L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
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Fandor 'eclata de rire.
— Fant^omas, dit-il, vous vous trompez, nous ne sommes pas seuls.
Du doigt, le journaliste d'esigna la glace de la chemin'ee qui faisait face `a Fant^omas. Son mouvement 'etait si naturel, que le bandit leva la t^ete et Fant^omas, alors, se prit `a bl^emir. Dans la glace, il apercut l’image d’un homme, d’un homme qui 'etait Juve, le policier Juve, qui, ramass'e sur lui-m^eme, pr^et `a s’'elancer en avant, le menacait d’un revolver braqu'e. Pour Fant^omas, cette vision de Juve 'etait une surprise si soudaine, si stup'efiante, qu’un instant, il demeura interdit. Voyait-il r'eellement ce qu’il pensait voir ? ou 'etait-il victime d’une hallucination ? Instinctivement, Fant^omas, ayant la glace en face de lui et y voyant Juve, se retournait brusquement, supposant que le policier se trouvait derri`ere lui. Derri`ere lui, il n’y avait que le mur, Juve n’'etait pas l`a. Alors, une angoisse supr^eme se peignit sur la face de l’insaisissable :
— Mon Dieu, murmurait-il d’une voix sifflante, mais je deviens fou.
Un fracas lui r'epondait. D’un coup de pied, Juve brisait la glace, la glace sans tain, la glace qui n’'etait qu’une vitre, derri`ere laquelle il 'epiait le bandit. Et Juve hurlait :
— Rendez-vous, Fant^omas, rendez-vous ou vous ^etes mort.
***
Comment Juve 'etait-il parvenu dans le cabinet de Fant^omas ? Comment se faisait-il qu’il surgissait si opportun'ement `a l’instant o`u Fandor 'etait en si grand danger ? Juve, depuis de longs jours 'epiait en r'ealit'e le formidable bandit. Il avait d'ecouvert sa retraite, 3 ter, rue Tardieu, la veille m^eme. Imm'ediatement, Juve avait profit'e de cette d'ecouverte pour pr'eparer une attaque qui, dans son esprit, devait ^etre d'ecisive. Juve, la veille, avait lou'e l’appartement contigu `a celui qu’occupait Fant^omas et avec une habilet'e merveilleuse, une audace extr^eme, il avait alors d'emoli le mur se trouvant derri`ere la glace de la chemin'ee du cabinet de Fant^omas.
Parvenu en v'eritable perceur de murailles `a la glace m^eme, Juve n’avait pas eu grand-peine `a gratter l’'etamage de cette glace. D`es lors, et sans que cela se v^it dans le cabinet de Fant^omas, car, Juve, dans la pi`ece o`u il se trouvait lui-m^eme, maintenait une rigoureuse obscurit'e, il pouvait `a travers la vitre surveiller les agissements de l’Insaisissable. La nuit 'etant compl`ete derri`ere cette glace truqu'ee, la vitre, par un ph'enom`ene physique tr`es simple, gardait ses qualit'es de miroir et Fant^omas, ayant la lumi`ere du jour ou la lumi`ere 'electrique dans son cabinet, distinguait fort bien son image dans cette vitre. Il aurait suffi, il est vrai, d’un simple hasard pour que, se rapprochant tout contre cette glace truqu'ee, le Roi du Crime d'ecouvr^it la supercherie. Juve avait risqu'e sa chance. Logiquement, Fant^omas n’avait aucune raison plausible pour coller son visage `a la vitre plac'ee sur la chemin'ee. Le policier avait 'et'e second'e merveilleusement par le hasard et son truc avait pleinement r'eussi. Juve avait donc vu Fandor p'en'etrer chez Fant^omas et s’il n’avait point entendu les paroles 'echang'ees en revanche, `a la mimique du journaliste, `a la col`ere du bandit, il avait parfaitement devin'e qu’il 'etait urgent d’intervenir. `A ce moment, Juve pressa sur un bouton 'electrique, r'etablissait la lumi`ere, dans la pi`ece o`u il se trouvait. D`es lors, la vitre `a laquelle il s’appuyait, devenait transparente, on le voyait du cabinet de Fant^omas, Fandor l’apercevait, Fant^omas le consid'erait avec des yeux hagards et ne se doutant pas que la glace avait 'et'e truqu'ee, le cherchait derri`ere lui.
Juve n’avait plus, d’un coup de pied, qu’`a briser la vitre, qu’`a s’'elancer face au bandit, revolver au poing.
***
— Rendez-vous ou je vous tue.
Fant^omas, d’abord, recula lentement, un mauvais regard dans les yeux.
— Juve, Juve, murmura-t-il.
Le policier r'ep'eta :
— Haut les mains o`u je tire.
Fant^omas, brusquement, 'eclata de rire.
— Allons donc, cria-t-il, vous ne pouvez pas tirer. Regardez votre arme.
Son exclamation 'etait si naturelle que Juve, une seconde, baissait les yeux, consid'erait, en effet, son revolver.
Cette simple distraction suffit `a Fant^omas. Au moment m^eme, il bondit vers la porte du cabinet, il l’ouvrit, il la ferma derri`ere lui, il se jeta dans le vestibule.
— Hardi ! criait Juve.
Les deux hommes secou`erent la porte du cabinet de travail, elle 'etait ferm'ee, mais c’'etait l`a un pi`etre obstacle. `A coups d’'epaules, `a coups de pieds, les battants furent enfonc'es.
— Il a pris par l’escalier, criait Fandor se pr'ecipitant.
— Nous le rattraperons ! hurla Juve, s’'elancant derri`ere son ami.
Ils 'etaient `a ce moment dans les vestibule de l’appartement. Or, ils le longeaient en courant `a toute vitesse, brusquement, ils 'etaient pr'ecipit'es sur le sol, ils roul`erent l’un sur l’autre, immobilis'es, ligot'es `a moiti'e, incapables de se relever.
Du plafond, un filet aux mailles fines et lest'e par des contrepoids, venait de tomber sur eux, 'evidemment pr'ecipit'e par Fant^omas.
Juve et Fandor, emp^etr'es dans ce pi`ege d’un nouveau genre, devaient perdre de longues minutes avant de pouvoir reconqu'erir la libert'e de leurs mouvements, comme un braconnier prend des oiseaux dans son filet de panneautage, Fant^omas avait pris Juve et Fandor.
27 – SOUS LE DIVAN
Il faisait nuit et par les rues d'esertes qui avoisinent le boulevard Raspail, dans sa partie la plus 'eloign'ee du faubourg Saint-Germain, deux hommes avancaient `a grands pas.
C’'etaient Juve et Fandor. Les deux amis qui s’'etaient retrouv'es dans des circonstances v'eritablement extraordinaires, semblaient ne plus vouloir se quitter d'esormais et jouer partie li'ee, pour mieux se mettre `a la poursuite de leur redoutable adversaire et de ses sinistres complices. Ils avancaient rapidement, sans mot dire, pr'eoccup'es l’un et l’autre.
— O`u allons-nous Juve ?
— Rue Froidevaux, derri`ere le cimeti`ere Montparnasse.
— C’est gai, murmura le journaliste, vous avez toujours des trouvailles d`es que l’occasion se pr'esente pour nous de passer ensemble une bonne soir'ee. Si j’avais 'et'e consult'e sur notre itin'eraire, je vous avoue que j’aurais choisi, de pr'ef'erence, les boulevards et la place de l’Op'era.
— Vas-y, grommela Juve, fais de l’esprit, Fandor, c’est de ton ^age. Seulement, je ne vois gu`ere Fant^omas donnant ouvertement ses rendez-vous dans un caf'e des boulevards, comme ceux auxquels tu penses.
— Nous allons `a un rendez-vous de Fant^omas ?
— Non, du moins pas ce soir. Mais nous allons simplement 'etudier le terrain sur o`u aura lieu demain la bataille entre le mis'erable bandit et nous-m^emes, le terrain, sur lequel, j’esp`ere bien, il viendra se faire prendre, ce qui nous permettra en m^eme temps de tirer d’affaire et d’arracher des griffes de ce mis'erable la malheureuse famille Granjeard.
— C’est le troisi`eme acte d’un vaudeville, tout le monde se retrouve.
— Dis plut^ot qu’il s’agit peut-^etre de l’'epilogue d’un drame `a 'episodes.
— Je vois ce que c’est, fit Fandor, il va encore y avoir de la casse. Juve, comment savez-vous que Fant^omas a rendez-vous avec les Granjeard ?
— 'Ecoute, Fant^omas a eu l’audace de se pr'esenter sous mon nom chez les Granjeard. Il doit rencontrer ceux-ci au restaurant de L’'Epervier. La famille affol'ee de Saint-Denis, a promis d’apporter `a Fant^omas une somme assez coquette, il ne s’agit de pas moins d’un million. Avec ce qu’il a d'ej`a touch'e, cela fera deux millions. Puisque tu d'esires le savoir, Fandor, nous allons nous occuper de les reprendre, ces millions et c’est pour cela que nous nous rendons de ce pas `a L’'Epervier, o`u nous allons 'etudier le terrain. Fant^omas porte toujours sur lui, j’en ai acquis la preuve il y a quelques jours, les deux paquets de cinq cent mille francs qu’il a escroqu'es `a la famille Granjeard. Ce sera de bonne prise pour nous. Et maintenant, plus un mot, nous sommes arriv'es.
Fandor, machinalement, s’arr^eta, 'ecarquilla les yeux, regarda autour de lui. Le journaliste 'etait avec le policier dans une rue assez large, mais compl`etement d'eserte et fort mal 'eclair'ee. Pas de boutiques.
Quelques jardins venaient en bordure du trottoir, derri`ere lequel s’'elevait de petites masures, aux allures louches.
— C’est plein de gaiet'e, murmura Fandor qui, pour attendre une explication que Juve allait certainement lui fournir, s’'etait install'e sur le brancard d’une balayeuse d'etel'ee, abandonn'ee au bord de la chauss'ee.