L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
Шрифт:
Il y eut des grands rires. Puis quelqu’un sursauta :
— Tiens, qui c’est qui vient de refermer la porte ?
Du m^eme geste, tous tourn`erent la t^ete. Un homme inconnu, `a figure de pauvre h`ere, qui paraissait sommeiller `a l’entr'ee du mastroquet, 'etait parti.
Les autres, un instant, demeuraient stup'efaits, inquiets de cette disparition furtive. Le p`ere Korn, lui se pr'ecipitait.
— Ah nom de Dieu ! hurlait le cabaretier. Et il n’a pas raqu'e, ce salaud-l`a !
Mais, arriv'e `a la table o`u l’homme avait pris place, le p`ere Korn s’immobilisa.
— Eh ben, mes cochons, radinez voir…
Les apaches se bouscul`erent. Sur la table il y avait un louis de vingt francs. `A c^ot'e, il y avait, grav'e, `a la pointe du canif sur le vernis du bois, une inscription :
« Fant^omas vous prie tous de vous taire, il n’aime pas les bavards ».
La grande Berthe avait 'epel'e cette phrase d’une voix tremblante.
— C’'etait lui, bon Dieu ! hurla-t-elle.
Et le Bedeau lui-m^eme confirmait la supposition :
— S^ur que c’'etait lui !
Puis OEil-de-Boeuf avait un claquement de langue :
— M’est avis que si Fant^omas est parti, s’il court les rues `a c’t’heure-ci, cette nuit pr'ecis'ement, eh bien, la lady Beltham elle n’a qu’`a se tenir sa peau `a deux mains et `a pr'eparer du fil pour la recoudre au besoin. Le Fant^omas pourrait bien s’^etre barr'e pour aller la crever…
***
Sorti du cabaret du p`ere Korn, Fant^omas avait suivi la rue de la Charbonni`ere et gagn'e les boulevards ext'erieurs en grande h^ate.
Il n’avait pas perdu un mot de ce qu’avaient dit les apaches et, entr'e au cabaret tout souriant, ne paraissant nullement pr'eoccup'e, il en sortit le front soucieux, se mordant les l`evres, l’air hagard.
Fant^omas 'etait-il tout simplement furieux de voir que l’on savait dans la p`egre la myst'erieuse affaire de la menace de mort adress'ee `a lady Beltham ?
'Etait-il, au contraire, boulevers'e en apprenant que tout le monde croyait que c’'etait lui qui menacait sa ma^itresse ?
Fant^omas, ayant march'e jusqu’`a la place Clichy, puis ayant baiss'e le col de son veston, arrang'e savamment sa casquette pour se donner l’air plus pr'esentable, il h'ela un taxi-auto.
L’infernal bandit poss'edait vraiment l’art subtil de se grimer en moins de rien. Il lui suffisait de changer quelques d'etails `a son costume, d’affecter une nouvelle d'emarche, pour devenir m'econnaissable. Dans le cabaret du p`ere Korn, Fant^omas avait eu l’air d’un pauvre bougre, d’un apache. Place Clichy, il apparaissait plut^ot comme un honn^ete ouvrier attard'e.
— Conduisez-moi `a la gare de Courcelles ! ordonna-t-il au chauffeur.
Arriv'e place Pereire, il paya le prix du voyage, et prit l’avenue de Niel.
Fant^omas 'etait de plus en plus soucieux. Il serrait les dents. Par moments, ses poings se crispaient. Une col`ere sourde 'evidemment l’envahissait petit `a petit. Soudain, son front se rass'er'ena :
— Ah, fit-il, Juve n’est pas trop b^ete.
`A quelque distance, Fant^omas venait d’apercevoir une voiture automobile rang'ee le long du trottoir, autour de laquelle deux hommes s’affairaient, dans l’intention apparente de regonfler les pneumatiques. Fant^omas avait imm'ediatement reconnu Nalorgne et P'erouzin.
— 'Evidemment, murmurait le bandit, si Juve a plac'e l`a ces deux fantoches, c’est dans l’intention de me faire comprendre que la place est surveill'ee. Ou je me trompe fort, ou lady Beltham doit ^etre gard'ee, et strictement gard'ee par les plus fins limiers de la Pr'efecture. Je jurerais que son appartement est bond'e d’inspecteurs. Juve est l`a je pense.
Le bandit avanca encore de quelques m`etres, insoucieux du danger qu’il courait `a se montrer dans ces lieux :
— Tr`es bien, murmura-t-il encore, il y a une 'etincelle sur le toit. Je dois en conclure qu’il y a l`a un inspecteur de la S^uret'e, et que cet imb'ecile, en d'epit des ordres formels qu’`a d^u lui donner Juve, se permet d’en griller une.
Fant^omas avancait toujours. Il arrivait `a la hauteur de la voiture automobile. Il appela, d’une voix tranquille :
— Nalorgne ! P'erouzin !
— Qui va l`a ? hurla P'erouzin.
— Pas un pas ou vous ^etes mort ! cria Nalorgne.
Et Nalorgne brandissait, terrible, une pompe `a pneumatiques.
Fant^omas s’embarrassa peu de cette facon de le recevoir.
— C’est moi, d'eclara-t-il simplement, en consid'erant les deux policiers. J’imagine que vous ^etes toujours mes amis ?
Fant^omas ne menacait pas Nalorgne et P'erouzin, mais il tenait son browning `a la main, sans ostentation.
Et Nalorgne et P'erouzin, imm'ediatement, comprirent qu’il valait mieux ne pas tenter une arrestation qui pouvait ^etre p'erilleuse.
— 'Evidemment, r'epondait Nalorgne, nous sommes toujours vos amis.
Et P'erouzin continuait :
— Et puis on ne s’occupe plus gu`ere de police. Nous avons bien assez `a faire avec notre voiture. C’est compliqu'e d’arr^eter les gens, mais c’est encore plus compliqu'e de faire marcher cette bagnole-l`a.
Ce n’'etait pas le moment de plaisanter et Fant^omas l’interrompit rudement :
— Taisez-vous ! ordonna-t-il. Vous n’avez qu’`a r'epondre `a mes questions et voil`a tout. Que faites-vous ici ? O`u est Juve ?
— L`a-bas, r'epondait P'erouzin en clignant de l’oeil, chez lady Beltham.
— Seul ?
— Non, avec L'eon et Michel.
— Il y a d’autres agents ?
— Oui, on en a mis partout, affirma Nalorgne, d’un ton satisfait.
Et il interrogea :
— Avez-vous vraiment l’intention de tenter quelque chose cette nuit, Fant^omas ?
Mais `a ce moment, Fant^omas paraissait de meilleure humeur que quelques instants avant. Il consid'erait `a nouveau Nalorgne et P'erouzin camp'es devant lui :
— Vous ^etes des imb'eciles, d'eclara le Ma^itre, mais vous n’^etes pas de m'echantes gens, je m’en souviendrai.
Et, sur cette phrase 'enigmatique, il tourna les talons, il s’'eloigna.
Or, `a peine 'etait-il parti, que Nalorgne et P'erouzin se regard`erent stup'efaits :
— Qu’est-ce que cela veut dire ? dit Nalorgne.