L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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— En quoi vous m’avez trahi ?… en ceci : vous vous 'etiez engag'e, monsieur Juve, `a retrouver le portefeuille rouge. J’'etais charg'e par mon gouvernement de le rapporter au tsar. Le tsar attendra demain, monsieur, `a la fronti`ere, que je vienne lui restituer ce document. Je ne saurais le faire si vous ne me le livrez pas. Or, vous ne me le livrez pas. Le portefeuille rouge que vous deviez me remettre, vous ne l’avez pas retrouv'e. Ou vous n’avez pas voulu le retrouver, je n’en sais rien.
« Demain le tsar croira que je n’ai point su me d'evouer `a sa cause, mais demain je serai mort, je me serai tu'e de ma propre main. Et vous serez mort aussi, vous, Juve, parce que j’estime que si vous l’aviez voulu, vous auriez le portefeuille et que vous ne l’avez pas.
— Le voici.
Le bras de l’officier, une seconde avant tendu vers Juve, le menacant d’un revolver, s’abaissa lentement.
Et des l`evres du lieutenant s’'echappaient une s'erie de phrases, de phrases sans suite, qui trahissaient le d'esarroi de sa pens'ee :
— Je ne le vois pas. Ce n’est pas lui. C’est impossible. Ah mon Dieu.
Dans l’exc`es de son bonheur, l’envoy'e du tsar semblait ne plus m^eme comprendre que c’'etait bien le portefeuille rouge, le fameux portefeuille rouge qu’il avait l`a, `a port'ee de sa main, offert `a son d'esir, retrouv'e, sauv'e, pr^et `a ^etre remis au tsar.
Le policier en cet instant go^utait l’^apre volupt'e du triomphe, du triomphe d'efinitif qu’il venait de remporter sur Fant^omas, en faisant parvenir `a l’envoy'e du tsar le portefeuille rouge, ce portefeuille rouge que Fant^omas avait voulu ravir, qu’il avait ravi par deux fois, mais que Juve pouvait ^etre fier de lui avoir repris. Juve, toutefois, 'etait trop simple, trop bon aussi pour 'eterniser l’angoisse du malheureux officier.
Il le voyait devant lui, p^ale et tremblant, si 'emu qu’il ne pouvait articuler une parole. Il en eut piti'e.
— Prince Nikita, commencait Juve, remettez-vous donc, tout est bien qui finit bien. Vous avez maintenant le document. Je suis d'echarg'e de ma mission. J’ajouterai `a cela un conseil. Ne gardez pas trop longtemps le portefeuille rouge en votre possession, h^atez-vous de le porter au tsar. Ceux qui ont int'er^et `a s’en emparer ne reculeront devant rien, vous le savez, pour arriver `a leurs fins. Vous avez le portefeuille, c’est bien. Quand vous l’aurez remis au tsar, ce sera mieux encore.
— Vous avez raison, monsieur Juve, je suis maintenant, moi aussi, pris d’une h^ate extr^eme de me d'ebarrasser de ce redoutable document. Mais n’ayez crainte, avant de venir vous retrouver, avant la sotte sc`ene que je viens de vous faire et dont je vous demande infiniment pardon, j’avais bien r'efl'echi. J’ai examin'e la mani`ere dont je dois faire tenir ce document au tsar. Je suis assur'e que rien n’emp^echera l’Empereur, mon ma^itre, d’en prendre connaissance.
— Vous ^etes assur'e, demanda-t-il, que rien ne vous arrivera ? que vous parviendrez sans encombre jusqu’au tsar avec ce portefeuille dans votre poche ?
— Vous allez voir.
Le prince Nikita tira de sa poche un 'el'egant canif d’argent. Il l’introduisit de force dans le maroquin et, devant Juve 'ebahi, il commenca `a couper le cuir du portefeuille, du portefeuille rouge qu’il lui 'etait impossible d’ouvrir en raison de sa serrure secr`ete incrochetable.
— Vous le voyez, monsieur Juve, je coupe le cuir de ce portefeuille. J’ouvre ce portefeuille : voici le document, je le lis.
Le prince Nikita, visiblement en proie `a une terrible 'emotion, mais parfaitement de sang-froid, raisonnait `a merveille, faisant le geste qu’il annoncait.
Il ouvrit en effet le portefeuille rouge, il en tira une feuille de papier aux armes imp'eriales, il lut le document.
— Monsieur, commenca Juve, vous parliez tout `a l’heure de trahison. L’ordre 'etait formel. Nul ne devait parcourir ce document secret.
— Je le sais, monsieur Juve.
Toujours tr`es p^ale, le prince Nikita continuait de prendre connaissance du myst'erieux papier.
Il le lisait lentement, en homme qui en grave les mots dans sa m'emoire, il le lisait avec un soin extr^eme, puis le lisait `a nouveau, le relisait encore.
— Maintenant, monsieur Juve, d'eclara brusquement le prince Nikita, je r'eciterai ce texte par coeur.
— Vous ne deviez pas le conna^itre.
— Non, monsieur Juve, ce n’est pas tout `a fait exact. Nul, hors le tsar, ne doit conna^itre le contenu de ce texte. Voil`a tout. Je vous donne ma parole que nul ne le conna^itra.
— Mais vous, prince.
— Moi, monsieur Juve, moi ? je me suis rendu compte que tout simplement j’'etais expos'e `a me faire voler ce portefeuille si je tentais de l’apporter au tsar. C’est pourquoi je l’ai ouvert, c’est pourquoi j’ai lu le document… c’est pourquoi encore…
Mais le prince Nikita s’interrompit.
Avant que Juve e^ut pu intervenir, il avait tir'e de sa poche un briquet, il l’enflamma, il approcha de la flamme le document myst'erieux, en br^ula les feuillets.
— Prince, hurla Juve, au comble de l’'emotion, que faites-vous l`a ?
Le prince Nikita, d’un geste de la main, calma le policier, et lentement, du ton d’un homme parfaitement d'ecid'e, grave et tr`es calme, le lieutenant expliqua :
— Ne vous effrayez pas, ce que je fais est un acte purement r'efl'echi, je vous disais tout `a l’heure que j’apprenais ce document par coeur, demain j’irai le r'eciter au tsar et si le tsar estime que je n’ai pas eu raison de d'etruire ce texte apr`es en avoir pris connaissance et cela pour ^etre certain qu’il ne puisse jamais retomber entre les mains de personne, je saurai, monsieur, faire mon devoir. Je saurai faire en sorte que, le tsar averti, il n’y ait plus que lui, mon ma^itre, qui sache ce que contenait le portefeuille rouge.
30 – LA VOLONT'E DU TSAR
Juve venait de se r'eveiller.
Le policier avait `a peine ouvert les yeux qu’`a demi v^etu il se pr'ecipitait comme un fou vers la chambre de son appartement mise la veille au soir `a la disposition du prince Nikita, en lui faisant remarquer que le mieux 'etait pour lui de sortir le moins possible, de se montrer le moins possible, et cela afin de ne pas s’exposer `a des attaques, d’ailleurs peu probables, mais cependant susceptibles de se produire, de l’extraordinaire Fant^omas.
— Couchez chez moi, avait conseill'e Juve. Vous me dites que vous avez rendez-vous avec le tsar demain soir `a la fronti`ere belge, `a l’usine des fr`eres Rosenbaum, `a Feignies. Il sera bien temps pour vous de prendre l’express du matin et vous ^etes ici `a l’abri plus que n’importe o`u.
Le prince Nikita avait accept'e. Juve et lui avaient 'et'e se reposer, sans crainte, sans pr'eoccupation, car, aussi bien, puisque le prince avait d'etruit le fameux document, il n’apparaissait plus d'esormais que rien p^ut emp^echer l’officier russe de remplir sa mission aupr`es de l’Empereur de toutes les Russies.