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ЖАНРЫ

L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
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Fant^omas avait d'ecid'e d’assassiner Didier et de faire croire que les auteurs de ce crime n’'etaient autres que ses parents, puis, apr`es avoir fait arr^eter ces derniers, de les lib'erer par un artifice dont ils lui sauraient gr'e.

D’autres se seraient content'es d’avoir obtenu cinq cent mille francs de la m`ere, en lui disant que, moyennant cette somme, elle arrachait son fils a^in'e `a l’'echafaud et cinq cent mille francs de ce fils, en lui persuadant qu’`a ce prix sa m`ere coupable ne serait pas inqui'et'ee. Mais Fant^omas n’'etait pas satisfait : il voulait mieux encore, le bandit savait que la fortune des Granjeard s’'elevait `a plusieurs millions, et l’app^at du gain lui donnait le d'esir de se les approprier tous. Les Granjeard, libres et innocent'es, ne voulaient pas payer, Fant^omas avait imagin'e autre chose. Il s’agissait de les compromettre encore et c’est pourquoi il avait assassin'e, quelques jours auparavant, la malheureuse Blanche Perrier. Fant^omas, en attendant l’arriv'ee des Granjeard, r'efl'echissait `a tous ces 'ev'enements :

— Mon coup est tr`es avanc'e, se disait-il, il ne me reste plus qu’une passe `a franchir et j’aurai gagn'e la partie.

Le visage de Fant^omas, cependant, se rembrunit.

— Le tout, grommelait-il tout bas, est de savoir ce que Juve leur a dit hier. Suis-je br^ul'e `a leurs yeux ? ou cet imb'ecile de policier, ne voulant pas se nommer encore, par prudence, a-t-il de la sorte, laiss'e le champ libre et la voie ouverte `a mes d'esirs ?

C’'etait l`a, en effet, toute la question qui se posait pour Fant^omas. Lorsque les Granjeard allaient entrer dans le salon, y p'en'etreraient-ils avec la conviction qu’ils se trouvaient en face d’un imposteur, doubl'e d’un ma^itre chanteur, ou alors croiraient-ils encore au Juve qu’ils avaient d'ej`a connu et par lequel ils se pensaient prot'eg'es ?

Mais il fallait s’attendre `a tout, c’est pour cela que Fant^omas avait dans sa poche un revolver charg'e. Le bandit 'etait optimiste et il se disait que sa bonne 'etoile lui permettrait certainement de mener `a bien son entreprise. D`es lors, pensait-il, il faut agir carr'ement, nous n’avons plus une minute `a perdre.

Fant^omas s’arr^eta de penser, car l’heure de l’action sonnait : la porte s’'etait ouverte, Mme Granjeard, suivie de ses deux fils, entrait dans le petit salon.

D`es le premier coup d’oeil, d`es l’'echange du premier regard, Fant^omas poussait un imperceptible soupir de satisfaction. En voyant ses interlocuteurs, il se rendait compte que rien n’'etait chang'e, il comprenait que Juve n’avait point r'ev'el'e sa propre personnalit'e et que, par cons'equent, le policier ne l’avait point br^ul'e, lui, Fant^omas, dans l’esprit des Granjeard.

Rassur'e de ce c^ot'e, Fant^omas, d`es lors, se r'ev'ela d’une audace et d’un cynisme qui n’avaient plus de bornes. Il n’avait rien `a craindre, il n’allait pas se faire faute de terrifier les Granjeard pour en obtenir le plus d’argent possible d’eux.

Et, tout d’abord, prenant une physionomie hypocritement triste et s'ev`ere, Fant^omas salua les nouveaux venus de ces mots :

— Blanche Perrier est morte, morte assassin'ee.

— Oui, dit Mme Granjeard, nous avons appris cet 'epouvantable drame. Nous sommes d'esol'es. Nous regrettons. Pauvre femme.

Paul Granjeard intervint `a son tour :

— C’est d'esolant, mais nous n’y pouvons rien.

— Croyez-vous ? fit Fant^omas.

Les Granjeard le regard`erent, surpris. Le faux Juve poursuivit :

— Vous aurez peut-^etre `a vous expliquer tr`es prochainement sur le d'ec`es de cette malheureuse.

— Nous ? s’'ecri`erent ensemble la m`ere et les deux fils.

Imperturbable, Fant^omas poursuivit :

— Le juge d’instruction Mourier a d'ecid'e de proc'eder `a nouveau `a votre arrestation. C’est une question d’heures.

— Mais pourquoi ? que signifie ?

— Oh, le raisonnement du magistrat est fort clair, il vous sera bien difficile de le d'etruire. Voil`a : vous ^etes suspects d’avoir fait dispara^itre la seule personne qui pouvait constituer pour vous un t'emoin g^enant. Blanche 'etait, en effet, l’unique femme susceptible d’innocenter celui sur qui vous cherchez `a faire retomber les soupcons, c’est-`a-dire sur le journaliste J'er^ome Fandor, que vous avez accus'e formellement d’^etre l’auteur de l’assassinat de Didier. Saisissez-vous ?

— Pardon, dit Robert Granjeard, mais nous n’avons jamais accus'e ce monsieur d’avoir tu'e notre fr`ere.

Avec une audace inou"ie, le faux Juve affirmait :

— La lettre existe. Au surplus, si elle n’existait pas, la situation serait la m^eme.

— Je ne comprends pas, je ne comprends pas, balbutia Mme Granjeard, qui, effondr'ee dans un fauteuil, se comprimait la t^ete dans les mains.

— C’est bien simple, pourtant, reprit Fant^omas, et je m’en vais pr'eciser pour vous, madame. Voil`a la situation. Une premi`ere fois, lorsque vous 'etiez sous les verrous, vous accusez la ma^itresse de votre fils d’avoir 'et'e l’instigatrice du crime. Pourquoi ? Parce que le testament de Didier fait de cette Blanche Perrier sa l'egataire universelle. L’argument est si probant, d’ailleurs, que le magistrat vous lib`ere imm'ediatement. Bien. Je continue. Vous avez peur que le magistrat ne s’apercoive que le testament que vous avez invoqu'e pour accuser Blanche Perrier est en r'ealit'e un testament faux, c’est ce qui arrive, mais vous avez pr'evu le cas. Et, d`es lors, vous venez dire :

« Eu 'egard aux enqu^etes post'erieures qui ont 'et'e faites, aux suppl'ements d’information que nous avons recueillis, nous basant sur l’affaire du chariot, nous estimons que le coupable, l’auteur du meurtre de Didier, est un 'etrange mendiant, un simulateur d’infirmit'es, un homme suspect enfin, le journaliste J'er^ome Fandor ». Moi, Juve, j’interviens `a ce moment et je vous objecte que cette version a un inconv'enient, c’est que J'er^ome Fandor, qui habite `a c^ot'e de Blanche Perrier, trouvera aupr`es d’elle tous les alibis n'ecessaires, qu’il soit coupable ou innocent. Je continue. `A peine ai-je soulev'e devant vous ces hypoth`eses, `a peine vous ai-je fait toucher du doigt cette question d'elicate, que Blanche Perrier meurt assassin'ee. Qu’est-ce que je dois donc conclure en bonne logique ? c’est que, excusez-moi de ne pas vous m^acher les mots, pour compromettre plus s^urement Fandor et lui enlever le seul t'emoin qui l’innocente, vous avez fait assassiner Blanche Perrier.

Mme Granjeard, qui, `a grand peine, se condamnait au silence pendant que parlait le faux policier, ne put contenir plus longtemps son indignation :

— Mais, hurla-t-elle, c’est 'epouvantable ce que vous racontez-l`a. Ce que vous imaginez, car nous ne sommes pour rien dans ces affreuses combinaisons.

Elle s’arr^etait. Le faux Juve avait fait un signe de la main et d’un ton tr`es calme, il reprenait :

— Je ne veux pas me demander, Madame, si, dans la famille Granjeard, il est ou non quelqu’un de coupable, je vous signale simplement l’opinion qui se forme, qui se pr'ecise `a votre 'egard et je vous pr'eviens des risques que vous courez. Si les juges raisonnent comme je viens de le faire, vous aurez bien du mal, les uns et les autres, `a vous sortir d’affaire.

Ce n’'etait ni Mme Granjeard ni Paul Granjeard qui pouvaient protester.

La m`ere, en effet, 'etait sans cesse retenue, paralys'ee par cette pens'ee que c’'etait son fils, Paul, qui avait tu'e Didier et, d’autre part, Paul avait acquis, croyait-il du moins, la certitude absolue que le meurtrier de son fr`ere n’'etait autre que celle qui lui avait donn'e le jour.

La m`ere et le fils se tordaient les bras, absolument d'esesp'er'es, convaincus que, d’un instant `a l’autre, Juve allait leur annoncer qu’u 'etait venu les voir, officiellement, de la part de la justice, et qu’il allait `a nouveau proc'eder `a leur arrestation.

Robert Granjeard semblait, lui aussi, d'esol'e. Il 'etait plong'e dans les plus sombres r'eflexions, assis dans un angle de la pi`ece, le visage dissimul'e derri`ere ses mains.

Le faux Juve, estimant que ces gens 'etaient au paroxysme de l’'emotion, insinua alors :

— Il n’y aurait pour vous qu’un moyen de vous tirer d’affaire et ce moyen je vous l’apporte.

Les trois Granjeard, avec surprise et espoir, consid'eraient l’imposteur. Celui-ci poursuivit :

— Pour vous innocenter il faut un coupable. Or, ceux sur lesquels, jusqu’`a pr'esent, vous avez jet'e vos vues vous ont 'echapp'e d’une facon ou d’une autre. Il en reste un, c’est Fandor, et Fandor est dispos'e `a assumer, dans une certaine mesure, la lourde responsabilit'e dont il vous d'echargerait. Il veut bien dispara^itre. Il veut bien partir, sa fuite l’accusera. Y consentez-vous ?

Le policier ne pr'ecisait pas, n’achevait pas autrement sa phrase, mais elle avait n'eanmoins un sens tr`es net, les Granjeard ne s’y tromp`erent pas.

Paul et sa m`ere demand`erent ensemble, cat'egoriquement, en gens habitu'es `a traiter avec pr'ecision les affaires de toute nature :

— Combien ?

Sans h'esitation, Fant^omas r'epliqua :

— Cette fois, pas moins d’un million !

Il y eut un instant de silence. Mme Granjeard 'etait devenue toute p^ale, Paul Granjeard laissait 'echapper un profond soupir :

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