L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
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— H'el`ene, reconnais-moi donc ?
— Blanche Perrier, est-ce possible ? c’est toi ?
— Oui H'el`ene. Oui c’est bien moi. Comme je suis heureuse de te revoir !
Et instinctivement, sans en demander davantage, les deux femmes dans un besoin spontan'e de tendresse et d’affection, se jet`erent dans les bras l’une de l’autre et s’'etreignirent tendrement.
Nagu`ere, H'el`ene et Blanche s’'etaient rencontr'ees, connues, aim'ees.
La fille de Fant^omas, en effet, au cours de son aventureuse existence avait connu la modeste ouvri`ere dont elle avait appr'eci'e les grandes qualit'es de courage et de coeur, elle s’'etait int'eress'ee `a elle, l’aidant de ses conseils. H'el`ene avait assist'e `a l’amour naissant de Didier Granjeard pour la jeune ouvri`ere. Puis, brusquement, les hasards de la dramatique existence que vivait la fille de Fant^omas l’avaient s'epar'ee de son amie dont elle conservait cependant un agr'eable souvenir, alors que, de son c^ot'e, Blanche Perrier gardait `a H'el`ene, au fond de son coeur, une affection tr`es sinc`ere.
Les premi`eres effusions pass'ees, H'el`ene retrouva toute sa pr'esence d’esprit, sa nettet'e de raisonnement quasi masculine pour interroger cette amie qu’elle retrouvait dans des conditions si extraordinaires :
— O`u sommes-nous ? demanda-t-elle.
— Je ne sais pas. Nous sommes ici dans une maison, grande, d'eserte, abandonn'ee, aux fins fonds d’une campagne, c’est tout ce que je puis te dire, c’est tout ce que je sais.
— Tu plaisantes, Blanche ?
— Je te dis la v'erit'e.
— O`u est J'er^ome Fandor ? qu’est-il devenu ?
— J'er^ome Fandor ? devait-il donc venir ici ?
La jeune femme avait bien entendu parler, longtemps auparavant, du c'el`ebre journaliste, aussi populaire que Juve, aussi notoire que Fant^omas. Mais elle ignorait totalement les relations qu’il pouvait y avoir entre H'el`ene, son amie, et J'er^ome Fandor.
— Que lui veux-tu donc ?
— Ce que je veux ? s’'ecria H'el`ene, mais Blanche, c’est mon sauveur. Songe donc qu’hier encore, j’'etais captive, enferm'ee dans une affreuse et sinistre prison, c’est lui qui m’en a fait 'echapper ! M’a-t-il conduite ici ou ai-je 'et'e arrach'ee `a sa sollicitude ?
Mais Blanche ne suivait pas. Soudain, H'el`ene changea de sujet. Elle demanda :
— Es-tu seule dans cette maison ?
— Il me semble que je suis seule, avec mon enfant, mon petit Jacques.
— Alors, continua H'el`ene, c’est toi qui m’as parl'e cette nuit, de l’autre c^ot'e de la porte ferm'ee, au premier 'etage ?
— Non, d'eclara Blanche, je ne t’ai pas parl'e.
— Tu ne m’as pas entendue appeler ?
— Je n’ai rien entendu, j’ai m^eme dormi d’un sommeil lourd, profond.
— Je t’assure, que… `A moins qu’il n’y ait une autre femme ici, ce qui, d’ailleurs, est fort possible… Blanche, viens avec moi, mais auparavant, explique-moi ce que tu veux faire ? De mon c^ot'e, c’est clair : je m’en vais, je pars, je quitte cette maison.
— Non, ne me quitte pas.
— Mais, je t’emm`ene.
— C’est impossible. Nous ne devons sortir ni l’une, ni l’autre, c’est d'efendu.
— Alors, je partirai seule.
— Je t’en prie H'el`ene, ne fais pas cela, je serais oblig'ee de t’en emp^echer.
— De m’en emp^echer ?
— De t’en emp^echer. Tu es ici, enferm'ee prisonni`ere…
— Moi ? ah, par exemple, mais pourquoi veux-tu que je reste ?
— Parce que j’ai peur.
— Serais-tu devenue mon ennemie, Blanche ?
— Oh, H'el`ene, tu as pu croire un seul instant ? Non, mais si j’agis de la sorte, si je te supplie de rester, si je t’y oblige, c’est pour ton bien, assur'ement, car, en agissant de la sorte, je ne fais qu’ex'ecuter les ordres de Juve.
— De Juve ? s’'ecria H'el`ene, au comble de la stup'efaction, tu connais Juve ? Il t’a parl'e de moi ?
Blanche s’expliqua :
— C’est Juve qui m’a conduite ici, lui-m^eme, pour me soustraire aux mal'efices des terribles adversaires que j’avais `a redouter, m’a-t-il assur'e. Il m’a annonc'e depuis quelques jours ta venue, sans te nommer, d’ailleurs, mais en pr'ecisant que j’aurais une compagne sur laquelle je devrais veiller, dont je serais responsable. Cette compagne, c’est toi. Je l’ai compris tout de suite en te voyant.
Blanche fournissait encore quelques explications. H'el`ene n’insistait pas, singuli`erement troubl'ee ; elle r'efl'echissait, se demandant ce que tout cela pouvait bien signifier.
— Il faut aviser, pensa-t-elle, il est bon de ne pas prendre une d'ecision `a la l'eg`ere.
H'el`ene, en effet, avait trop souvent v'ecu de tragiques aventures pour ne pas s’^etre accoutum'ee `a la prudence et `a la circonspection. Et elle renonca provisoirement `a son projet primitif de s’enfuir. Elle d'ecida d’attendre, d’'etudier au pr'ealable la situation, la topographie de l’endroit bizarre et myst'erieux dans lequel elle se trouvait.
Blanche s’ing'eniait `a satisfaire les d'esirs d’H'el`ene, `a pr'evenir ses besoins. Elle lui pr'eparait un repas avec des provisions trouv'ees dans une cuisine merveilleusement am'enag'ee, sans que Blanche p^ut savoir l’origine des approvisionnements que l’on y renouvelait sans cesse.
Blanche avait fait conna^itre `a H'el`ene le petit Jacques, puis, avant que la nuit ne f^ut enti`erement tomb'ee, les deux femmes 'etaient all'ees faire `a pied le tour de la maison.
H'el`ene, aventureuse, audacieuse, sans cesse, voulait s’'ecarter de la maison, p'en'etrer sous les bois pour en interroger le myst`ere, Blanche, craintive la retenait, la suppliait de n’en rien faire, de ne pas s’'eloigner.
Puis, elles 'etaient rentr'ees et, apr`es une longue conversation au cours de laquelle elles envisag`erent les plus extraordinaires hypoth`eses au sujet de leur captivit'e respective, les deux femmes avaient d'ecid'e de se coucher.
Blanche avait dress'e un lit pour H'el`ene dans sa chambre.
Et la fille de Fant^omas, un peu ironique, avait plaisant'e son amie `a ce sujet :
— Tu me surveilles ? avait-elle dit. Je vois que tu te m'efies encore de mon humeur ind'ependante et que tu tiens `a toujours avoir l’oeil sur moi.
Blanche n’avait pas dit non.
***
— H'el`ene.
— Blanche.
— As-tu entendu ?
— Non, rien.
— 'Ecoute, ca recommence.
Au milieu de la nuit les deux femmes avaient 'et'e r'eveill'ees en sursaut, elles ne savaient pas pourquoi. H'el`ene avait ni'e avoir entendu quelque chose, par simple bont'e d’^ame vis-`a-vis de sa craintive amie. Mais, en r'ealit'e, elle avait percu un bruit, un bruit auquel elle ne se trompait pas, bruit net et cat'egorique, ais'ement identifiable, bruit que fait un homme en courant, le bruit de pas lourds et pr'ecipit'es.
Elles pr^et`erent l’oreille toutes deux. Apr`es un silence momentan'e, le bruit des pas recommenca. Il provenait du rez-de-chauss'ee, on reconnaissait fort bien le choc des chaussures, heurtant le dallage en pierre du grand hall.
— Cette fois, murmura Blanche, d’une voix qui tremblait, il n’y a plus de doute.
H'el`ene, d’une voix nette, r'epliqua :
— Il n’y a plus de doute en effet, quelqu’un marche au rez-de-chauss'ee.
— Il monte pr'ecisa Blanche. Je reconnais le bruit de ses pas dans l’escalier.