L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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— Bravo, Juve, c’est magnifique, s’'ecria Fandor, voil`a un plan superbe et qui ne m’'etonne pas de vous. Permettez-moi une petite objection toutefois : si l’homme de vigie ne nous apercoit pas, si le Skobeleff passe `a c^ot'e des pauvres naufrag'es que nous serons sans leur porter secours, qu’adviendra-t-il alors de nous ?
— Ma foi, fit Juve, je t’avoue n’avoir point envisag'e cette possibilit'e.
3 – LE « NOUVEAU » COMMANDANT
— Beau temps, lieutenant Alexis.
— Vous avez raison, docteur, un tr`es beau temps. Et j’ajoute que c’est de la chance. Dans ces parages, une simple brume serait inqui'etante.
Le jeune officier de marine s’interrompit quelques secondes, puis reprit :
— Vous savez que nous passons par le raz de Sein et la baie des Tr'epass'es.
— Ah.
— Ceci n’a pas l’air de vous impressionner ?
— Ma foi, non, lieutenant, pourquoi, d’ailleurs, voudriez-vous que je m’occupe de la route que nous suivons ? C’est votre affaire, et non la mienne.
— D’accord, mon cher docteur, mais…
— Mais, quoi ?
— Ainsi, mon cher ami, vous n’avez nulle 'emotion `a penser que nous c^otoyons la baie des Tr'epass'es ?
— Mais non, encore une fois. Pourquoi ?
— Vous ne trouvez pas ce chemin dangereux ?
— Ah c`a, lieutenant Alexis, depuis ce matin, vous parlez tout le temps de chemins dangereux, de r'ecifs, de courants ? Le Skobeleff n’est-il pas un bon et solide navire, et notre commandant…
— Notre nouveau commandant, docteur…
— Sans doute. Notre nouveau commandant n’est-il pas s^ur de sa manoeuvre ?
Mais l’attitude du jeune lieutenant, comme le docteur r'ep'etait ces mots :
— Lieutenant Alexis, vous ^etes, ce matin, bien nerveux. Allons, vous n’allez pas me faire croire que vous ajoutez foi aux stupides racontars qui circulent `a bord, depuis notre d'epart de Monaco ?
Peut-^etre le lieutenant Alexis aurait-il, tout au contraire, r'epondu qu’il ajoutait grande confiance `a ce que le m'edecin du bord appelait des « racontars », si un troisi`eme interlocuteur n’'etait venu rejoindre les deux amis.
C’'etait le capitaine de vaisseau, comte Piotrowski, faisant fonction de commandant en second du Skobeleff.
Il arrivait le front soucieux, l’air grave.
— Eh bien, lieutenant Alexis, du nouveau ?
— Nullement.
— Vous connaissez les ordres de route ?
— R'edig'es par vous, je crois ?
— R'edig'es par moi, oui, lieutenant. Mais r'edig'es sous les ordres du nouveau commandant.
Et, tout comme le lieutenant Alexis, le comte Piotrowski prononcait si bizarrement ces mots : « Le nouveau commandant » que le m'edecin `a nouveau s’'etonna :
— Mais enfin, mon cher capitaine, faisait-il en se tournant vers le comte, m’expliquerez-vous ce que signifient ces paroles : Notre nouveau commandant ? Tous les officiers du bord disent cela. Le nouveau commandant. Voyons, que diable, vous semblez lui faire un grief, `a ce nouveau commandant, d’avoir remplac'e Ivan Ivanovitch ? Ce n’est pas sa faute, cependant ?
Le comte Piotrowski ne r'epondit pas.
Les trois officiers se trouvaient `a ce moment sur la passerelle de commandement du Skobeleff.
Des marins lavaient le pont `a grande eau, s’occupaient aux corv'ees du matin, astiquaient les cuivres sous la direction des quartiers-ma^itres, le sifflet d’argent aux l`evres.
Le navire, depuis son d'epart, avancait `a toute allure.
— Docteur, r'epondit enfin le capitaine d’une voix tremblante, qu’il paraissait vainement vouloir raffermir, docteur, savez-vous ce que c’est que la peur ?
— La peur ? certes ! Mais enfin, je ne vois pas en ce moment que vous puissiez, mon cher capitaine, conna^itre cet effroyable sentiment ?
— Vous ne voyez pas, docteur ? Vous avez tort. Tenez, tout est tranquille, n’est-ce pas, dans ce matin pur ? Eh bien, je vous le confesse, mon cher ami, j’ai tr`es peur.
La d'eclaration du comte Piotrowski 'etait si inattendue que le m'edecin voulut plaisanter :
— Vous avez la fi`evre, fit-il. De quoi auriez-vous peur, sans cela ?
— De tout et de rien.
— Vous avez peur de quoi ? Pr'ecisez ?
— Du nouveau commandant !
— Que lui reprochez-vous, `a la fin ?
— Je vous le r'ep`ete : tout et rien…
— Allons donc ? C’est en possession d’une r'eguli`ere commission que le nouveau commandant a pris possession de son poste.
Le commandant en second du Skobeleff se retourna brusquement pour r'epondre :
— Et si l’homme qui nous commande 'etait un imposteur ? Si sa commission n’'etait pas r'eguli`ere, que diriez-vous ? que penseriez-vous ?
L’officier venait de parler d’un ton si profond'ement 'emu que le m'edecin ne put s’emp^echer de tressaillir.
Certes, l’hypoth`ese que formulait le comte Piotrowski 'etait terrible, mais elle semblait parfaitement d'eraisonnable. Le m'edecin se tourna vers le lieutenant Alexis :
— Mon cher lieutenant, j’imagine que ma supposition de tout `a l’heure 'etait fond'ee. `A coup s^ur, le capitaine a la fi`evre. N’est-ce pas votre avis ?
Mais le lieutenant r'epondit s'erieusement :
— Docteur, il y a des moments o`u je me prends `a songer que notre capitaine pourrait avoir raison.
— Qui vous fait croire `a pareilles choses ?
Ce fut le comte Piotrowski qui interrompit le m'edecin :
— 'Ecoutez-moi, faisait-il, vous n’assistiez pas, docteur, au Conseil que nous avons tenu hier soir, au carr'e des officiers.
Par d'ef'erence pour le grade 'elev'e du commandant Piotrowski, le lieutenant Alexis avait fait mine de se retirer discr`etement, lorsque le comte le rappela :
— Restez donc, mon cher ami, vous n’^etes pas de trop. Donc, docteur, hier soir, au carr'e, sur un mot futile et bien par hasard, nous nous sommes mis, les uns et les autres, `a parler de notre actuel commandant. Mon cher ami, je ne vous cacherai pas que nous sommes tous tomb'es d’accord, tous, pour trouver que sa conduite 'etait 'etrange, surprenante, inqui'etante. Je vous disais tout `a l’heure que je me demandais si notre commandant n’'etait pas un imposteur, nous nous sommes pos'e la question, hier.