La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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— Ne m’interrogez pas. Ne me demandez rien, je ne peux pas vous r'epondre, je n’ai qu’`a ob'eir : voici votre d'ejeuner. Adieu, J'er^ome Fandor.
Mais J'er^ome Fandor ne l’entendait pas ainsi :
— Fichtre comme vous y allez, lady Beltham. Ne m’interrogez pas, dites-vous ? Ah si, par exemple, je suis l`a pour ca. Voyons, o`u suis-je ? dans un phare ? qui m’a fait mettre l`a ? Fant^omas ?
On e^ut dit vraiment que lady Beltham 'etait hypnotis'ee par les paroles de Fandor. Elle ne s’'ecartait pas de la trappe, elle restait immobile, elle ne chercha point `a fuir, mais ses l`evres ne se desserr`erent pas.
— Madame, insista Fandor qui s’'enervait, vous pouvez bien me dire si tout cela est exact ? D’autant plus que je ne sais rien moi, que je ne comprends rien `a ce qui se passe. J’allais rejoindre Juve pour m’occuper du meurtre d’une certaine Mme Borel et…
Cette fois les l`evres blanches de lady Beltham s’entrouvraient :
— Mme Borel n’est pas morte, d'eclarait la ma^itresse du bandit, Mme Borel c’est moi.
— Vous ?
Fandor avait prononc'e ce vous avec un tel accent de stup'efaction qu’un p^ale sourire se dessina sur le visage de lady Beltham :
— Oui, r'epondait-elle, c’'etait moi. J’avais pris ce nom pour dispara^itre `a nouveau, me faire oublier. J'er^ome Fandor, je tiens `a vous dire que je suis innocente de tout ce qui est arriv'e et que…
Il y avait une telle angoisse dans les paroles de lady Beltham que le journaliste en fut 'emu. Chose curieuse, alors qu’il 'etait prisonnier et que la ma^itresse de Fant^omas 'etait sa ge^oli`ere, J'er^ome Fandor se sentait sans col`ere envers la grande dame.
Lady Beltham, c’'etait aux yeux du journaliste une victime plus qu’une coupable. Elle aimait Fant^omas. C’'etait son seul crime, et Fandor ne pouvait pas lui en vouloir.
— Bon, bon, interrompit l’ami de Juve, vous ^etes innocente, je le veux bien, mais il y a autre chose, je m’ennuie, moi, o`u je suis. Faites-moi sortir, hein ?
Or, lady Beltham ne r'epondit pas, elle s’'ecarta de la trappe, secouant lentement la t^ete, disparut.
J'er^ome Fandor v'ecut alors de longs jours d’un ennui pesant, d’une perp'etuelle anxi'et'e. Dans l’'etroite cellule o`u il 'etait enferm'e o`u il continuait `a vivre dans une obscurit'e rigoureuse, il sentait que la folie r^odait autour de lui. `A intervalles r'eguliers, Lady Beltham apparaissait pr`es de la trappe, et lui passait, `a travers les barreaux, des provisions. Elle ne r'epondait jamais `a ses questions, elle se contentait de r'ep'eter :
— J'er^ome Fandor, je suis innocente.
***
Combien de temps Fandor resta-t-il prisonnier ? combien de temps allait-il le rester encore ? Il n’en savait rien.
N’ayant, pour mesurer le temps, d’autres ressources que de compter les apparitions de sa ge^oli`ere, il estimait qu’il 'etait depuis plus d’une semaine enferm'e dans le phare, lorsqu’il se r'eveilla un beau matin, bien d'ecid'e `a risquer le tout pour le tout et `a livrer une grande bataille pour recouvrer sa libert'e.
J'er^ome Fandor, en effet, pendant sa monotone captivit'e, avait employ'e ses loisirs `a fouiller les ballots qui s’y trouvaient. Il n’avait pas trouv'e d’objets bien int'eressants d’abord, car la plupart des caisses contenaient du goudron, des signaux, des cordages, des engins n'ecessaires au phare lorsqu’on ouvrant une petite caissette, il s’'etait apercu, `a l’odeur qui s’en exhalait, qu’elle 'etait remplie de poudre.
J'er^ome Fandor avait aussit^ot pens'e `a utiliser cette poudre :
— Lady Beltham, hurlait-il, descendez donc, j’ai absolument besoin de vous parler.
Il hurla l’appel pendant toute la journ'ee et s’'etonna de ne point recevoir de r'eponse, d’autant que la grande dame n’'etait pas venue lui apporter son d'ejeuner, chose `a laquelle elle n’avait jamais manqu'e jusque l`a.
J'er^ome Fandor 'etait donc fort inquiet, soupconnant qu’il y avait du grabuge dans le phare, lorsque enfin lady Beltham apparut :
En un clin d’oeil J'er^ome Fandor fut sur les caisses qui lui servaient d’'echafaudage :
— 'Ecoutez-moi, commenca-t-il, j’ai deux mots `a vous dire et je veux vous parler tr`es s'erieusement.
Lady Beltham ne lui laissait pas le temps d’achever.
— J'er^ome Fandor, faisait-elle, je m’excuse de ne point ^etre venue vous apporter votre repas. Vous ^etes dans un phare, comme vous l’avez devin'e, la mer est d'emont'ee. J’ai 'et'e oblig'ee de passer toute la journ'ee dans la lanterne que je n’osais pas abandonner. Il y avait des vaisseaux en perdition, j’ai sauv'e des centaines d’existences.
L’excuse 'etait bonne 'evidemment et J'er^ome Fandor aurait eu mauvaise gr^ace `a ne point le reconna^itre.
— Tr`es bien, fit le journaliste, je me moque tout `a fait de n’avoir pas d'ejeun'e et vous avez eu raison de rester dans la lanterne du phare si votre pr'esence y 'etait utile, mais il ne s’agit pas de cela. 'Ecoutez-moi bien, lady Beltham, voici ce que j’ai d'ecouvert et voici ce que je vous propose : j’ai trouv'e dans ma cellule deux caisses remplies de poudre noire, destin'ee probablement `a des signaux. Sur moi il me reste cinq allumettes-tison. De deux choses l’une : ou vous allez imm'ediatement me remettre en libert'e, ou imm'ediatement, je frotte l’une de ces allumettes-tison et je la jette sur la poudre. Le phare saute, je saute et vous sautez, lady Beltham. J’ajoute que si Fant^omas est ici…
— Il n’est pas l`a.
— Tant pis, il aurait saut'e lui aussi. Enfin voil`a. Mon parti est pris. Vous avez dix minutes pour r'efl'echir. Donnez-moi la libert'e ou je fais tout exploser.
De p^ale qu’elle 'etait, lady Beltham 'etait devenue livide. La grande dame, en effet, connaissait suffisamment l’'energie du reporter pour ne pas douter de ses paroles. Ce que Fandor disait il le ferait, il fallait ou se r'esigner `a la mort ou lui rendre la libert'e.
Pendant quelques minutes il sembla qu’un 'etrange combat se livrait dans l’^ame de la ma^itresse de l’Insaisissable. C’'etait d’une voix extraordinaire, d’une voix sans sonorit'e, qu’elle finissait par r'epondre :
— J'er^ome Fandor, j’ai jur'e sur mon honneur que, quoi qu’il arrive, je ne vous remettrai pas en libert'e.
— Alors, nous allons sauter.
— Laissez-moi achever. J’ai jur'e sur mon honneur que je ne vous remettrais pas en libert'e et moyennant ce serment j’ai obtenu des apaches qui vous ont amen'e ici, qu’ils se contentent de vous emprisonner sans vous torturer, sans vous crever les yeux, comme ils en avaient l’intention. Je suis donc engag'ee par serment `a vous garder prisonnier et je ne manquerai pas `a la parole donn'ee. Vous me menacez de faire sauter le phare, soit. Faites ce que bon vous semblera. Si vous ^etes pr^et `a la mort, j’y suis pr^ete aussi, autant que vous, plus que vous peut-^etre. Mais il y a quelque chose dont je vous fais juge : la nuit tombe en ce moment, J'er^ome Fandor, la mer est d'emont'ee, je vous l’ai dit, vous entendez comme elle hurle, comme elle frappe avec violence les murailles de votre cellule. Eh bien, J'er^ome Fandor, si vous faites sauter le phare cette nuit, il y a certainement de pauvres p^echeurs, de grands bateaux aussi qui feront naufrage, car ils n’auront plus le feu dont je suis la gardienne pour se guider. R'efl'echissez `a cela. Vous pouvez tr`es bien faire sauter le phare, c’est entendu, je vous demande de ne le faire sauter que demain matin, quand il fera jour, une fois la mer calm'ee.