La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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— Pas possible ?
— Dame oui. C’est le conseil de guerre pour lui, vous comprenez, un militaire. Surtout que ce n’est pas le premier venu. Je le connais, moi, ce garcon, il appartient `a une excellente famille, les Altar`es. Au fait, vous ne le connaissez peut-^etre pas plus que cela, votre amant ? Oui, Martial Altar`es appartient `a une tr`es bonne famille du Midi. Il a une soeur mari'ee `a M. Timol'eon Fargeaux, propri'etaire du ch^ateau de Garros, un vieux ch^ateau, ma ch`ere, tout ce qu’il y a de bien, sur la ligne de Bayonne, `a huit kilom`etres de la Barre de l’Adour. Oui, et vous pouvez ^etre s^ure qu’il va trinquer, car on n’aime pas ces histoires-l`a au r'egiment. Surtout que vous allez certainement porter plainte.
— Je vais voir… Monsieur, je me sens d'ecid'ement tout `a fait bien, et je vous prierais de me signer mon bulletin de sortie.
— Comment, protesta Carnabesse, vous voulez nous quitter ? me quitter ?
— Mon Dieu oui.
— C’est emb^etant, poursuivit l’interne, moi qui me pr'eparais `a vous faire la cour, mais enfin ca n’emp^echera peut-^etre pas. Il est 'evident qu’au point de vue m'edical je n’ai aucune raison de vous retenir. Vous vous portez, ce matin, comme le Pont-Neuf, pas l’ombre de fi`evre. Cependant, je ne vous accorderai votre exeat qu’`a une condition.
— Vraiment, fit H'el`ene, et laquelle ?
— Eh bien, ma ch`ere petite, c’est `a la condition que vous d^inerez ce soir avec moi. Nous ferons ensemble la f^ete, ca vous consolera de votre amoureux, et je vous prie de croire qu’on ne s’emb^ete pas avec moi. Est-ce entendu ?
— Pourquoi pas ?
— Donc, rendez-vous `a la gare de Biarritz, pour le train de 6 h. 32. N’ayez pas l’air de me reconna^itre, car j’ai des relations ici et m^eme un peu de famille, mais vous prendrez un billet pour Saint-Jean-de-Luz, et c’est l`a que nous nous paierons une bosse de rigolade.
Une heure apr`es, H'el`ene quittait l’h^opital. Au fond d’elle-m^eme la jeune fille 'etait enchant'ee de se retrouver libre, et surtout d’avoir, en faisant bavarder l’interne, obtenu des renseignements sur son myst'erieux agresseur.
— Par exemple, pensait-elle, si cet imb'ecile compte sur moi pour d^iner avec lui ce soir, il se fait de rudes illusions. C’est qu’il m’a prise pour une petite grue.
H'el`ene monta dans une voiture, se fit conduire `a la gare, et, dans la salle d’attente, 'etudia l’indicateur.
***
Cependant, au ch^ateau de Garros, Timol'eon Fargeaux 'etait en t^ete-`a-t^ete avec sa femme. Les 'epoux s’expliquaient :
— Enfin, d’o`u viens-tu ? demandait Timol'eon pour la dixi`eme fois.
— Je te l’ai d'ej`a dit, r'epliqua Delphine qui simulait la patience ang'elique. J’ai 'et'e voir ma tante `a Dax, tu sais bien qu’elle est malade.
— Enfin, va-t-elle mieux ?
— Elle va mieux.
— Est-ce bien vrai, cette histoire-l`a ?
— Pourquoi ?
— Parce que, 'eclata Timol'eon, je sais qu’hier, `a la gare, au lieu de prendre le train pour Dax, tu as pris celui qui va dans la direction oppos'ee.
— C’est pour gagner du temps. Je suis all'ee jusqu’`a Bayonne prendre l’express qui va d’une traite `a Dax.
— Ah, c’est donc ca. Je comprends maintenant.
— D’abord, tu ferais mieux de me dire `a quoi tu as pass'e toi-m^eme ta soir'ee et ta nuit ?
— Moi, je suis rest'e bien tranquille `a la maison.
— Allons donc, je sais que tu es sorti.
— Eh bien, oui, c’est vrai, je suis sorti `a neuf heures pour ne rentrer qu’`a une heure du matin. Mais je n’ai rien fait de mal, j’ai simplement 'et'e faire un tour dans la propri'et'e.
— Pourquoi ? demanda Delphine.
Timol'eon refusa de r'epondre.
Timol'eon Fargeaux, d’ailleurs, ramena la conversation sur l’absence de sa femme.
— Ouf, fit-il en se laissant tomber dans un fauteuil et en attirant tendrement Delphine pr`es de lui, je suis bien content de tout ce que tu viens de me dire, car me voil`a rassur'e et je t’avoue franchement que, depuis hier, j’avais des inqui'etudes.
— Des inqui'etudes ? `a quel sujet ?
— Je n’ose pas te le dire.
— Et moi, je veux que tu parles.
— Hier, ton fr`ere est venu aussit^ot apr`es ton d'epart, et il m’a fait une sc`ene terrible, m’accusant d’^etre un mari aveugle, m’affirmant que j’'etais cocu.
— Mon fr`ere est un imb'ecile.
— Non, fit Timol'eon, c’est un brave garcon, seulement il est un peu vif, exag'er'e, et puis, s’il parlait ainsi, c’'etait dans notre int'er^et, pour sauvegarder l’honneur de la famille.
— L’honneur de la famille… l’honneur de la famille… De quoi se m^ele-t-il, maintenant, Martial ? V'eritablement, c’est extraordinaire. Insupportable. J’en ai assez, entends-tu, Timol'eon ? Si jamais Martial s’avise de te reparler de ces choses-l`a, tu le prieras de s’adresser `a moi. Et je m’en expliquerai avec lui une bonne fois pour toutes.
— Oh, je ne demande pas mieux, moins il y aura d’histoires et plus je serai satisfait. L’essentiel, pour moi, c’est, en somme, d’^etre assur'e que je ne suis pas cocu.
Il attira Delphine tout pr`es de lui, lui serra tendrement la taille :
— Dis-le-moi, fit-il d’une voix 'emue.
— Quoi ?
— Eh bien, que je ne suis pas cocu.
La jeune femme ne r'epondit pas. On venait de frapper `a la porte du salon. Elle s’arracha des bras de son 'epoux.
— Entrez.
La bonne se pr'esenta.
— C’est l’institutrice.
— Quelle institutrice ?
— Celle que Madame a fait venir de Bayonne.
— Eh, tu t’y prends de bonne heure, ma Delphine. Tu engages des institutrices, et nous n’avons pas encore d’enfants.
Mme Fargeaux ne r'epondit pas `a son mari, mais elle demeura tout interloqu'ee, ahurie, ne comprenant rien `a ce qu’annoncait la bonne.
— Vous ^etes s^ure que c’est pour moi ?
— Oui, Madame, pr'ecisa la servante, c’est une jeune dame qui est venue comme ca sonner `a la porte du ch^ateau, et elle m’a dit :
Delphine 'etait bien trop intelligente pour ne pas se douter qu’il y avait l`a quelque myst`ere qu’il lui fallait 'elucider avec adresse.
— Faites entrer cette personne dans le petit salon, dit-elle, je vais aller la rejoindre.
La bonne ob'eit. Timol'eon Fargeaux se disposait `a suivre sa femme dans le petit salon, et il n’'etait pas autrement f^ach'e `a l’id'ee de voir l’institutrice.
Mme Fargeaux l’en emp^echa :
— Toi, fit-elle, reste ici, ca n’est pas l’affaire des hommes de s’occuper du personnel de la maison, et ca m’agace de t’avoir tout le temps sur mes talons.