L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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Et, derri`ere lui, au c^ot'e de qui Juve venait de se jeter en avant, tous les autres policiers s’'elancaient. En quelques secondes, revolvers au poing, Juve, M. Havard et les agents arrivaient `a la porte du cabinet directorial. Cette porte, ils l’enfoncaient.
Et alors, sans rencontrer la moindre r'esistance, sans m^eme que les uns et les autres eussent eu le temps de voir le cadavre du prince Nikita, les policiers se ru`erent sur le tsar, sur le faux tsar.
Juve, avant tout autre, avait saut'e `a la gorge du bandit :
— Fant^omas, cria-t-il, Fant^omas, vous ^etes pris.
Et Fant^omas, en effet, 'etait pris.
Dix hommes s’agrippaient `a lui.
Deux gendarmes le maintenaient par les pieds, un policier belge lui tordait les bras en arri`ere. Juve qui le tenait toujours `a la gorge, cria :
— Regardez, chef, regardez si je m’'etais tromp'e.
Et, en m^eme temps, Juve, d’une seule main, arracha la barbe postiche coll'ee au visage du forban, d'eroula le cache-nez qui engoncait son cou, fit tomber ses sourcils d’emprunt.
L’homme avait chang'e d’aspect.
Ce n’'etait plus le faux tsar que tenaient les policiers, c’'etait bien Fant^omas, c’'etait bien l’Insaisissable. Le bandit, pourtant, 'etouffait presque.
— Vous voulez me tuer, r^ala-t-il avec une peur soudaine de b^ete prise au pi`ege.
— Vous tuer ? Pas encore. L’'echafaud vous attend, mais je ne suis pas un bourreau.
Juve recula de trois pas et, d’une voix o`u son triomphe faisait vibrer une joie folle, il ordonna aux gendarmes :
— Mettez les menottes `a cet homme. Liez-lui bras et jambes. Au nom de la loi, Fant^omas, je vous arr^ete.
Or, Juve n’avait pas fini de parler qu’un incident grotesque se produisit.
L’un des policiers belges, en effet, qui venaient d’aider `a l’arrestation s’avanca.
— Monsieur Juve, dit tr`es froidement cet agent, pour une fois, savez-vous, c’est impossible que tu arr^etes cet homme. Ici, monsieur Juve, dans cette usine, vous ^etes de l’autre c^ot'e de la fronti`ere, et il faut que ce soit moi, sais-tu, qui arr^ete Fant^omas.
Juve, d’abord, haussa les 'epaules. Puis, bient^ot, prenant son parti de l’aventure :
— Vraiment ? disait-il, tout en toisant Fant^omas qui demeurait impassible, vraiment, nous sommes en territoire belge ici ? Eh bien, tant pis. Arr^etez Fant^omas, monsieur le policier. Le gouvernement francais en sera quitte pour r'eclamer son extradition.
Mais, `a cette minute m^eme, Fant^omas sortit du silence qu’il avait jusqu’alors flegmatiquement gard'e :
— Vous vous trompez, Juve, disait-il il n’y aura pas d’extradition pour moi.
— Pas d’extradition. Pourquoi donc ? Vous vous moquez de moi, Fant^omas ?
— Je ne raille pas, Juve. Tenez, 'ecartez-vous, regardez l`a, pr`es de ce canap'e. Dites-moi, Juve, reconnaissez-vous le corps du prince Nikita ? Je viens de le tuer. Je l’ai tu'e en territoire belge, c’est la Justice belge qui me jugera.
Juve regarda le cadavre, pris de court.
— Vous avez tu'e le prince Nikita, finit-il par articuler, non sans peine, allons donc. Je suis au courant, Fant^omas, le prince s’est fait sauter la cervelle.
— Pourriez-vous le prouver ?
— Qu’importe, m^eme si je ne prouve pas cela, je prouverai autre chose.
— Et quoi donc, s’il vous pla^it ?
— Que vous avez m'erit'e la mort, Fant^omas. En Belgique ou en France, songez-y, l’'echafaud vous attend et…
Mais Juve s’interrompit car Fant^omas venait d’'eclater de rire.
Oui, Fant^omas riait aux 'eclats.
— Monsieur Juve, d'eclara bient^ot le bandit, reprenant son assurance, vous avez remport'e une victoire en me faisant arr^eter, moi, l’Insaisissable. Soit, je le reconnais, je vous en f'elicite. Mais en me faisant arr^eter ici, je remporte, moi aussi, une victoire. L’'echafaud m’attend en Belgique, dites-vous ? Erreur. On n’ex'ecute pas, en Belgique. Il n’y a de peine capitale en Belgique que dans la Loi, mais, en fait, jamais on ne l’applique. C’est une tradition plus forte que le Code lui-m^eme. Je risque les travaux forc'es. Voil`a tout. Les
Et comme Juve, atterr'e cette fois, demeurait muet, an'eanti par la monstrueuse audace dont faisait preuve le G'enie du Crime, c’'etait Fant^omas lui-m^eme, Fant^omas, sup'erieur au Destin, qui se tournait vers les policiers belges :
— Emmenez-moi donc, commandait-il ; cette sc`ene devient grotesque. Juve est par trop ignorant.
Les policiers belges prirent le bandit par les 'epaules. Fant^omas sourit `a Juve, lui d'ecocha un dernier trait :
— Au revoir dit-il, au revoir, Juve. Vous gagnez une partie aujourd’hui, nous jouerons la belle une autre fois.
Juve, d’une voix blanche, put tout juste lui r'epondre :
— Quand vous voudrez, Fant^omas. `A la prochaine. Mais ce sera votre t^ete qui nous servira d’enjeu.
FIN