L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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— Au moins dix lieues. Oh, mon bidet est r'esistant, c’est pas qu’il aille bien vite, mais on peut faire trois lieues `a l’heure, et des fois que vous voudriez d'ejeuner `a la pointe du Raz, en partant de bonne heure demain matin…
— Mais, triple animal ce n’est pas demain matin, c’est tout de suite qu’il faut y aller.
— Dans la nuit ?
— Dans la nuit, oui, certainement.
Apr`es dix minutes de pourparlers, gr^ace `a un g'en'ereux pourboire offert d’avance, Juve d'ecida le Breton `a le conduire le plus rapidement possible. Mais, `a peine avait-on pass'e les derni`eres maisons des faubourgs que la tapissi`ere ralentit, le cheval se mit au pas. On montait une c^ote.
— Une c^ote longue d’au moins quatre kilom`etres, dit le conducteur.
Soudain, le policier poussa une exclamation 'etouff'ee :
— Une auto, dit-il `a Fandor…
Le journaliste se pencha pour mieux voir : `a cinquante m`etres devant eux, se trouvait, en effet, une voiture arr^et'ee sur le bord de la route :
— C’est m^eme une auto en panne.
— En panne, pas absolument, ils ont eu une crevaison de pneus.
— Ca m’a l’air d’une voiture puissante, on dirait une voiture de course, faudrait d'ecider ces gens-l`a `a nous prendre avec eux, `a nous conduire co^ute que co^ute.
— Mais s’ils refusent ? demanda Juve.
— Bah, c’est douteux, on leur expliquera.
Mais Juve pinca le bras de Fandor :
— Ils refuseront.
— Et pourquoi donc ?
— Parce que je sais qu’ils refuseront.
Juve, b'en'eficiant de la lueur d’une lanterne qui 'eclairait en plein visage l’homme en train de changer sa roue, l’avait reconnu.
C’'etait le baronnet Ellis Marshall, que, la veille au soir, il avait apercu dans l’entreb^aillement de la porte du cabinet o`u il s’entretenait avec l’ambassadeur extraordinaire de Russie.
Or, Juve, avec la perspicacit'e qui lui 'etait habituelle, avait `a ce moment-l`a, dans l’espace d’une seconde, acquis la conviction nette que le riche gentilhomme anglais ne s’'etait pas du tout 'egar'e dans l’h^otel de l’ambassadeur et que son pr'etexte de chercher le fumoir n’'etait qu’une excuse.
Juve connaissait trop le monde de la police politique secr`ete et de l’espionnage international pour ne pas avoir soupconn'e aussit^ot le baronnet anglais d’^etre l’agent d’une puissance 'etrang`ere.
Juve, en une seconde, avait envisag'e les diverses hypoth`eses qui se pr'esentaient `a l’esprit. `A coup s^ur, cet Anglais ne devait pas lui ^etre favorable. `A plus forte raison, il convenait d’arriver au but le plus vite possible, il convenait aussi que l’Anglais ne p^ut atteindre ce but vers lequel vraisemblablement il se dirigeait.
Fandor, auquel Juve communiquait sa pens'ee, poussa lui aussi une exclamation 'etouff'ee : quelqu’un accompagnait l’automobiliste : une femme. Et Fandor reconnaissait la princesse Sonia Danidoff :
— Cela se complique, 'evidemment, soupira le journaliste.
Juve, d'ej`a, 'echafaudait tout un plan. Il avait fait signe `a son cocher d’arr^eter. Juve, `a mots pr'ecipit'es, interrogea Fandor :
— Dis donc, petit, fit-il, tu sais conduire ces machines-l`a, pas vrai ?
— `A peu pr`es, observa le journaliste.
— Moi aussi. `A nous deux, on pourrait s’en tirer.
— Pourquoi pas ?
— Eh bien, conclut le policier, il faut donc risquer le tout pour le tout. Pour une fois, nous nous mettons bandits et voleurs.
— Mais, pardon Juve, qu’allons-nous faire ?
— Voil`a. Toi, qu’on ne conna^it pas Fandor, tu vas d’abord aller t’enqu'erir aupr`es de ces gens des causes de leur arr^et. Ellis Marshall vient de remettre son moteur en route, c’est donc que vraisemblablement il n’a eu qu’une panne de pneus. D’autre part, Sonia Danidoff n’est pas encore remont'ee en voiture. Tu vas, sous pr'etexte de savoir s’ils n’ont besoin de rien, te rapprocher d’eux, examiner rapidement le m'ecanisme pour ^etre s^ur de d'emarrer proprement et puis, dame, au petit bonheur.
— Au petit bonheur ?
— Oui, sur un signe que tu me feras, j’aborderai par derri`ere le baronnet anglais. J’ai l’habitude de passer les menottes aux gens sans m^eme me faire voir d’eux. Tu connais le mouvement, pas vrai, Fandor ? un coup de genou dans les reins, cependant que l’on empoigne solidement les deux coudes et que l’on attire les avant-bras derri`ere le dos, c’est l’affaire d’une seconde. Pendant ce temps-l`a tu sautes au volant et moi je te rejoins.
`A pas tranquilles, le journaliste se rapprocha de la voiture automobile. Le coeur lui battait un peu `a l’id'ee de l’agression brutale qu’il allait commettre, d’accord avec Juve. Ce qui l’impressionnait surtout, c’'etait l’id'ee que l’affaire devait ^etre bien importante, que le d'esir d’arriver `a la pointe du Raz tenait bien Juve `a coeur pour que lui, l’homme de devoir et de conscience par excellence, e^ut imagin'e un tel plan.
Fandor, s’'etant rapproch'e de l’automobile, salua discr`etement la princesse Sonia Danidoff qui ne le reconnaissait en aucune facon. Puis, Fandor interrogea Ellis Marshall. Il s’'etait rapproch'e de lui et tr`es adroitement plac'e entre l’automobiliste et sa voiture.
Ellis Marshall r'epondit avec politesse aux interrogations de Fandor. Il le remercia.
— Non, tout marche `a merveille, je viens simplement d’avoir un pneu crev'e.
Mais, `a ce moment, Fandor levait le bras en l’air.
Aussit^ot, le baronnet poussa un hurlement terrifi'e : il tomba `a la renverse et roula dans la poussi`ere.
Fandor, cependant, bondissait au volant de la voiture. En quelques gestes pr'ecipit'es, il s’assurait de la disposition des leviers. Certes, il fit un peu grincer les engrenages, mais il r'eussit quand m^eme `a d'emarrer la voiture.
En l’espace de quelques secondes il en 'etait ma^itre.
— Allons-y, fous le camp, cria Juve.
Un instant apr`es, le policier 'etait aux c^ot'es du journaliste et Fandor, poussant le levier dans le cran de la deuxi`eme vitesse, faisait acc'el'erer l’allure.
— Ca y est, conclut flegmatiquement le journaliste, la voiture s’en va bien, elle est puissante et si nous pouvons marcher comme cela, nous ne tarderons pas `a atteindre…
Il s’interrompit brusquement : un sifflement aigu fr^ola son oreille, cependant que deux d'etonations successives retentissaient.
— Diable, avait grogn'e Juve, tandis que Fandor poursuivait, de plus en plus flegmatique :
— … `A moins que l’une des balles que l’on vient de tirer sur nous ne parvienne `a destination. C’est qu’il n’y va pas de main morte, cet Anglais de malheur.