certain policier. Deux sous de frites au Bedeau, s’il en mangeait plus, ca lui ferait mal `a l’estomac. Deux sous encore pour m'ezigue, parce que j’ai l’estomac, moi, qui s’balade dans mes semelles, une atteinte de boulimie, de fringale, quoi, j’peux pas m’en gu'erir depuis ma naissance. Et voil`a, tout le monde est servi ? Fermez le ban.

Поделиться с друзьями: